L'artiste est, depuis longtemps, sorti de sa caverne ( dans sa conception platonicienne ), pour rejoindre la cité, apprenant au fil du temps à exposer et à s'exposer hors des lieux conventionnels (galeries, musées) et faisant de la rue et de l'espace urbain un atelier-galerie géant. C'est dans ce sens qu'est apparu, dans les années 60, l'art dans la rue ou le «street art» qui s'inscrit dans ce qui relève de la pratique artistique contemporaine. Il regroupe toutes les formes d'art réalisé dans la rue, ou dans des endroits publics, et englobe diverses techniques telles que les graffiti, la mosaïque, les happenings, les performances ou les installations. Cette forme artistique a connu une explosion en Tunisie après le 14 janvier. Longtemps occultée, parmi d'autres pratiques, elle est devenue un support révolutionnaire d'abord et commence petit à petit à prendre son envol. Nous assistons depuis à la renaissance de cette forme artistique et à l'émergence de jeunes graffiteurs (Sk One et Meen One, ahl el kahf). Nous pouvons citer également, dans ce sens, Moufidha Fadhila qui a marqué les esprits avec sa performance «super Tunisian» réalisée en mai dernier au centre-ville de Tunis et d'autres encore. Cet art continue sa marche et prend de l'élan avec le lancement de nouvelles actions. C'est le cas de «Les couleurs de la liberté brillent en Tunisie», un projet artistique initié par un groupe d'artistes professionnels tunisiens avec le soutien du ministère de la Culture et de la Délégation régionale de la culture relevant du gouvernorat de Tunis, en coordination avec la Fédération tunisienne des arts plastiques. Depuis le 15 octobre 2011, personne n'a pu rater les «poutres- cimaises», nouvellement habillées de couleurs, de formes et de figures, du pont de la République surplombant l'avenue Habib Bourguiba à Tunis. Voilà que se déploient, ici et là, des fresques murales signées, entre autres, Ibrahim El Azabi, Mourad Harbaoui, Abdel Monaam Shili, Walid Zouari, Khelil Gouia et Abdelmajid Ben Masaoud dont les interventions prennent fin aujourd'hui. «L'idée derrière cette action est d'assurer une certaine réconciliation entre l'artiste, son environnement et le rythme de la vie quotidienne», nous explique le peintre Gouia, également président de la fédération des arts plastiques. Et d'ajouter: «Nous espérons faire de cette action une tradition qui s'inscrit dans une démarche productive et ne relevant aucunement de l'animation de rue». Le «street art» est essentiellement de l'art éphémère, car instantané et se voulant interactif, agissant «hic et nunc», ici et maintenant ! C'est loin d'être le cas de la symbolique de cette action qui vient célébrer le rendez-vous historique des élections de l'Assemblée nationale constituante du 23 octobre 2011. Et rien ne vaut le poème «Aghani el hayét» du grand Abou El Kacem Chebbi, dont s'inspire la conception esthétique de l'action, pour accompagner ce passage que l'on espère réussi.