A l'occasion de la Fête nationale de la Femme, (13 août), nous avons choisi de vous présenter ce bel ouvrage consacré à une patriote de la première ligne, décédée l'année dernière au mois de septembre. Rafiâ Bornaz n'a donc pas manqué le 14 janvier 2011, date désormais mémorable dans l'histoire de la Tunisie moderne. Militante forcenée pour l'indépendance du pays, elle a sûrement apprécié à sa juste valeur la chute du régime totalitaire de Ben Ali. Fervente admiratrice et supportrice du « Combattant suprême », que pouvait-elle penser du retour au bourguibisme que de plus en plus de Tunisiens appellent de tous leurs vœux ? Quelle aurait été son opinion au sujet des appréhensions actuelles quant à une possible régression du pays vers l'obscurantisme fanatique et intolérant ? Alia Baccar, l'auteur de sa biographie, ne nous en dit mot ; son objectif étant prioritairement de rendre hommage au patriotisme et au militantisme de cette bourgeoise tunisoise, témoin et acteur féminin de la lutte pour la libération nationale. Née en 1922 au milieu d'une famille plutôt paisible, Rafiâ Bornaz s'est très tôt distinguée par ses velléités libertaires et par son idéal d'anticipation intellectuelle, culturelle, sociale et politique. Adolescente, elle avait le profil d'une rebelle humaniste rêvant de justice et bannissant toutes les formes d'exclusion et d'exploitation et à 16 ans, déjà, elle ne cachait plus sa répulsion et sa révolte à l'égard des exactions du colon français. Le contact de militants destouriens dont le leader Bourguiba, va affermir son engagement et justifier tous ses sacrifices pour la cause nationale. Rafiâ Bornaz travailla dans la clandestinité, participa à diverses manifestations populaires ou féminines, s'adonna régulièrement au bénévolat et aux actions de bienfaisance au profit des Tunisiens démunis de la capitale et de l'intérieur du pays, elle connut la prison et faillit payer plus cher sa défense de la « Cause ». Quant à son bonheur tout personnel (amour, mariage, procréation, famille, etc.), elle en différa la concrétisation jusqu'à la première libération du pays (reconnaissance de l'autonomie interne). En effet, c'est seulement en juillet 1955, c'est-à-dire peu de temps après le triomphal retour d'exil de Bourguiba, qu'elle convola avec l'homme de sa vie, un amour de médecin dont le soutien n'a jamais fléchi.
Ce récit de vie très agréable à lire est l'œuvre de Mme Alia Baccar dont la notoriété se passe de présentation. Son témoignage sur la vie et le combat de Rafiâ Bornaz se lit quelquefois comme un beau roman, sinon comme une émouvante épopée « féministe » et « patriotique » qui exclut rarement les épanchements lyriques ; cependant c'est un rare et précieux document historique sur un volet de la lutte pour la libération nationale à laquelle prirent part les Tunisiens des deux sexes et de toutes les couches sociales. Rafiâ Bornaz fut avant tout, semble nous dire l'auteure de sa biographie, une Tunisienne authentique et dévouée. Que l'Histoire retienne donc cette qualité et ce mérite o combien indispensables à la promotion d'une Nation !
Badreddine BEN HENDA
« Rafiâ Bornaz, militante tunisienne sous le Protectorat français », de Alia Baccar ; Editions Nirvana 2012, prix public 28 dt.