Le 4e prix France 24 - RFI du webdocumentaire a été attribué à Défense d'afficher, œuvre collégiale qui a pour thème l'art urbain et se vit comme un parcours sur les traces de graffiteurs s'exprimant dans huit villes aussi différentes que Paris, New York, Bogota, Sao Paulo, Turku, Athènes, Nairobi et Singapour. La récompense sera remise à ses auteurs ce mercredi dans le cadre du festival Visa pour l'Image de Perpignan.
Capter l'énergie d'une ville et sa réalité à travers le street art – l'art urbain –, tel était l'objectif de Défense d'afficher, le webdocumentaire de Sidonie Garnier, François Le Gall et Jeanne Thibord, qui a été récompensé du prix France 24 – RFI 2012. Dans ce film, tout va par huit : huit artistes suivis dans huit villes (et quatre continents) par huit réalisateurs sur une durée d'approximativement 8 minutes. Cet itinéraire à la Babel est extrêmement enrichissant, car il permet de prendre le pouls des villes en question sous l'œil le plus souvent critique et subversif des huit graffiteurs suivis par les réalisateurs.
Babel murale
A Athènes, Bleeps témoigne de la plongée vertigineuse de son pays dans la crise et considère l'art urbain ni plus ni moins comme un blog social pour combattre l'ultralibéralisme. A Bogota, Bastardilla – tous les graffiteurs se sont choisi des surnoms évocateurs – se bat dans un monde d'hommes en peignant essentiellement des fresques de femmes, préférant le sud de la capitale colombienne au nord « où les riches sont jaloux de leurs murs ».
A New York, on rencontre Meres One qui n'est pas le pape de Greenwich Village mais celui de 5 Pointz, dans le Queens, le plus grand espace d'exposition dédié aux graffs des Etats-Unis, un « musée de l'aérosol » comme il le définit et dont il est le gardien bienveillant. Départ ensuite pour Nairobi où Bankslave réalise sous nos yeux l'un des plus beaux graffitis du documentaire : sa propre ville sous l'eau avec pour témoin un immense profil de femme bleuté. « Ndoto hailipishi » signe-t-il en exergue, autrement dit « les rêves sont gratuits », en swahili.
L'escale parisienne n'est pas la moins originale avec, comme guide, Ludo qui se sert de la lumière des espaces publicitaires des abribus et des grandes enseignes pour détourner subtilement les marques et les transformer en plantes carnivores ou en aliens menaçants. Dans la paisible Turku (Finlande), Pallo lui aussi peint des monstres sur les murs pour exprimer son malaise. « Le graffiti, assure-t-il, c'est de l'adrénaline ! », un mot qui revient plusieurs fois dans la bouche des graffiteurs de Défense d'afficher.
Pochoir et pot percé
Dans l'impeccable Singapour, Trase One utilise quant à lui des pochoirs pour jouer avec les ombres de la nuit et mettre en scène le skateur dont il se sert comme emblème mural. Lui aussi marche à l'adrénaline dans cette république verticale où chaque graffiteur risque la prison et les coups de bâton s'il est surpris par la police.
A Sao Paulo enfin, Alexandre Orion se contente de traverser la mégalopole brésilienne avec un pot de peinture blanche percé à la main, un acte de désobéissance civile qui est à la fois une réflexion sur le temps qui passe et ...le manque de temps, dans une ville où les piétons n'ont pratiquement plus droit de cité. Enrichi de nombreux bonus incrustés dans chaque portrait, Défense d'afficher sait aussi se montrer instructif et donne réellement envie de traverser l'écran pour aller à la rencontre de ces huit poètes de l'art urbain.
Le prix France 24 - RFI 2012 du webdocumentaire, assorti d'un chèque de 8 000 euros, sera remis aux lauréats par le président du jury Guillaume Herbaut, photographe et lauréat 2011 du prix, ce mercredi 5 septembre au 24e festival Visa pour l'Image à l'issue de la projection organisée au Campo Santo de Perpignan.