L'article 1er de la Constitution a été trahi », déclare Jawhar Ben M'Barek «La catégorie la plus lésée dans ce brouillon de Constitution, est celle des jeunes » Le brouillon de la Constitution préparé par les élus du peuple, ne peut laisser indifférente la société et raison de plus ses élites. Autre fait surprenant à relever l'indifférence qui a accompagné les débats régionaux lesquels n'ont pas drainé grand monde. Certains vont jusqu'à affirmer que le jet représente un pas en arrière par rapport à la Constitution de 1959. L'article 1er de la Constitution a-t-il été trahi par le reste et surtout par l'article 149 ? Existe-t-il un risque d'Etat théocratique ? Qu'en est-il des libertés individuelles et collectives ? Jawhar Ben M'Barek, professeur de Droit constitutionnel à l'université tunisienne, dans une déclaration au Temps affirme que « le texte actuel est loin d'être fini et définitif d'un point de vue technique juridique. Par rapport aux au chapitre des principes généraux, l'article premier de la Constitution a été trahi. Certes, cet article a été retenu. Sa teneur a changé, en le comparant à l'article 148. Aucune modification de la Constitution ne peut être faite, si elle touche à l'Islam en tant que religion de l'Etat. Il en est de même pour la langue arabe. La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain. La religion officielle de l'Etat est l'Islam. Sa langue est l'Arabe. Il y a un changement radical du contenu de cet article, contraire au consensus national ». Concernant le chapitre consacré aux principes généraux, les articles 5 jusqu'à l'article 9, devaient être insérés dans le chapitre Droits et Libertés. Dans le préambule de la Constitution, Jawhar Ben M'Barek, a recensé cinq références idéologiques, avec des termes ambigus qui se prêtent à des interprétations variables. «Ce texte compliquera la tâche de la Cour Constitutionnelle. Le préambule est à revoir dans sa forme et son contenu », prévient-il. Il y a un lexique religieux qui revient de manière systématique. Notre interlocuteur, reconnaît l'existence de points positifs dans le préambule. « Toutefois, il a besoin d'une écriture plus précise ». Pour le chapitre Droit et Libertés, « le texte a été écrit dans une logique de méfiance vis-à-vis de la pratique de la liberté. Il a été rédigé dans un sens coercitif avec une mentalité faisant de la liberté un mal nécessaire. Ceci s'entrevoit à travers les limitations des libertés qui accompagnent chaque reconnaissance d'un Droit, comme l'ordre public, les droits d'autrui...Ce sont des concepts vagues qui n'ont aucun rapport avec la liberté. Il y a trop de limites et de renvois à la loi ». Ce chapitre évoque à 19 reprises sur les 23 articles, la formule « l'Etat garantit », telle ou telle liberté. Jawhar Ben M'Barek, pense que « c'est une formulation inadaptée et philosophiquement erronée, car l'Etat n'est pas détenteur de la liberté. La liberté est un principe. Devant les Droits et les Libertés individuelles et collectives, le rôle de l'Etat est de s'abstenir. Au lieu de spécifier que la Constitution garantit, ce qui s'impose à l'Etat, on a dit l'Etat garantit. Il faut changer les 19 références à « l'Etat qui garantit ». Paradoxalement, les Droits créances, c'est-à-dire les Droits sociaux et économiques, là où l'Etat devrait adopter une attitude positive et entreprenante, la formulation retenue est molle et flasque. On parle de l'Etat qui fournit un effort, fait son possible...Il ne s'agit pas d'engagement juridique ferme. Il faut qu'il y ait dans les Droits économiques et sociaux un engagement de l'Etat, alors que pour les libertés, l'Etat doit se désengager ». Notre interlocuteur a une autre remarque : l'absence flagrante d'un ensemble de Droits et de libertés, comme « le principe de l'égalité Hommes-Femmes, complètement liquidé, voire ignoré ». La référence au Droit international humanitaire est aussi, absente. « Plus grave encore, un certain nombre de Droits symboliques de la Révolution n'y figurent pas, comme le Droit au développement, à la solidarité... « La catégorie la plus lésée dans ce brouillon de Constitution, est celle des jeunes, symbole emblématique de la Révolution. Aucune allusion au Droit des Jeunes. De même pour la reconnaissance du Droit à la formation continue. C'est un droit essentiel à l'heure où le chômage ne cesse de s'amplifier. Ceux qui connaissent le chômage, connaissent l'importance de la Formation continue », dit-il. De même le Droit à l'Internet, la liberté de navigation, ou le Droit à la connexion, ainsi que le Droit à l'identité virtuelle protégée, ne sont pas garantis. « Tous ces Droits symboliques qui touchent les jeunes sont complètement occultés. Un jeune ne se retrouve pas dans le chapitre Droit et Libertés », dit notre Constitutionnaliste. Il ajoute : « le comble de tout est l'absence de la reconnaissance du Droit naturel pour combattre l'oppression et la dictature, le droit de se révolter. C'est cette liberté, que les Tunisiens ont commencé à acquérir à la seconde même où la Révolution s'est déclenchée. C'est grâce à ce Droit que les Tunisiens ont pu faire leur Révolution ». Jawhar Ben M'Barek, n'est pas le seul juriste à être si critique vis-à-vis du brouillon de la Constitution. Dernièrement sur la chaîne Hannibal TV, Yadh Ben Achour avait déclaré que le contenu du brouillon de la constitution est inconsistant et contient beaucoup de lacunes. Il a, par ailleurs, ajouté que ce dernier n'est pas compatible avec les ambitions du peuple. Le juriste tunisien a avancé qu'il est nécessaire de réviser le brouillon de la constitution et reformuler plusieurs chapitres. Il a également estimé que l'assemblée constituante a entravé la transition démocratique et a œuvré à l'instauration d'une nouvelle dictature.