Ils sont réunis dans un espace, un bureau de vote autour d'un isoloir pour échanger des idées, pensées, sentiments et points de vue. Chacun représente un aspect de la société et expose sa situation. Un vrai spectacle réalisé au moment des premières élections libres du pays ! Berçant notre quotidien et impactant notre vie, même si quelques récalcitrants ont tendance à dire « la politique, j'y comprends rien, ça m'ennuie et ce sont tous des menteurs », cette création d'El Teatro reste néanmoins passionnante.
Mise en scène par Naoufel Azara et Moez Gdiri, la pièce évoque les élections de la constituante en Tunisie sous un angle entre le sérieux et la symbolique du vote. Taoufik Jebali décortique ainsi la relation qui lie les citoyens tunisiens avec la démocratie, la liberté de choisir. Sonia Ben Jemaa, Sonia Ben Osman, Leila Yousfi, Akil Kolsi, Ghassan Hafsia, Sonia Dahmani, Saber Oueslati, Ammar Ltifi, Thouraya Daabak, et Feiza Riahi défendent avec sensibilité leurs personnages. Alors que les électeurs se font plutôt rares, la pression monte dans le bureau de vote. Le responsable du bureau furieux ne sait quoi faire. Il essaie à chaque fois de contacter un mystérieux M. Kamal qui dirige les opérations au téléphone, un jeune couple qui se déchire en se découvrant des divergences politiques, un aveugle sillonnant l'espace et s'interroge s'il peut voter, des médecins arrivent pour dépouiller l'urne et faire le diagnostic de chaque résultat. Tous ces enjeux, ces affrontements, cette tension sont exprimés dans un style dramatique.
Le décor est simple, réduit à un bureau de vote et à quelques isoloirs et tables, les lumières faisant l'essentiel. Taoufik Jebali, invite dans cette pièce à une réflexion sur les liens qui ont commencé à se bâtir entre les citoyens et leur liberté de choix nouvellement acquise. Il essaie de décortiquer les relations diverses que pourrait avoir la citoyenne ou le citoyen face à ce nouvel espace citoyen en Tunisie à conquérir en toute liberté. « L'isoloir pour lui, est un objet symbolique, qui revêt des symboles multiples. Quand on est dans l'isoloir, on est face à soi-même. Nous vivons, estime-t-il, dans une société fermée, qui a eu l'habitude de vivre en cachette. On peut faire de bonnes comme de mauvaises choses en cachette. Pour une fois, la cachette va servir à ne plus vivre en cachette. Notre objectif donc, est de sensibiliser le citoyen. Ce qui nous intéresse surtout c'est l'après isoloir. Une voix pourra être utile comme elle pourra causer des torts. Personnellement je joue l'aveugle dans cette pièce et là on se demande est-ce que les non voyants ont le droit de voter. Un acte difficile à entreprendre quand on sait qu'aucun dispositif n'est mis en place jusqu'à aujourd'hui pour leur faciliter la tâche ».
Humour, jeux de mots, rire sont les ingrédients utilisés. Les personnages s'acharnent sur ce qui les effraye et les obsède, s'attaquent, se lâchent et se reprennent. C'est un peu de tout cela que l'on découvre avec bonheur dans le spectacle de Taoufik Jebali, un spectacle court certes (1h20) mais fascinant et profond