Le dialogue national sur l'avant-projet de la Constitution lancé par l'Assemblée nationale constituante (ANC) en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), dans le cadre de la concrétisation de l'approche participative dans l'élaboration de la constitution a été une opportunité pour les citoyens de débattre son contenu et de proposer des suggestions utiles garantissant la protection des droits et des libertés, le respect des objectifs de la révolution et l'édification d'un Etat civil. Pour contribuer à ce débat passionnant et stimuler une discussion publique, la parole a été donné à plusieurs représentants des partis et de la société civile. Aymen Chaabane a estimé que le brouillon de la constitution n'est pas précis. Il ouvre la porte à de multiples interprétations, comme le prouvent les articles 18, 24 et 26 concernant la vie privée, la formation des partis et des associations et le travail. Il a appelé à mettre une date limite pour les candidats à la législation et de créer un conseil de discipline dans le futur Parlement. Sami Kobji du parti Ettahrir a estimé que le préambule est un ensemble plutôt composé de textes littéraires qui n'ont pas leur place dans une Constitution. Il a insisté pour que la chariâa islamique soit une source essentielle pour l'élaboration des lois. Wafa Sfar a expliqué que les droits n'ont pas été mentionnés de manière claire dans le préambule et les principes fondamentaux « Je considère que les tunisiens ont besoin d'un Etat civil. L'Etat laïc ou l'Etat théocratique ne répond plus aux aspirations de liberté et de dignité, valeurs de la révolution » avoue-t-elle. Mohamed Khenissi a défendu la notion de la citoyenneté « La Constitution doit garantir les libertés et les droits de l'Homme si nous ne voulons pas tomber dans la dictature. Les droits de l'Homme dans leur acception universelle sont définis par les conventions et les traités internationaux. Mais normalement dans une constitution, la règle générale c'est de s'inscrire dans l'universel. Il n'y a aucune raison pour que le citoyen tunisien ait des droits moindres que ceux d'un européen ou d'un américain » Le jeune étudiant Fakhreddine Sallami a défendu la civilité de l'Etat civil « L'Etat est par définition une institution civile, non religieuse. Dans l'avant-projet, il y a un article qui énumère cinq éléments non amendables, parmi lesquels «l'Islam comme religion de l'Etat». Là nous devrons être vigilants pour ne pas tomber dans l'Etat théocratique » Certains intervenants ont appelé à criminaliser l'atteinte au sacré, mais on ne sait pas qui le ferait, l'Etat ou le droit ? Par décret ou par une loi se demande une jeune étudiante. Mohieddine Ben Mansour a précisé que le brouillon de la constituante ne mentionne pas l'Etat de droit ni la nature du régime politique. Il a appelé à élargir les prérogatives du Président de la République. Kamel Ben Massoud a démontré que les droits économiques, sociaux et culturels n'ont pas été mentionnés dans le préambule et les principes fondamentaux exigeant la neutralité des mosquées qui doivent être exemptes de toute propagande politique. Nizar Zahrouni a évoqué que certains concepts demeurent flous et qu'il est souhaitable de créer un haut conseil islamique de concertation. Abdelkrim Chamak a expliqué que les zones d'ombre de ce projet viennent justement de la recherche d'un compromis entre deux visions profondément divergentes. « Il y a un vrai conflit idéologique et politique entre deux parties opposées politiquement. La vision de la Tunisie future doit refléter l'esprit revendicatif du 14 janvier ». Tahar Mathlouthi estime que ce brouillon de la constitution contient de nombreuses confusions et insuffisances. Il y a une confusion notamment entre la notion de droit et celle de la liberté, et cela dans de nombreux articles comme le droit à la grève et de pensée. Concernant les traités internationaux ratifiés par la Tunisie, l'avant-projet de la Constitution prévoit que ces traités ne soient applicables que s'ils ne contredisent pas la présente Constitution. Ce qui n'est pas logique. Riadh El Fahem a défini ce projet de Constitution comme étant contre-révolutionnaire. « Où est la part des martyrs dans cette constitution Protège-t-il suffisamment les droits et les libertés fondamentales ? dit-il. Khaled Ahres a parlé du droit de l'environnement « Développement durable, lutte contre l'effet de serre, biodiversité et développement durable. Tel est le défi environnemental qui doit désormais être omniprésent dans notre constitution » Il est vrai que certains différends ont suscité des polémiques bruyantes. Heureusement que les députés étaient là pour calmer les esprits. La présence de plus 500 inscrits au débat a fait prolonger les discussions jusqu'à 17 heures. Plusieurs députés sont conscients que le texte actuel doit être amélioré. Il reste très vague et ce n'est dans l'intérêt de personne. Avec toutes les ambiguïtés qu'il y a, on aura besoin de faire des interprétations très divergentes exactement comme si on n'avait pas de constitution nous expliquent Mahmoud Barroudi et Samia Abbou qui ont rappelé que le projet présenté n'est qu'un brouillon qui fera l'objet de nombreuses modifications et que le bilan des propositions émises dans le cadre de ces dialogues dans les régions seront soumises à la commission chargée de la rédaction de la constitution.