Moungi Bawendi, Prix Nobel Chimie, à Tunis : Une grande journée, chargée d'émotions    Tunisie – Saïed : Le retraité doit être traité de manière à préserver son honneur, sa dignité et sa promotion    Nabil Ammar reçoit Joey R. Hood    Une nouvelle tête chez Sihem Nemsia pour traquer les évadés fiscaux    Gallant : Israël ne reconnait aucune autorité à la CPI    Migration irrégulière : La Tunisie déjoue 3 369 tentatives en 2024    Limogeage du directeur général de l'Ecole nationale des finances    Renault présente son Rafale E-Tech 4x4 300 ch    Arabie saoudite : Dernières nouvelles sur la santé du roi    Tunisie – Ben Guerdane : Arrestation de deux individus qui distillaient et vendaient des boissons alcoolisées traditionnelles    Le Salon de la création artisanale de retour au Kram du 24 mai au 2 juin 2024    RDC : Au coeur de la nébuleuse américaine qui a tenté de renverser le président Tshisekedi    Ariana : Saisie de 100 plaques de cannabis    ARP: Adoption de l'accord de prêt de 300 millions de dollars entre la Tunisie et le BIRD    Où se trouve l'arbre le plus haut du monde ?    Informations à propos d'avions militaires russes en Tunisie : la Russie réagit    Marché de Kairouan: Prix des légumes, des fruits et des viandes (Vidéo+Photos)    UTAP : 30% des Tunisiens pourraient renoncer à acheter des moutons    Coupure d'eau potable dans ces zones    Monde: L'épouse de Bachar Al Assad souffre d'une leucémie    À 39 ans, Cristiano Ronaldo prêt à briller à l'Euro 2024    Nabil Ammar reçoit l'ambassadeur du Qatar en Tunisie    Découvrez le classement mondial et arabe des pays producteurs d'Acier    Real Madrid : Toni Kroos annonce la fin de sa carrière    Décès tragique du président iranien : Enquête ouverte pour déterminer les causes de l'accident, politiquement, rien ne devrait changer    Décès de la militante Naama Nsiri    Aujourd'hui, ouverture du 1er forum de la formation professionnelle : Le forum, et après ?    Ambassade du Canada : Lancement courant juin des Journées Mobilité Canada 2024    IRAN : Début des cérémonies funèbres en hommage au président Ebrahim Raïssi    Ridha Zahrouni : la violence témoigne de l'échec du système éducatif !    EST – Sorti sur une civière samedi : Ben Hmida récupérable !    Groupement Professionnel des Energies Renouvelables de la Conect : La transition énergétique, levier de croissance et de création de richesse    Commerce extérieur: Les 20 pays avec lesquels la Tunisie est déficitaire et excédentaire    Le CA est d'attaque : Pousser à l'action    «Al Massafa Sifr», la dernière pièce de Ali Bennour et sa troupe estudiantine, ce samedi 25 mai au Rio : Un nouvel espace de dialogue entre l'université et la culture    Tribune | Quel avenir pour la Cinémathèque tunisienne ?    L'acteur Ali Bennour à La Presse : «Je crois en l'importance et l'influence du théâtre universitaire»    Mondiaux paralympiques : Médaille d'or pour Yassine Guenichi    L'Espoir Sportif de Jerba s'arrête aux huitièmes : Un parcours honorable    Sotrapil propose un dividende de 1,3 dinar par action pour l'exercice 2023    Kais Saied renforce les mesures contre l'entrave au service public    Sfax, l'épopée de 1881    Météo : Ciel peu nuageux et températures en légère baisse    Comment est choisi le nom du plat tunisien « Nwasser » ?    Le 225ème anniversaire de la naissance d'Honoré de Balzac    Les Filles d'Olfa remporte trois prix lors de la 8e édition des Prix des Critiques pour les films arabes    Le président colombien réagit au tifo de l'Espérance sportive de Tunis    Ce samedi, l'accès aux sites, monuments et musées sera gratuit    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Si elle remportait les prochaines élections, « Ennahdha » nous imposerait une constitution à la « Morsi »
L'invité du dimanche : Sadok Belaïd, professeur de droit constitutionnel et ancien doyen de la Faculté de Droit de Tunis
Publié dans Le Temps le 13 - 01 - 2013

Le brouillon de la constitution fait l'objet d'une large consultation populaire. Cette manière de procéder donne l'impression que cette œuvre suprême est en train d'être confectionnée démocratiquement, mais cet optimisme s'est, très vite, dissipé à notre rencontre du professeur Sadok Belaïd. Il nous a livré une lecture de ce projet, totalement, différente de celle qu'on pourrait faire quand on est profane en matière constitutionnelle.
C'est ce qu'il faut éviter de faire, on doit se référer aux avis des spécialistes pour appréhender ce projet dans toutes ses dimensions afin de pouvoir repérer et identifier tout ce qui est rangé dans ses coins et recoins, car il ya va de notre avenir à tous.
-Le Temps : quelles sont vos remarques sur le brouillon de la constitution qui est en pleine consultation ?
-Monsieur Belaïd : tout d'abord, je tiens à préciser que cette consultation vient d'en haut et n'émane pas de la base, puisqu'elle est décidée par l'ANC. D'une part, ce texte n'est pas officiel, mais le résultat d'un effort effectué par la commission de rédaction et en particulier par le rapporteur général de la constitution sur la base des travaux des commissions. Ce qui veut dire que l'assemblée générale n'est pas encore intervenue dans la conception de cette constitution. Nous vivons, donc, un état de confusion, étant donné que l'on demande aux citoyens d'émettre leurs avis à propos d'un texte qui n'est pas l'œuvre de l'Assemblée Nationale Constituante et qui, de surcroît, n'est pas définitif. Cela donne la possibilité à cette instance d'y introduire quelques rectifications n'ayant aucun rapport avec le résultat du sondage et sans s'en remettre à nouveau au jugement des citoyens. D'autre part, cette consultation est dominée par le groupe le plus influent au sein de l'ANC, ce qui montre qu'elle est orientée et dirigée par le parti au pouvoir, et la présence timide des députés des groupes de l'opposition n'est pas de nature à nous donner l'impression que le résultat auquel va aboutir cette consultation sera équilibré. Bien au contraire, je crains fort qu'il n'y soit comptabilisé que les avis des alliés des députés du pouvoir et qu'on n'y prenne pas en considération ceux de la société civile qui n'appartiennent pas à ce camp. Je pose une grande interrogation à propos de la légitimité et des pronostics quant au résultat de cette consultation.
La consultation est une duperie, car elle porte sur un texte qui n'est ni officiel, ni définitif
-Mais le rapporteur général de la constitution vient d'affirmer que la constitution sera le résultat d'un consensus et que personne ne fera prévaloir ses idées aux dépens des autres.
-Je doute de ce qu'il dit, car, sur le plan procédural ainsi qu'au niveau du contenu, elle sera, très probablement, le résultat d'une prédominance et non pas d'un consensus. Je doute que ce projet de la constitution ne soit en harmonie avec ce que désire le peuple et les revendications de la Révolution du 14/17. On peut dire que, jusqu'à maintenant, l'élaboration de la constitution est, malheureusement, restée une affaire privée ne concernant que les députés et se confectionnant entre les quatre murs de l'ANC sans s'ouvrir, de façon objective et équilibrée, sur la société civile. Ma crainte est que la réalisation de ce projet suprême ainsi que son adoption se fassent dans un endroit fermé, et que cette constitution qu'on prétend que c'est le peuple qui la revendique soit, en définitive, l'œuvre des seuls députés de la majorité.
-Qu'est-ce que vous reprochez à ce brouillon au niveau du contenu ?
-Parmi les institutions qui ont le plus critiqué, à raison, le brouillon de la constitution il y a l'UGTT qui reproche aux constituants d'avoir négligé les droits sociaux qui sont exprimés d'une manière très vague, ils ne sont conformes ni aux exigences et aux espérances de la classe ouvrière et de la classe paysanne, ni aux normes internationales défendues par les organismes comme l'organisation internationale du travail. Nous sommes, donc, en retard par rapport au droit international. La même chose concerne les droits de la femme, et, à ce propos, vous vous rappelez, certainement, la grande bagarre entre les forces progressistes et « Ennahdha » qui voulait assigner à ces dernières un statut inférieur en les réduisant au rang de complémentaires. Il est vrai que l'expression a été retirée, mais il y a, toujours, un regard un peu inégalitaire à l'égard de la femme, et si l'équilibre favorable au parti religieux se maintient, ces petites dispositions vagues qu'on trouve dans la constitution seront exploitées par la suite, elles seront amplifiées et on vous dira que c'est la constitution qui a veut cela. Les droits ont évolué par étape, il ya ceux de la 1ère génération, ceux de la 2ème et ceux de la 3ème et même des droits de la 4ème génération. Dans le projet de constitution que j'ai élaboré, j'ai distingué les droits attachés à la personne des droits collectifs. Ce qu'on constate dans ce brouillon de constitution c'est un imbroglio total et un manque de contenu consistant, on y parle de justice et d'égalité d'une manière tout à fait flottante. Une constitution est, principalement, conçue pour préserver les droits et les libertés des citoyens, elle doit être le bloc de marbre et d'acier trempé dans lequel se trouvent exprimés ces droits auxquels il est impossible au pouvoir de toucher, il n'a le droit ni de les réduire, ni de les ignorer. La constitution c'est, d'abord, la protection de l'individu, du citoyen contre le pouvoir, contre l'abus, contre la force. Et si on ne confectionne pas des droits qui soient exprimés, fortement, avec précision et sérieux, rien de tout cela ne sera fait. Quand on énonce que l'homme et la femme sont égaux en droits et obligations ou lorsque Mr Kheder nous dit qu'on doit, tout, d'abord, se mettre d'accord sur le fait que la femme est un être humain, cela ne nous fait pas avancer et ne nous apprend rien de nouveau. On remercie le député pour cette philosophie suprême et on estime bien l'énonciation de cette égalité, mais ce qui importe le plus c'est des moyens susceptibles d'en garantir la jouissance et l'application. Il faut préciser les droits de la femme.
Les droits de la femme sont, toujours, menacés par le flottement des formules
-Qu'est-ce qui, exactement, vous fait peur dans la rédaction du brouillon de la constitution ?
-Quand ils disent qu'on va appliquer la charia ou qu'on va introduire un article pour dire qu'il est impossible de réviser l'article premier, cela veut dire qu'ils retireront demain ce qu'ils donnent aujourd'hui. C'est ce qui ressort dans la dernière page de leur projet où il est stipulé qu'aucun amendement constitutionnel ne doit porter atteinte à l'Islam considéré comme la religion de l'Etat. Cette expression annule l'article premier à propos duquel on croyait qu'il existait un consensus général. Ce petit aliéna de l'article 148 est placé dans un petit coin du brouillon, c'est l'avant dernier article, car la plupart des gens ne lisent pas jusqu'à la fin. Après qu'on a convenu que l'Islam était la religion des citoyens tunisiens et non pas celle de l'Etat, que la Tunisie était un pays démocratique dont la mission est la préservation des intérêts de ses ressortissants, leur assurer le développement et le progrès, etc., et non pas favoriser la domination d'une religion aux dépens d'autres confessions ou d'idéologies et de systèmes d'idées. Le fait que l'Etat devienne musulman veut dire qu'il nous appliquera ce qu'il croit être conforme à la charia. Les responsables de « Ennahdha » ne se sont pas contentés de cela, Habib Ellouze, par exemple, est allé jusqu'à proposer d'ajouter à l'article premier un autre stipulant que ce dernier est sacré et ne doit pas être, par conséquent, touché. Dans ce cas là, l'Islam deviendrait la religion de l'Etat et « Ennahdha » nous dirait que la place de la femme est au foyer pour s'occuper de ses enfants et de son mari, et comme a dit l'un des prédicateurs tunisiens sur internet, elle doit rester à la maison pour qu'elle puisse satisfaire les désirs sexuels de son époux à toute heure. Donc, il y a dans le brouillon de la constitution des lacunes et un terrain mou, sablonneux et marécageux qui seraient utilisés par les Islamistes s'ils réussissaient aux élections prochaines pour faire évoluer la constitution à leur façon et lui donner un autre visage, un autre contenu et une autre signification au point de la rendre, complètement, méconnaissable.
-N'y a-t-il pas de moyens pour contrer ce projet ?
-C'est très difficile, cela est tributaire de l'attitude des forces démocratiques dont le salut passe, inéluctablement, par le resserrement des rangs, elles sont invitées à mettre la main dans la main pour faire face à ce projet obscurantiste et sauver l'Etat civil et les droits fondamentaux. Actuellement, « Ennahdha » emploie un système de mystification, une sorte d'auto-hallucination collective en prétendant que la constitution sera élaborée d'une manière consensuelle. Personnellement, je doute fort de sa bonne intention et je ne crois pas que les partis politiques puissent arriver à la mise en place d'une constitution de tous les Tunisiens, ce sera la constitution d'une partie de l'opinion tunisienne, ce que j'appelle la constitution de la prédominance ou de « al ghalba » ( oppression, qui est homonyme, en Arabe, avec prédominance). Si le paysage politique n'est pas transformé, radicalement, pour permettre un véritable rééquilibrage dans les prochaines élections, « Ennahdha » va pouvoir imposer au-delà de ce qu'elle a inscrit dans la constitution, parce qu'elle a une idéologie qui a soufflé une partie, seulement, de son esprit dans la constitution et l'autre partie, elle, sera insufflée aux législations qui viendront après. La différence entre la Tunisie et l'Egypte c'est que les « Frères » ont tout mis dans la constitution et vont incriminer toute atteinte à son encontre, car ils sont, pleinement, satisfaits. Alors que chez nous, la situation n'est pas aussi nette, si « Ennahdha » avait 15 voix supplémentaires, si elle avait obtenu 115 voix au lieu de 100, c'est-à-dire la majorité absolue, elle aurait fait une constitution à la « Morsi ». Les raccommodements de ses 90 voix, en achetant les voix de « Ettakatol », qui s'offre au plus offrant, et du CPR, qui est l'antichambre de « Ennahdha », se sont avérés, heureusement, insuffisants. Mais, elle ne va pas lâcher prise, même si elle est obligée, présentement, à faire une constitution un peu modifiée, elle dispose des moyens nécessaires qui sont de nature à lui permettre d'achever son œuvre. Il est très peu probable que le texte que nous avons sous les yeux fasse, réellement et sincèrement, l'objet d'un déménage islamiste qui corresponde aux vœux de la majorité de la population qui soutient qu'il ne faut pas mêler la religion à la politique, à la constitution, etc. Cette opinion est rejetée par « Ennahdha » qui défend la thèse selon laquelle « l'Islam est une religion et un Etat ». A mon avis, il est très difficile de faire de ce projet de constitution un texte de tous les Tunisiens, il sera, uniquement, celui de cette dernière et il le restera explicitement ou implicitement. Ce qui n'a pas été accompli au niveau de ce projet, « Ennahdha » s'emploiera à le réaliser au lendemain de l'adoption de la constitution. Ce texte est né atteint d'un certain nombre de défectuosités, de défauts congénitaux, il va vivoter et, tôt ou tard, on se rendra compte que l'enfant est mal né. Le projet de constitution dans son état actuel ne vivra pas longtemps.
« Ennahdha » aurait imposé la charia si elle avait obtenu la majorité absolue
-Comment vous jugez les apports des partis politiques à cette constitution ?
-Après avoir abandonné, au début de l'année 2011, l'idée de garder la constitution de 1959 ajustée sur les caprices de Ben Ali et confectionnée sur ses mesures, on s'est tournée vers l'autre alternative, à savoir l'élection d'une assemblée nationale constituante pour pouvoir élaborer une nouvelle constitution qui soit marquée du sceau de la Révolution et rompant, ainsi, définitivement, avec le système de corruption et de malversation qui n'a épargné aucun domaine. Malheureusement, cette œuvre s'est heurtée à des volontés qui s'inscrivent aux antipodes de ces revendications légitimes et qui émanent de partis politiques, de droite comme de gauche, qui sont étrangers à l'action révolutionnaire, n'ayant ni guide, ni programme, à l'image de « Ennahdha » dont les projets n'ont rien à voir avec les slogans de la Révolution et les priorités et les perspectives de la société. Les préoccupations de ce parti consistent dans le retour à la charia et au califat détournant ce chef-d'œuvre populaire de ses objectifs sociaux évidents, réclamés haut et fort : travail, liberté, dignité.
-Existe-t-il un système électoral qui puisse participer à instaurer une vraie démocratie?
-Aucun mode de scrutin n'est capable d'assurer cela, ni le système uninominal fondé sur la confiance en la personne, ni celui de liste, basé sur le parti qui invite les électeurs à voter pour ses candidats. Ce n'est pas le système électoral qui fait la démocratie, bien au contraire, c'est celle-ci qui forge la première. Donc, le moyen de parvenir à l'instauration de la démocratie ne réside pas dans la modification du mode de scrutin, mais dans une série d'opérations qu'il faut accomplir sur le terrain : intéresser le citoyen, qui est un apprentissage de la citoyenneté, lire les inquiétudes et les préoccupations des gens et réagir en conséquence en arrêtant des plans d'action réalisables à échéances raisonnables. A ce moment-là, vous pouvez appliquer n'importe quel système électoral et la démocratie en sortirait victorieuse à coup sûr, car le choix de l'électeur serait basé sur des faits tangibles et non pas sur des promesses flottantes et déroutantes.
-Vous croyez que ce plan d'action est suffisant pour permettre l'éclosion d'une vie démocratique ?
-Absolument pas, la démocratie n'est pas réalisable tant que l'argent et la religion se mêlent à la politique. Dans ce cas, il n'y aurait de place ni à la politique, ni à la démocratie et il ne serait possible ni de sortir de la crise, ni de mettre fin à la corruption. Cela est tellement vrai qu'en France, par exemple, l'argent, qui est, subitement, entré en scène, a, complètement, bouleversé le paysage politique ; cela s'est produit à un moment où les partis vivotaient dans la misère. C'est là qu'est intervenue la réglementation, aux environs de 1997/ 2000. On a pris une série de mesures : les partis politiques seraient financés par l'Etat, ils n'ont pas le droit de recevoir telle et telle catégorie d'argent, ils n'ont pas le droit de faire telle et telle dépense, ils doivent rendre des comptes, ils sont sommés à des audits sous peine de sanctions. En Tunisie, on a inscrit cette loi française dans celle qui régit les partis politiques et on l'a utilisée contre les partis de l'opposition pour protéger le RCD, à l'époque. Si on appliquait cette loi, maintenant, on protégerait les petits partis contre « Ennahdha ». En fait, il y a d'autres facteurs qui doivent contribuer à l'instauration d'une réelle démocratie, des facteurs de très long terme et d'autres plus immédiats et qui sont tous inhérents à l'amélioration des conditions économiques et sociales des citoyens.
L'article 148 modifie l'article premier et fait de l'Islam la religion de l'Etat et non pas celle des citoyens
-Ces textes de loi que vous évoquez sont-ils suffisants pour garantir la démocratie ?
-La politique est très complexe, elle est comme la composition chimique d'un médicament, pour qu'elle fonctionne bien, il ne suffit pas de faire une loi, mais on doit lui ajouter des textes d'application et prévoir un organisme sérieux pour les faire contrôler. Il faut nettoyer la vie politique de l'argent, parfois, sale et instituer des moyens de contrôle dont, principalement, l'ISIE qui doit exiger des partis politiques qu'ils donnent un bilan, un état et les origines de leur financement, et si elle voit des choses pas très catholiques là dedans, elle doit avoir le pouvoir d'interdire aux réfractaires de participer aux élections.
-Est-ce que ces règles ont été appliquées aux élections précédentes ?
-Malheureusement, elles ont été, totalement, écartées avec la complicité de tous les partis politiques, ils sont tous sales, je n'épargne aucun même pas les pauvres parmi eux. Car si ces derniers avaient déclaré leur budget à l'ISIE et lui avaient montré leurs programmes financiers lors de la campagne électorale, ils auraient mis dans l'embarras tous les autres partis y compris les riches, ils auraient crée l'incident pour imposer l'application de la loi. Mais malheureusement, tout le monde s'est tu. A l'époque, le journal « Echourouk » a organisé un sondage auprès des partis politiques qui soit prétendaient qu'ils n'en avaient pas, soit refusaient de les donner. Cette loi de contrôle par les finances instituée, en 1988, par Ben Ali dans le cadre de la soi-disant ouverture démocratiques. Dans l'esprit de l'ancien régime, elle sera appliquée contre les partis de l'opposition et non pas au RCD dont les biens, les comptes courants et les dettes qu'il a accumulés par escroquerie se comptaient par des dizaines de milliards. Cette loi est encore applicable et l'instance de Iyadh Ben Achour a présenté quelque chose dans le même esprit en actualisant, un peu, le système de contrôle financier, mais cette mesure n'a pas été appliquée non plus à cause de l'indiscipline des partis politiques.
Les petits partis contribuent aux fraudes à la loi de financement par leur silence
-On comprend par là que ce qui encourage ces infractions à la loi c'est l'absence de moyens persuasifs obligeant ces derniers à déclarer leurs finances?
-Il faut qu'il y ait des institutions organisées qui soient habilitées à cet effet telles que l'ISIE, par exemple. Si la loi qui la crée avait dit que cette dernière avait accès aux comptes courants de tous les partis politiques et avait le droit d'envoyer des enquêteurs pour contrôler leurs finances, cela aurait été possible. La Banque Centrale qui est obligée de donner à l'ISIE les comptes et les virements et toutes les transactions financières des partis surtout ceux concernant les sources de financement extérieur, mais elle n'a rien fait de tout cela, ce qui veut dire qu'elle triche comme eux, elle est, donc, coupable au même titre qu'eux. Elle prétendait qu'elle n'a rien vu alors que toutes les sorties et toutes les rentrées d'argent passent par elle par définition. On sait qu'en matière d'argent rien ne lui échappe même pas le petit contribuable qui en cache chez lui sous le couvre-lit où elle fait entrer la justice et le fisc. Les soupçons d'illégalité et d'irrégularité financières qui pèsent sur la plupart des partis politiques sont très lourds. Par exemple, « Ennahdha » a dit « : oui, on a beaucoup d'argent, mais on ne vous dira pas combien, cet argent vient des partisans, il est cumulé depuis la création du mouvement ». Mais comment ceux qui étaient en prison ou à l'étranger pouvaient-ils apporter des contributions ? Et si c'était, réellement, le cas, montrez-nous les virements. Rien de tout cela n'existe. Il est clair que l'argent joue un rôle très important, d'autant plus important qu'il n'est pas contrôlé, et quand il n'est pas contrôlé, la politique est pourrie et la démocratie devient un non sens. Pour remédier à cette situation, il est impératif de doter l'ISIE d'un vrai pouvoir de contrôle en prévoyant tous les mécanismes susceptibles de rendre aussi bien effectif qu'efficace ce contrôle.
-Mais les partis politiques usent d'autres moyens pour contourner la loi comme, par exemple, le financement par le biais des organisations qui pullulent comme des champignons.
-Ces moyens détournés existent bel et bien, les associations de bienfaisance, les « koutabs » (école religieuse), les pensionnaires, les enveloppes données aux femmes qui vont accoucher et aux filles qui préparent leurs trousseaux..., tout cela existe, ces pratiques, on les voit aussi en Egypte et dans l'ensemble des pays arabes. Et comme vous le savez, « Ennahdha » est passé maître là-dedans, elle est devenus une multinationale, elle a une poly-activité sociale : elle organise des mariages collectifs et la fête de circoncision, la nuit du 27 du mois de ramadan, donne de l'argent pour le mouton de l'Aïd et pour la rentrée scolaire... « Ennahdha » distribue, régulièrement, des enveloppes à un certain nombre de gens qui sont les « ligues de protection de la révolution » et ses activistes, cela tout le monde vous le dira. Elle fait usage de milliards en provenance, essentiellement, de Qatar où 1 milliard, qui est énorme chez nous, n'est qu'une simple unité de mesure. Au lieu de dénoncer ces dépassements, les partis de l'opposition se sont tus et même certains d'entre eux ont recouru, avec des petits moyens, à ce genre de pratique.
L'Etat doit avoir le monopole de l'action sociale humanitaire
-Comment lutter, légalement, contre ce fléau ?
-Les activités sociales doivent relever de l'Etat, parce que c'est l'institution qui appartient à tout le monde. Quand c'est elle qui organise des actions de bienfaisance, personne ne lui reprochera qu'elle agit pour des visées partisanes. J'ai, personnellement, proposé la création d'une institution nationale d'assistance publique qui n'a rien à voir avec 26/26, cette institution serait placée sous un contrôle rigoureux. Les pays nordiques, par exemple, ont ce genre de système. Donc, première chose à faire pour mettre fin à ces supercheries c'est d'interdire aux partis politiques de s'adonner à des activités non politiques. Etant donné qu'ils sont autorisés à exercer une action politique en vue d'arriver au pouvoir, ils doivent utiliser des moyens, strictement, politiques, et ces associations charitables qui poussent partout doivent être éliminées surtout celles qui créent des écoles maternelles où on place des « nikabées » qui obligent des petits enfants à apprendre des sourates et à faire la prière, on agit si agressivement sur des cerveaux tout frais et on tue toute capacité intellectuelle chez ces pauvres petits.
-Vous croyez que cela est facile à faire ?
-Bien sûr qu'il n'y a pas de moyen parfait, mais entre lutter contre la drogue et la laisser circuler, librement, il y a comme même une marge. On y a fermé les yeux et la voilà répandue partout, même dans les moindres petits villages et à l'école et il est possible qu'on ne soit plus capable de l'interdire, mais au moins nous devons réagir pour protéger ceux qui n'y ont pas goûté à ce fruit interdit. Donc, il faut qu'il y ait une action de poursuite des trafiquants en vue de limiter les dégâts. De même ici, les utilisations détournées de l'argent à des fins politiques doivent être interdites et pénalement sanctionnées.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.