Jamais dans les annales de la justice tunisienne, et notamment en matière d'extradition, il n'y a eu de cas semblables à celui de l'ancien responsable au sein de l'ancien régime liyen,Baghdadi Mahmoudi. Demeuré aux côtés de Kadhafi pendant les bombardements de l'OTAN de 2011, il quitte la Libye dès que les rebelles ont commencé à exercer leur offensive sur Tripoli et gagne la Tunisie, où, il est arrêté pour passage illégal de la frontière. Condamné à 6 mois de prison en première instance en septembre 2011, il est acquitté en appel. Il n'est pas relâché pour autant, son extradition ayant été demandée par le conseil de la révolution libyenne.
Premier épisode : Baghdadi Mahmoudi se défend de n'avoir aucunement participé au régime militaire de Kadhafi et déclare être prêt à se rendre de son propre gré en Libye pour coopérer avec le nouveau gouvernement de transition.
Il demande aux autorités tunisiennes par l'intermédiaire de ses avocats, à ce qu'il soit purement et simplement remis en liberté sans être extradé.
Deuxième épisode : Soumis à la justice, le cas de Baghdadi Mahmoudi a été tranché par la cour d'appel en novembre 2011 qui s'est prononcé en faveur de son extradition vers la Libye.
En cette matière, toute extradition doit être validée par le président de la République.
Le dossier de Mahmoudi ayant été soumis à Foued Mebazaâ, premier président de la République par intérim, est resté en instance.
Etait-ce dû au fait que ledit président devait s'assurer des garanties exigées par les instances internationales dont notamment la Cour Internationale de Justice,
et la Cour Européenne des droits de l'Homme, et dont doit bénéficier Mahmoudi ?
En tout état de cause, le dossier est resté en instance, jusqu'au départ de Mébazaâ.
Entre temps Baghdadi Mahmoudi reste en détention, la cour de première instance de Tozeur, siégeant en instance d'appel pour les affaires cantonales ne s'étant pas prononcée encore, à l'époque, concernant l'affaire de passage illégal de la frontière.
Troisième épisode : En janvier 2012 Mahmoudi est acquitté en appel, concernant cette affaire. Mais sa détention est quand même maintenue.
Un comité de défense de Mahmoudi est constitué par les avocats de ce dernier qui réclament sa libération et affirment qu'il n'y pas la moindre garantie que leur client bénéficiera, au cas où il est extradé, d'un procès équitable.
Moncef Marzouki, prenant la relève de Foued Mebazaâ, se montre réticent à signer l'arrêté d'extradition de Mahmoudi, déjà soumis à son prédécesseur. Il exprime même la volonté de ne pas s'empresser à le faire avant de s'assurer des garanties nécessaires dont doit bénéficier l'intéressé.
Parmi ces garanties de fait et de droit, l'intéressé doit être traité conformément aux règles des droits de l'Homme et sans être exposé à un jugement à la peine capitale.
Quatrième épisode :en mai 2012 le ministre de la Justice Noureddine B'hiri déclare que l'extradition de Mahmoudi est imminente. Ce qui suscite les réactions des juristes et des membres de la composante de la société civile dont notamment, les avocats de l'intéressé.
Bien plus, l'un des avocats déclare que la décision d'extradition de Mahmoudi est non seulement contraire aux droits de l'Homme, mais qu'elle serait le fruit de transactions sur la base d'intérêts pécuniaires.
Bien que cette déclaration soit dénuée de fondement tangible elle prête à réfléchir sur ces atermoiements et surtout sur la divergence de position existant entre la présidence de la République et le Gouvernement à ce sujet.
Cinquième épisode : cette divergence est d'autant plus inquiétante qu'elle est de plus en plus accentuée.
Vendredi dernier le porte-parole de la présidence de la République, déclare à ce sujet que l'arrêté d'extradition de Mahmoudi ne sera pas signé par le président avant d'avoir pris connaissance sur le rapport de la délégation qui s'est déplacée en libye. Cette commission a pour mission de prendre connaissance sur place des conditions selon lesquelles l'intéressé sera jugé, et qui doivent répondre aux garanties d'un procès équitable.
Le porte-parole a ajouté par ailleurs que l'intéressé a demandé l'asile politique et qu'il n'a pas encore été fixé à ce sujet. Ce qui est une cause supplémentaire pour surseoir à la décision d'extradition.
Bras de fer
Juste après le premier ministre déclare le même jour à l'agence France-Presse
que Mahmoudi sera remis aux autorités libyennes, et qu'il n'est pas besoin que cette décision soit entérinée par le président de la République, condition énoncée par l'ancienne constitution devenue caduque.
Le président de la République soutient mordicus pour sa part que Mahmoudi ne sera pas livré aux autorités libyennes pour le moment.
Devant ce bras de fer entre le président et le chef du gouvernement, quand verra-t-on le dénouement de cette affaire ?
A moins qu'il ne faille soumettre le cas à la Constituante ? Ce serait peut-être la solution idéale pour trancher entre les deux hommes de la Troïka......