Empruntant son obstination vindicative à Antigone et son attachement passionnel au père à Electre, Soumaya Ghannouchi, fille de Cheikh Rached, fait circuler sur facebook un authentique pamphlet à l'endroit de ceux qu'elle considère comme étant les ennemis d'Ennahdha. Elle les traite de « pitoyables » et leur prédit des « jours sombres » parce que ceux d'Ennahdha seront « radieux » La fille du Cheikh a ainsi qualifié l'opposition de « maudite élite expatriée » et le contraire aurait d'ailleurs été étonnant. C'est la fille de Rached Ghannouchi qui l'a envoyée étudier anglais dans les écoles de Londres - même si elle corrige deux fautes d'arabe à Olfa Youssef - ; c'est aussi l'épouse du très english Rafik Abdessalem, ministre controversé des Affaires étrangères. Le déterminisme biologique est ainsi drapé d'un népotisme idéologique, somme toute compréhensible, puisque Ennahdha a décidé de sortir toutes ses armes, de diaboliser Nidaa Tounès, de dédiaboliser les Salafistes et de remuer les amalgames Rcedistes dont on ne sait pourtant pas vraiment sous quelles barbes ils se cachent ou quel type de cravate ils portent. Le pamphlet de Madame Abdessalem révèle au moins une donne importante : la fille est bien la complémentaire du père, tandis que la logique occulte des mouvements islamistes, se vérifie : contrairement à ce que l'on croit, les femmes sont aux avant-postes de la lutte ! En face la philosophe, l'islamologue Olfa Youssef, réagit de manière virulente. Elle dénonce les revirements d'Ennahdha non sans rappeler à Soumaya Ghannouchi « les insuffisances » diplomatiques et géographiques de son époux, ce qui du reste marginalise quelque peu le débat ou, plus précisément, le conflit. Car au-delà de l'écume des choses, nous ne sommes plus dans le champ féministe, mais dans un processus qui s'accélère dangereusement : la banalisation du dénigrement. Des formules de caniveau dont Madame Soumaya Ghannouchi aurait pu faire l'économie à papa, lui-même de plus en plus confondu dans des brumes vindicatives. Mauvais procès pour la démocratie.