Le co-fondateur du mouvement islamiste Ennahdha, Me Abdelfattah Mourou, a été agressé, dimanche soir, à Kairouan, par un fondamentaliste religieux pour avoir pris la défense de l'islamologue Youssef Seddik. Ironie des circonstances, l'avocat islamiste a été sauvagement violenté alors qu'il participait à une conférence sur le thème « la tolérance en Islam » organisée par le réseau de Tunis des droits, des libertés et de la dignité dans un hôtel de la 4ème ville sainte de l'islam. Plusieurs autres intervenants, dont l'islamologue et l'écrivain Youssef Seddik, et le porte-parole du parti islamiste Hizb Ettahrir. La présence de Youssef Seddik qui est connu par ses interprétations rationnelles du texte coranique n'a pas été du goût de certains éléments présents dans la salle. Ces derniers n'ont pas tardé à exiger le départ immédiat de M. Seddik qu'ils ont considéré comme un « mécréant ». Les agresseurs ont, par la suite, pris à partie Youssef Seddik ; l'accusant d'avoir tenu des propos blasphématoires à l'égard de Aïcha, l'épouse du Prophète sur les ondes d'une radio privée. C'est à ce moment que le cheïkh Mourou a essayé de calmer les ardeurs des jeunes fondamentalistes religieux, en leur expliquant qu'ils se trompaint de personne. L'avocat a également précisé à ses interlocuteurs qui avaient visiblement les nerfs à vif qu'il était lui même présent lors de l'émission radiophonique durant laquelle l'islamologue Mohamed Talbi et non pas Youssef Seddik avait tenu des propos peu amènes à l'égard de l'épouse du Prophète de l'Islam. L'un des extrémistes s'est, alors, emporté contre Me Mourou lui reprochant d'avoir chanté en direct à la télévision, avant de lui lancer un verre sur le front. « «L'homme m'a accusé de mentir sur l'identité de l'auteur des propos désobligeants relatifs à l'épouse du Prophète avant de me lancer: attention ici, nous sommes armés de sabres. Je lui ai répondu : un peu de politesse s'il te plaît. C'est à ce moment qu'il m'a frappé avec un verre qui se trouvait sur la table », raconte le co-fondateur d'Ennahdha. Et d'ajouter : «J'ai été ensuite transporté à l'hôpital en état d'inconscience et ensanglanté. La blessure a nécessité cinq points de suture ».
Youssef Seddik, il a dû, quant à lui, quitter les lieux sous la protection des organisateurs.
Un ancien détenu amnistié ?
L'agresseur de cheïkh Mourou serait, selon des sources sécuritaires, Mohamed Thameur Wahada, un quadragénaire originaire de Kairouan, qui avait été condamné en 2007 sur la base de la loi antiterroriste. Libéré dans le cadre de l'amnistie générale proclamée en mars 2011, le prévenu serait, selon les mêmes sources, membre de l'association religieuse Abou Zayd-al Kaïraouani. Quoi qu'il en soit, l'accusé a été arrêté. Il devrait comparaître en justice pour coups et blessures.
A noter que ce n'est pas la première fois que des extrémistes religieux s'en prennent à Me Abdelaffath Mourou. En mars dernier, Me Mourou a été expulsé sous la menace, de la mosquée de Kalaâ Kébira, près de Sousse par des salafistes qui l'avaient qualifié d'«apostat ». Me Mourou avait à l'époque indiqué que celui qui a exigé son expulsion a lancé à ses compères: «Soit vous le sortez, soit je le tue».
Les animosités qui opposent les salafistes à Me Mourou seraient motivées par l'ouverture d'esprit et la tolérance dont fait preuve l'avocat islamiste, qui vient de réintégrer officiellement le mouvement Ennahdha à l'occasion de son 9ème congrès. Les salafistes ne semblent pas avoir digéré le fait qu'un un cheikh et dirigeant d'un parti islamiste puisse chanter la neuvième symphonie de Beethoven sur une chaîne télé à grande audience. Selon eux, la musique et le champ constituent un péché.