La biographie consacrée à «Rafiâ Bornaz militante tunisienne sous le Protectorat français» par Alia Baccar, spécialiste de littérature française du XVIIe siècle et professeur émérite de l'Université La Manouba, et de surcroît une proche parente, a ceci de particulier, c'est de retenir l'attention du lecteur, de bout en bout du récit. Le sentiment de curiosité et le vif intérêt pour tout ce qui a trait à l'intimité d'une femme d'exception, une militante dont l'amour de la patrie a occupé toute son existence. Rien ne destinait Rafiâ Bornaz, fillette gaie et enjouée, et élève modèle, à devenir une militante particulièrement tenace, aux orientations politiques profondément engagées dans le mouvement destourien qui cherchait à se libérer du joug colonial et de la domination française. Née à Tunis en 1922, elle a commencé très tôt la lutte en participant dès 1938 au combat mené pour l'Indépendance en œuvrant activement à l'organisation des manifestations de soutien aux leaders du mouvement national. Puis elle a pris part à la lutte armée de libération en collectant des fonds et en épaulant l'action clandestine des combattants. Devenue membre du mouvement «Yad el Mouqawama», elle a été arrêtée puis condamnée par un tribunal militaire français à deux ans de prison. Une glorieuse épopée Véritable fresque, le témoignage de Rafiâ Bornaz, enregistré et transcrit par l'auteur, est l'occasion rêvée d'évoquer une Tunisie vivant des heures difficiles et des moments cruciaux de son histoire à la fois husseïnite, coloniale, militaire et nationaliste. Alia Baccar a fait revivre des lieux, des événements et des personnages ayant marqué ce parcours exceptionnel et a démontré le rôle majeur tenu par la femme tunisienne dans tout événement historique ayant pour finalité de délivrer sa patrie d'une quelconque domination étrangère. Avec beaucoup de décence et de réserve, Rafiâ Bornaz a eu la pudeur et la délicatesse de taire par moments des faits assez révélateurs sur son plein engagement dans le combat sacré pour l'Indépendance. Son témoignage se lit comme un voyage dans les méandres de l'histoire et dans l'intimité d'une famille tunisoise dont le parcours se définit et se précise à la valeur intrinsèque des individus qui la composent. Loin d'elle l'idée de magnifier les exploits de cette pionnière de l'action féminine à un moment donné de l'histoire coloniale de la Tunisie des années quarante, Alia Baccar n'a pas eu l'ambition ou la prétention d'écrire une œuvre savante ou littéraire, mais tout simplement un témoignage rendu à une Tunisienne d'exception dont la quintessence n'a d'égale que la grandeur de son amour de la patrie et de sa foi dans sa cause. Le nom des Bornaz apparaît pour la première fois en Tunisie en 1574 au port de La Goulette avec Mustapha Bornaz, arrivé sur les talons de Sinan Pacha, l'Ottoman, venu libérer le pays du joug espagnol. Plus tard, les historiens mentionnent le nom de Abi Abdallah Bornaz en 1604 comme disciple du Grand mufti hanéfite Ahmed Chérif, ce qui fera de lui le premier cadhi, de rite ottoman, né en Tunisie. Des années après, Ahmed Bornaz, né à Tunis en 1664, devient commentateur du hadith à la Grande Mosquée de la Zitouna. Il meurt le 17 juillet 1726 en léguant à la postérité l'œuvre composée de manuscrits de genres différents retrouvés à la Grande Mosquée de la Zitouna et garnissant aujourd'hui les rayons de la Bibliothèque nationale. De nos jours, les Bornaz perpétuent à Tunis le nom de leurs ancêtres si illustres se signalant dans de nombreux domaines : médical, juridique, financier, administratif, universitaire, artistique et nationaliste. Par ailleurs, de nombreuses illustrations inédites (photos de famille, d'anciennes cartes postales, de princes, de beys, d'hommes politiques, de nationalistes, d'articles de journaux) complètent les différentes phases de la vie militante de cette Tunisienne dont l'histoire si exceptionnelle et tellement remplie mérite d'être transmise aux générations présentes et à venir.