Décidément le contribuable ne sait plus à quel saint se vouer depuis les divergences intervenant sans cesse entre le gouvernement et le président de la République provisoire et les attitudes parfois sidérantes, aussi bien de la part de l'un que de l'autre, alors que le sort du pays est pour le moment, entre leurs mains, du moins provisoirement. N'en déplaise à Monsieur Marzouki, qui a même intenté une action en justice, par l'intermédiaire de ses conseillers, afin que les médias cessent de le qualifier de provisoire. Cette action a été bien entendu rejetée par le tribunal étant sans fondement. Le gouvernement et le président de la République sont juridiquement bel et bien provisoires, en attendant les prochaines élections, qui seront organisées sur la base d'une nouvelle constitution. Ces divergences entre les deux hommes de la Troïka sont de plus en plus notoires et accentuées.
Les trois derniers cas intervenus récemment peuvent l'établir d'une manière tangible et incontestable. 1) Le gouverneur de la banque centrale, Mustapha Kamel Nabli ayant été dans le collimateur du président de la République, une rumeur a circulé la semaine dernière concernant son limogeage, et son remplacement par Moncef Cheikhrouhou. Au cours de la même semaine, Kamel Nabli a été choisi par ses pairs comme étant le meilleur gouverneur du continent africain Par ailleurs, il a pris part au world Economic Forum sur le Moyen Orient, qui eut lieu à Istanbul entre le 4 et le 6 Juin dernier, en s'y rendant avec la délégation tunisienne conduite par Hamadi Jbali.
Nabli a conduit hier une délégation tunisienne à Bruxelles pour participer à un atelier de travail organisé par le comité de recouvrement des biens mal acquis en collaboration avec l'Union Européenne. Toutefois, le premier ministre Hamadi Jbali, s'est montré plutôt sceptique, mais en tout cas pas explicite concernant le départ de Nabli et son remplacement à la tête de la banque centrale. Alors que le président de la République a été, lors de son intervention sur l'une des chaînes de télévision locale, catégorique : « Nabli sera remplacé ..... Le prix du meilleur gouverneur ? C'est son problème ! » a-t-il soutenu.
En tout état de cause, c'est le citoyen qui reste coi, et à la recherche d'une vérité qu'il n'arrive pas à saisir du moins pour le moment. 2) Concernant l'affaire Baghdadi Mahmoudi, l'ancien ministre libyen, la divergence de positions entre le président de la République et le Chef du gouvernement est tellement accentuée, qu'elle s'est transformée en une tension entre les deux hommes, ce qui est plutôt inquiétant. Alors que le président de la République ne cesse d'affirmer qu'il ne signera pas l'arrêté d'extradition de Mahmoudi, le Premier ministre affirme que celle-ci est imminente, quand bien même elle ne serait pas entérinée par le président. C'est plus qu'une divergence de point de vue, c'est le bras de fer , celui-ci ne pouvant être qu'au détriment du contribuable. 3) Le dernier cas concerne la distribution du livre de Leïla Ben Ali , épouse du président déchu, intitulé : « Ma vérité ». Une information parue dans l'un des quotidiens de la place a laissé entendre que ce livre sera interdit en Tunisie. L'un des ministres de Jbali, a précisé à ce sujet, que ce n'est pas le livre qui sera saisi, mais les Royalties sur les ventes. Il exprima par ailleurs son étonnement que des libraires acceptent de mettre de tels livres à la vente, ajoutant que certains ouvrages sont interdits à la vente en Europe, pour des considérations d'ordre moral.
Quelles sont ces considérations en l'occurrence ? Est-ce contraire à la morale de mettre à la vente un livre écrit par l'épouse du président déchu ?
Quelle vérité craigne-t-on de découvrir? Il est vrai que toute vérité n'est pas bonne à dire. Encore faut-il qu'il s'agisse de la vraie vérité.
Sur ce point la position du chef de l'Etat n'est pas explicite non plus. Ce qu'on sait par contre, c'est qu'il est pour la liberté d'expression et à partir de là, il ne peut pas en principe se contredire. Il est vrai que, comme l'a affirmé Albert Camus : « Seule la vérité peut affronter l'injustice » C'est la raison pour laquelle Ali Ibn Abi Taleb le dernier des quatre Califes qui ont succédé au Prophète Mohamed, s'est exclamé à ce propos qu'on peut exprimer une vérité dans l'intention de commettre une injustice. Cette sincérité lui a été d'ailleurs, plus que jamais fatale, lui qui était, au fond de lui-même contre toute discorde.