Ce congrès qui se tint un 23 août 1946, date correspondant à la veille du 27 Ramadan, nuit sacrée, marquant le début de la révélation du Coran au Prophète Mohamed, avait réuni toutes les catégories sociales et tous les partis et organisations nationales et militantes. Il y avait près de 300 personnes, venues y assister afin de dénoncer les agissements intolérables de l'occupant à l'égard des citoyens tunisiens, ainsi qu'une répression à outrance menée par les autorités coloniales. Ce congrès avait également pour but de réclamer haut et fort le droit du pays à recouvrer sa souveraineté et la dignité de ses hommes. Il était présidé par Laroussi El Haddad, haut magistrat et non moins militant. A l'époque, Moncef Bey, le souverain martyr était destitué par l'administration coloniale et envoyé en exil, hors de nos frontières. Salah Ben Youssef, alors secrétaire général du Neo Destour prit la parole pour dénoncer cet état de fait. Il était acclamé par toute l'assistance à laquelle il demanda dans son élan. " Il est temps que le pays recouvre son indépendance. Tout le monde en convient n'est-ce pas, Et l'assistance reprit en chœur : " l'indépendance ! l'indépendance ! la liberté la liberté ! " A ce moment la police coloniale fit irruption au local situé au cœur de la Médina où se tenait le congrès, pour procéder à des arrestations en masse et sur le tas. Le lendemain une grève générale fut décidée et largement suivie. Lamine Bey, qui remplaça Moncef Bey au trône, intervint à l'occasion de la fête de l'Aïd pour apaiser le peuple lui promettant d'intervenir afin d'obtenir des réformes. Il a fallu attendre trois mois plus tard pour que le général Mast, annonçât au nom du gouvernement français la libération des détenus politiques. En juillet de l'année suivante (1946) des réformes furent appliquées et le gouvernement du Bey fut élargi par six ministres tunisiens au lieu de trois. Au grand conseil, le nombre des membres tunisiens en son sein a également augmenté. Par ailleurs, les militants relâchés de prison reprirent de plus belle. Des meetings à travers la Tunisie ont été tenus par les leaders du Neo Destour, Materi, Bourguiba, Ben Youssef et tant d'autres. Le leader Ben Youssef déclarait dans ces différents meetings que les simulacres de réforme ne doivent pas induire les militants en erreur, n'étant que de la " poudre dans les yeux " de la part de l'occupant dans l'intention de se détourner du problème essentiel à savoir : l'indépendance totale du pays. Or, ajouta- t-il, les autorités coloniales ont l'intention de garder à jamais la main mise aussi sur la Tunisie que sur tout le Magrheb. " Notre est cause est nue et unique et nous devons aller jusqu'au bout sans accepter de solutions de rechange ni de marchandage " avait conclu, le leader Ben Youssef dans l'un de ces meetings. Le leader Bourguiba ainsi que les membres du Neo Destour soutenaient cette idée et appelaient tout le peuple à une lutte sans merci et quels que fussent les moyens préconisés par les autorités coloniales en vue de mettre les bâtons dans les roues. Ce congrès de la Nuit du Destin qui restera à jamais ancré dans la mémoire collective, avait porté ses fruits et prouvé surtout que tous les militants tunisiens étaient solidaires à toutes les étapes du mouvement national, quelles que fussent les dissensions qu'il pouvait y avoir entre eux, quant à la stratégie à suivre ou la méthode de lutte à préconiser. Ils menaient tous en effet, le même combat pour une même cause : la libération du pays du joug du colonialisme