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«Aucune approche des droits humains indivisibles et inaliénables n'existe dans l'esprit de l'avant-projet de la Constitution...»
Entretien avec : Hafidha Chekir, professeur de droit public, ex-membre du comité des experts et membre de l'Atfd
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 09 - 2012

L'article 28 ouvre la voie à tous les abus qui peuvent aller jusqu'à la limitation des droits des femmes dans la famille, la mise en cause de ses acquis par rapport à l'égalité, le consentement au mariage, le choix du partenaire, le mariage monogamique..
Borner la liberté d'expression au nom du maintien de l'ordre et la sécurité, réduire la liberté de pensée et de croyance au nom de la défense du sacré, amputer l'égalité des femmes avec les hommes au nom de la complémentarité de leurs rôles au sein de la famille... Limiter le droit syndical et le droit de grève par les «préjudices» qu'ils pourraient causer... Criminaliser l'atteinte au sacré, sacraliser le droit à la vie à l'exclusivité de tous les autres droits... Au retour d'une lecture experte de l'avant-brouillon de la Constitution rendu public en août dernier, Hafidha Chekir, professeur de droit public, membre de l'Atfd et ex-membre du comité des experts, lève le voile, texte en main, sur les restrictions et ambiguïtés de nature à aliéner la Constitution, y constate l'absence d'une approche des droits humains universels et indivisibles et prévient contre les risques des dérives interprétatives et d'implications sociales...
Pour raison de souveraineté, l'ANC a renoncé aux services du comité des experts qui devait suivre de près l'élaboration du projet de la Constitution. Après sa démission, le comité cessera-t-il, pour autant, de porter son regard expert sur une Assemblée qui en manque visiblement ?
Certainement pas. Nous continuons d'ailleurs à travailler. Nous sommes en train de créer une association indépendante qui porterait probablement le nom d'Association des experts. Sa mission essentielle consiste à élaborer des études et des recherches sur tout ce qui concerne la vie constitutionnelle du pays. A ce titre, nous allons continuer à suivre l'évolution des débats au sein de l'Assemblée nationale constituante et la rédaction de la Constitution.
Vous venez justement de travailler en personne sur l'avant-brouillon de la Constitution. Quelles conclusions tirez-vous en général de cette lecture ?
J'ai travaillé sur la Constitution dans la partie droits et libertés. Je trouve que nous venons de sortir d'une révolution où les droits humains ont constitué l'une des revendications majeures. La dignité à laquelle les Tunisiens ont appelé est une notion qui implique la reconnaissance de tous les droits, c'est le fondement de tous les droits. Elle implique qu'on n'aliène pas les droits et qu'on reconnaisse l'humanité de l'humain dans tous ses droits.
Malheureusement, je constate que cette revendication n'a pas du tout été retenue dans l'actuel projet de la Constitution. Aucune approche des droits humains n'existe dans l'esprit de ce texte. Il est regrettable de devoir rappeler que cet esprit et cette approche des droits humains existaient clairement dans la Constitution de 59 qui a été modifiée en 2002, par référendum, pour consacrer les mandats sans limite de l'ancien président. Dans son article 5, la Constitution de 59 reconnaît les droits humains dans leur intégralité, leur indivisibilité et leur interdépendance. Ce que nous demandons alors maintenant en tant que société civile c'est qu'il est impératif pour la nouvelle Constitution de commencer par reconnaître l'universalité des droits humains, par préciser qu'ils constituent une unité indivisible et inaliénable pour consacrer la dignité humaine qui est l'un des slogans de la révolution. Il est aussi indispensable pour la future Constitution de consacrer dans la continuité des droits humains, les droits des femmes comme partie intégrante des droits humains. Rien de tout cela n'existe dans l'actuelle ébauche. Il y a en revanche beaucoup de limites et de restrictions à ces droits...
Nombre de députés modernistes, de juristes et de personnalités indépendantes partagent la même critique. Quels sont précisément les exemples de dispositions restrictives ou de notions équivoques que vous avez dégagés de votre lecture ? Pensez-vous qu'elles soient délibérées ?
Je commencerai par cet exemple portant sur le droit à la vie. «Le droit à la vie est sacré», stipule le texte actuel. La question qui se pose aussitôt est la suivante : pourquoi seul ce droit est-il sacré et pas les autres ? Il est probable que le rédacteur de cet article anticipe délibérément. Il pense a priori à certaines remises en cause dont la plus pertinente est indéniablement celle du droit à l'avortement...
Par ailleurs, dans beaucoup d'articles et d'alinéas, on fait référence à la loi. Cela nous rappelle évidemment l'ancienne Constitution, et nous effraie en ce que le recours à la loi aliène les droits. Si on continue à nous référer à la loi pour l'application des dispositions de la Constitution, c'est grave ! Ce qu'il y a dans les Constitutions évoluées et ce qu'il faut faire dans notre future Constitution c'est de donner une marge très grande à ces libertés. C'est essentiel parce que ce sont des droits et des libertés fondamentales.
Par rapport à certains autres droits, tel le droit au travail, au chapitre II, on reconnaît le droit au travail mais on ne précise pas, à l'instar d'autres constitutions, que le travail doit être décent. Il faut d'abord reconnaître le droit à un travail décent avant de garantir les conditions minimales de ce travail, tels le salaire, le traitement digne et équitable et surtout les droits spécifiques aux femmes.
Comme autre exemple, je citerai l'article 15 de ce deuxième chapitre portant sur le droit syndical et le droit de grève. Cet article risque de donner lieu à de mauvaises interprétations. Il garantit le droit de grève tant qu'il ne porte pas préjudice à la santé à la sécurité... Dans la Constitution de 59, on s'arrêtait à la reconnaissance de ce droit sans le limiter, laissant le soin au code de travail de l'organiser... Il y a plusieurs autres exemples de restrictions qui sont de nature à limiter les droits et à aliéner la Constitution qui doit être inaliénable.
Sur les droits des femmes en particulier, beaucoup d'encre a coulé au sujet de l'article 28. Avant d'y venir, pensez-vous que l'article 22 qui le précède soit suffisamment clair quant à la reconnaissance et la garantie des droits des femmes ?
L'article 22 reconnaît les droits et l'égalité des citoyens en général, de la même manière, d'ailleurs, que le faisait l'article 6 de l'ancienne Constitution, qui stipule : «Les citoyens sont égaux devant la loi et ont les mêmes droits et devoirs.» L'article 22 parle d'égalité en général mais ne spécifie aucunement l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est là d'ailleurs que le rapporteur général de la Constitution est soupçonné d'avoir ôté le terme de «citoyennes » dans plusieurs dispositions. Le terme «citoyennes» ne figure finalement que dans le préambule de la Constitution. Alors ce qu'il faut avant tout c'est spécifier et reconnaître l'égalité entre les hommes et les femmes.
L'article 22 parle aussi de la non-discrimination. Mais là encore, il n'a pas spécifié la discrimination, alors que dans les conventions internationales, notamment les pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques, on énumère les différentes catégories des discriminations. Cette énumération précise est importante et elle existe même dans des constitutions du monde arabe.
Quelle est votre lecture de l'article 28 ? Que signifie la complémentarité en droit et pensez-vous qu'elle puisse avoir sa place dans la future Constitution tunisienne ?
L'article 28 stipule que l'Etat garantit la protection des droits des femmes, mais à aucun moment il ne précise que l'Etat garantit les droits des femmes. L'article ne reconnaît pas les droits des femmes, il se contente de les protéger dans le cadre de la «complémentarité» avec les hommes... Cet article s'inspire de certaines constitutions du monde arabe, celle de l'Arabie Saoudite notamment qui précise que le rôle de l'Etat est de protéger la famille... En principe, il faut commencer par reconnaître les droits ; la protection n'est qu'une deuxième étape. Ici, la femme est définie comme partenaire, en dehors de toute reconnaissance de ses droits. Or la notion de partenariat implique l'égalité. Pour être partenaires, il faut être égaux. Il faut commencer par reconnaître l'égalité des droits et des devoirs des hommes et des femmes. D'autant plus que si on lie cette notion de partenariat à celle de la construction du pays et à la complémentarité dans la famille, on se rend compte qu'on s'est empressé d'omettre la notion d'égalité pour lui substituer la notion de complémentarité. Or la complémentarité n'est pas un concept juridique. Autre précision : on parle ici de complémentarité des rôles et non de complémentarité des droits. Quand on parle de la complémentarité des droits, c'est différent : on reconnaît l'indivisibilité et l'universalité des droits humains ainsi que leur interdépendance. Les droits humains sont complémentaires parce qu'ils forment un tout indivisible. Alors qu'avec la complémentarité des rôles on est dans la conception classique du rôle des femmes dans la famille. (Aux femmes l'espace familial et aux hommes l'espace public. Dans ce projet de la Constitution, on ne parle jamais de la femme en tant que citoyenne, titulaire de droits, pourtant c'est très important de reconnaître la citoyenneté des femmes. Les femmes tunisiennes ont longtemps milité pour cela, elles ont participé à la révolution... non pour se retrouver avec des droits dans la famille mais pour avoir des droits aussi bien dans la famille que dans la vie politique, économique et sociale... C'est la seule garantie de la citoyenneté. Car si on veut garantir la démocratie, on doit commencer par reconnaître ses bases qui sont la citoyenneté et l'égalité. Il faut que ce soit une démocratie égalitaire... C'est très important !
Dans son dernier alinéa, l'article 28 parle de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Des députés femmes d'Ennahdha parlent d'une disposition révolutionnaire...
L'article 28 dit exactement : «L'Etat garantit l'égalité des chances entre les hommes et les femmes...». Seulement, cela nous renvoie au domaine socioprofessionnel, par rapport à l'accès au travail, aux instances de prise de décision... Cet alinéa n'a pas sa place dans ce chapitre. Il relève de l'article sur le droit au travail, parce qu'il s'inscrit dans le domaine socioprofessionnel. Sa place est à l'article 14 relatif au droit au travail.
Si l'article 28 venait à être adopté en plénière, quelles seraient ses implications juridiques et ses conséquences sociales ?
Je ne le pense pas. Car, dans ce cas, on va privilégier le rôle des femmes dans la famille au détriment de la citoyenneté des femmes. On va abonder dans le sens de tout ce qui renvoie au patriarcat et à la domination de la famille par les hommes qui sont, par ailleurs, toujours chefs de famille.
Le rôle de la femme sera peu à peu limité à l'éducation des enfants et aux tâches ménagères, alors que leur rôle est aussi d'être active dans la société, de participer au développement économique, à la prise de décision comme citoyenne à part entière...
Cette disposition est très pernicieuse. Elle ouvre la voie à toutes les interprétations et donne la possibilité à différents abus qui peuvent aller jusqu'à la limitation des droits des femmes dans la famille, la mise en cause de ses acquis par rapport à l'égalité, le consentement au mariage, le choix du partenaire, le mariage monogamique...


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