Samedi dernier, l'espace Mille Feuilles à la Marsa a ouvert ses portes à Skander Beldi alias Flask pour la signature de son premier volume intitulé - tout simplement - Flask. Un volume qui a été préfacé par maître Radhia Nasraoui. Une préface qui revient longuement sur la fragilité de la liberté d'expression ; rappelant les innombrables tentatives (par intimidation ou par attaques directes envers les journalistes) de museler la presse dont l'évènement le plus récent est l'emprisonnement de Sami Fehri. Dans cette effervescence est sorti Flask, un recueil regroupant une sélection de caricatures à l'humour sincère et mordant... On se souvient tous de Willis From Tunis, ce chat si sympathique né lors de la révolution et qui est passé de la toile à l'édition en deux volumes. Flask s'inscrit dans cette lignée. En effet, de la page Facebook, Skander Beldi rejoint le monde de l'édition en publiant quelques unes des caricatures qui ont tant plu, fait rire par leur aspect cru ou trivial, grivois ou subtil les quelques deux mille « amis facebooker » et d'autres. Dans ce livre, l'actualité est disséquée et revisitée par la caricature. A travers des personnages aussi loufoques que grossiers, l'après-révolution et la période de transition sont mis sur la sellette. Tout y passe : justice, salafisme, présidence, presse, société etc. On se prête volontiers au rire auxquels nous convient le texte et l'image. D'une sincérité et d'une virulence accrue. Skander se moque pour mieux dénoncer. Il dessine des personnages, leur donne, l'espace de quelques secondes, une vie pour nous parler de la nôtre, de ce qui nous entoure, des évènements qui scandent notre quotidien. La gravité de certaines situations est tournée en dérision par l'imagination du caricaturiste. Il invente une situation burlesque en totale inadéquation avec la personne critiquée ou la doctrine prônée. Souvent provocantes et parfois émouvantes, les caricatures de Skander Beldi peuvent se révéler choquantes ou hilarantes mais également tendres, incitant à réfléchir sur l'avenir de la société et du pays. Remarqué sur la toile et lors de collectifs (exemple le recueil Koumic), Flask, à l'instar de Willis From Tunis, et tant d'autres jeunes caricaturistes nés lors de la révolution du 14 janvier 2010, revigore l'art de la caricature en Tunisie en offrant une nouvelle manière de percevoir les choses. Il affirme un style en décalage et universel qui s'appliquerait à toute société vivant des situations similaires. Flask montre qu'on peut rire de tout et que derrière ce rire il faut réfléchir et c'est ce qu'on se surprend à faire lorsqu'on ferme le livre. On espère juste que ce premier opus sera suivi par d'autres aussi mordants et vifs qui nous feront plisser les yeux de rire ou d'émotion...