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Un politique et un expert face à face
Préambule de la Constitution
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 06 - 2012

C'est le 5 juin qu'ont été adoptées en commission les premières lignes du projet de la future Constitution. Les six commissions doivent rendre chacune sa copie au plus tard le 15 juillet. Après quelques allers-retours au niveau des commissions, le projet final sera discuté en plénière et devra être voté deux fois, une fois article par article et une fois dans son ensemble et ce, au plus tard, le 23 octobre prochain.
Le texte du préambule ouvre donc une étape importante et décisive pour la jeune démocratie tunisienne. L'étape de la discussion du contenu de notre future loi fondamentale.
Nous avons reconstitué ci-après un dialogue indirect entre le président de la «commission du préambule, des principes fondamentaux et de la révision de la Constitution» Sahbi Atig et Chawki Gaddes, Enseignant à la faculté des Sciences juridiques, secrétaire général de l'Association tunisienne de droit constitutionnel et secrétaire exécutif de l'Académie internationale de droit constitutionnel. Sans les avoir réunis au même endroit, nous avons posé à l'un et à l'autre les mêmes questions. Notre objectif est de compléter l'éclairage du politique par celui de l'expert, même si parfois ils se contredisent. A chacun de se faire sa propre opinion sur la question.
Sahbi Atig : «Il ne s'agit pas de rédiger des slogans...»
Quelle est la différence entre la Constitution que vous vous apprêtez à élaborer et celle de 1959 ?
La Constitution de 1959 est habitée par l'accès à l'indépendance et la construction de la République après le régime beylical. Au contraire, celle de 2012 répond aux attentes de la révolution, une révolution qui s'est insurgée contre la dictature, l'exclusion, le détournement de l'argent du peuple et la corruption. Cette Constitution est construite sur trois concepts : dignité, liberté, égalité.
Des personnalités qui avaient contribué à l'écriture de la Constitution de 1959, Messieurs Filali, Mestiri et Ben Salah, ont été écoutées et consultées. De même qu'une cinquantaine de projets d'experts ont été étudiés.
Quelles ont été vos préoccupations en rédigeant cet avant-projet ?
La Constitution de 1959 a instauré le régime républicain. Est-ce qu'il a été appliqué avec la présidence à vie de Bourguiba et la dictature de Ben Ali ? Dans la Constitution de 1959, la neutralité de l'administration est soulignée. Est-ce que cette neutralité a été respectée ? Il y avait une réelle connivence entre le parti et l'administration.
Il ne s'agit donc pas d'écrire des slogans, mais de faire en sorte que le régime républicain soit appliqué réellement et qu'il y ait une réelle démocratie participative. Nous sommes donc en train de consolider les fondamentaux de cette démocratie avec l'indépendance de la justice, la neutralité de l'administration, l'alternance politique, l'égalité entre citoyens et citoyennes, entre les régions, le respect des droits de l'Homme qui sont en en parfaite harmonie avec les principes islamiques.
Quelles ont été vos références ?
Le respect des valeurs islamiques, les «Thawabets» (les constantes), les notions supérieures des droits de l'Homme et l'école des réformistes tunisiens, Tahar Haddad, Ben Achour et Jait.
Voulez-vous nous préciser les constantes dont vous parlez?
Ce sont celles qui font l'objet d'un consensus «akida (foi), akhlek (éthique ou morale), ahkem amma (les commandements généraux), Dieu, les prophètes et les livres sacrés. Il y a consensus.
Pourquoi n'avez-vous pas spécifié ces constantes?
Le préambule est une philosophie générale. La précision viendra après.
Vous avez spécifié l'identité arabo-musulmane de la Tunisie, y avait-il un doute sur cela ?
L'identité ne fait pas l'objet de discorde, nous sommes tous d'accord sur les valeurs communes de notre identité, même les partis de gauche et les partis qui n'ont pas de référentiel islamique. Mais je tiens à dire que cette identité n'est pas fermée. Les garanties qui protègent son ouverture, ce sont les références aux droits universels et les «thawabets» qui se singularisent par l'ouverture et la modération dans l'Islam. Nous avons donné une orientation claire au texte pour nous éloigner de l'extrémisme et du radicalisme. Nous nous sommes concentrés sur l'école tunisienne qui cultive les liens entre les préceptes de l'Islam avec le contexte et la lecture moderne et contemporaine de l'Islam.
L'identité arabo-musulmane nous l'avons évoquée parce nous sommes appelés à ancrer des principes pour avoir une Constitution pour tous.
Quels sont les fondamentaux de la Constitution ?
Le régime est républicain, l'Islam c'est la religion du peuple et de l'Etat, la langue arabe également, il faut qu'elle soit la langue officielle, tout en optant pour l'ouverture sur les autres langues et les autres cultures. Nous avons évoqué dans le projet de Constitution l'identité de ce peuple, pour qu'il n'y ait pas transgressions comme par le passé. Bourguiba a piétiné les principes de l'Islam, et même les pratiques fondamentales reconnues telles que le jeûne.
Nous sommes Tunisiens, musulmans et arabes et ouverts sur les autres, nous ne sommes pas l'Algérie, ni l'Irak, ni l'Egypte, ni le Golfe. Nous avons une école ancienne basée sur Al Maqassed (les finalités) et qui commence à prendre forme grâce à la contribution de plusieurs penseurs. Nous ne voulons ni nous perdre dans le passé, ni nous perdre dans le monde actuel. Nous sommes à la fois pour l'ancrage dans nos origines et l'ouverture sur les autres.
C'est un préambule condensé, nous avons des principes directeurs, la liberté de conscience, la liberté d'expression. Et nous avons créé une commission dont l'appellation est «droit et libertés» qui va se concentrer et développer l'ensemble des principes de liberté.
Pourquoi l'évocation du peuple palestinien dans le préambule?
Nous sommes solidaires avec tous les peuples du monde dans leur lutte contre la dictature et leur droit à la liberté. Nous ne nous sommes pas immiscés dans les affaires des Palestiniens, mais il faut savoir que c'est le seul colonialisme territorial qui perdure de nos jours. De plus, il ne faut pas oublier le caractère sacré d'Al Qods. Je tiens à dire que nous n'avons pas dicté aux Palestiniens ni les conditions de négociation, ni les moyens de lutte et de résistance. Nous avons déclaré que nous soutenons les peuples opprimés, colonisés et à la tête de ces peuples, le peuple palestinien. Hella HABIB
Chawki Gaddes : «Un texte passe-partout sans spécificité tunisienne»
En tant que juriste et expert en droit constitutionnel, expliquez-nous à quoi sert un préambule, quelle est sa portée ?
Le préambule est le texte placé en tête de la Constitution ayant pour objet principalement de rappeler les principes fondamentaux et les droits et les libertés du citoyen. Le préambule est aussi une sorte d'exposé de motifs qui servira de repère et de référent pour toute interprétation future du texte constitutionnel, car le préambule expose la volonté du rédacteur, les principes qui l'animent et ses sources d'inspiration. Même s'il ne fait pas partie intégrante du corps même de la Constitution, il a été élevé par une jurisprudence constante aussi bien en Tunisie que dans le droit comparé, à la valeur des dispositions de la Constitution. Pour toutes ces raisons, il est assez délicat et important pour une nation de rédiger un préambule de Constitution.
Quelle a été votre impression à la lecture du préambule ?
La première impression que l'on a à la lecture de ce projet, est qu'il n'est pas écrit par des personnes qui maîtrisent les notions juridiques et constitutionnelles. Il a la caractéristique première de n'être pas rigoureux sur le plan des termes utilisés. Dépassé ce niveau premier de constatation, le projet paraît trop « passe-partout ». Il conviendrait, de par son contenu, à n'importe quel projet de Constitution dans le monde arabe et musulman qui se voudrait modéré et démocratique. C'est ainsi un texte qui est assez loin des spécificités et de l'ambiance de la Tunisie actuelle.
Mais encore ?
Au-delà de cette première impression, un préambule doit susciter des émotions et obliger à une certaine solennité. Après en avoir parlé avec un grand nombre de personnes, je pense qu'il s'avère dépourvu de cette qualité. En lisant le préambule de la Constitution de 1959 et même le chapitre sur l'identité dans le Pacte national de 1988, on a un sentiment plus patriotique que ce que suscite ce texte.
D'un autre côté, l'attaque du préambule dénote d'un égocentrisme maladif. Car il serait suffisant de dire que les auteurs sont les membres d'une Constituante sans insister sur leur élection, même si dans le corps du préambule ils pouvaient y revenir.
En ce qui concerne les référentiels, on remarque que le projet cite l'Islam, les acquis civilisationnels, la pensée réformiste basée sur ses fondements arabo-musulmans et les acquis de l'humanité. Il élude de ce fait toutes les autres influences de notre civilisation comme notre origine berbère ou la période carthaginoise.
On vous a entendu dire que le projet manquait de références ?
Oui, le préambule ne se réfère à aucun texte constitutionnel historique qui a été édicté tout au long de notre histoire: ni la Constitution de Carthage, ni la Constitution de 1861... Ce sont des textes précurseurs et qui furent qualifiés de révolutionnaires à leur époque.
Il est à relever qu'à propos des référentiels, le premier utilisé est l'Islam. On se réjouit à ce propos de voir les constituants spécifier qu'il est modéré et ouvert.
Par contre, le projet n'a pas pris la peine de montrer et d'insister sur le fait qu'il construit pour une deuxième République qui a été instituée suite à l'abolition de la monarchie. Le préambule se doit aujourd'hui, si ce n'est de reprendre les termes de la proclamation de la République du 25 juillet 1957, tout au moins de la citer et se fonder dessus pour affirmer la continuité de la forme de cet Etat. Ainsi, la révolution serait un appel au changement mais dans le même cadre, qui est celui de la République et l'Etat civil.
L'autre élément assez important est que le préambule, c'est aussi la manière avec laquelle il cite le peuple, traite de son autorité ; ce qui est loin d'être le cas. Le peuple est souverain dans la notion moderne de l'Etat civil. C'est de lui qu'émanent tous les pouvoirs, il en est ainsi le titulaire originaire. Dans l'organisation moderne de l'Etat, il ne fait que déléguer le pouvoir à ses représentants qui agissent et gouvernent en son nom.
Dans cette Constitution, les rédacteurs ont essayé d'ancrer les valeurs de la démocratie participative. Qu'en pensez-vous ?
République et démocratie participative sont deux notions indépendantes. Les monarchies constitutionnelles contemporaines à l'image de celles de Grande-Bretagne ou de Suède sont des démocraties qui sont assez avancées dans la participation de la société civile et le peuple d'une manière générale à la prise de décision politique.
Par contre, les déviations du régime républicain que la Tunisie a subies sous Bourguiba et Ben Ali découlent non pas de l'imperfection de la Constitution de 1959 mais plutôt d'autres éléments tels que l'absence de techniques de limitations réelles du pouvoir comme l'indépendance des médias ou de la justice ou de l'absence d'un réel contrôle de la constitutionnalité aussi bien des textes mais aussi des opérations électorales.
Il y a eu un projet de texte rédigé par une commission d'experts. Est-ce qu'on peut comparer les deux ?
C'est un texte conçu et rédigé par des constitutionnalistes qui ont transcrit parfois les mêmes idées et principes mais avec une terminologie plus adéquate qui ne laisserait pas de latitude future aux déviations ni de la part d'un politicien ni de la part d'un juge animés par de mauvaises intentions tendant à justifier une évolution des institutions ou une monopolisation du pouvoir entre les mains d'une partie de la société.
Le préambule fait référence à la cause palestinienne ? Quel est votre avis ?
La mention concernant la cause palestinienne est une question inadmissible. La Constitution est un texte qui est interne à l'Etat et qui a la prétention de dépasser les événements et situations conjoncturelles et actuelles. Il est ainsi un texte fondateur de l'organisation interne de l'Etat et celui-ci peut se référer aux normes internationales qui le lient à la communauté internationale mais ne peut servir de lieu à ce genre de mention.
D'un autre côté, on ne peut introduire dans une Constitution appelée à durer des décennies ou des siècles, des mentions sur des questions qui pourront disparaître dans le futur. La solidarité avec les peuples qui militent pour leur liberté aurait amplement suffi. H.H.


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