Ils sont jeunes, plutôt vantards, et se prévalent ouvertement d'avoir leurs entrées au sommet de l'Etat. Les plus militants des jeunes Ennahdha se font de plus en plus remarquer sur la toile et sur le terrain, à l'image du très actif Aymen Ben Ammar, 23 ans. Celui-ci se prétend être aujourd'hui derrière des sanctions qui seront prises dès demain lundi contre le Lycée Imam Mouslem à Tunis, suite à une banale kermesse jugée « immorale ». Dans un statut Facebook publié en fin d'après-midi dimanche, Aymen Ben Ammar, activiste bien connu dans les milieux islamistes tient les propos suivants : « Je viens de contacter M. Abdellatif Abid, le ministre de l'Education, pour m'entretenir avec lui au sujet de la vidéo qui circule abondamment sur les réseaux sociaux, où l'on peut voir des élèves se dénuder et se prêter à des actes sexuellement suggestifs au Lycée Imam Mouslem au Menzah 1. Suite à notre coordination, des mesures nécessaires et immédiates ont été prises contre le directeur, les surveillants et les élèves qui ont commis cet acte méprisable. Je vous tiendrai au courant de ce qui s'en suivra, je jure qu'ils seront renvoyés au plus tôt et publierai les preuves du renvoi des élèves et du licenciement des cadres incriminés, conformément à l'accord passé avec le ministre ». En clair, au-delà de l'aspect délation, ce réquisitoire plein d'assurance semble s'appuyer sur une forme d'autorité qui ne semble pas étonner la plupart de ceux qui ont commenté son texte. Deux heures plus tard, le ministre en question s'exécute :M. Abid, ministre chargé d'expédier les affaires courantes, annonce sur Mosaïque FM que « L'inspection générale entamera une enquête lundi 25 février et prendra les mesures qui s'imposent pour sanctionner la permissivité qu'a connue le Lycée Imam Mouslem ». Qu'est-ce que le Harlem Shake ? La « grave accusation » à laquelle font face élèves et cadres du lycée, c'est simplement de s'être adonné un phénomène en vogue plutôt bon enfant : le « Harlem Shake » (littéralement « la danse de Harlem »). Cela consiste en la réalisation d'une vidéo montrant un groupe de personnes, souvent vêtues de déguisements, dansant de manière décalée et loufoque sur le morceau Harlem Shake du compositeur de musique électronique Baauer. L'expression trouve son origine dans le même internet ayant fait un buzz en février 2013 sur YouTube. Au mieux, on feint donc de ne pas avoir saisi la dimension festive et virale de l'évènement. Il faut s'attendre à ce que l'affaire soit au cœur de l'actualité de la dernière semaine de février. Qui est Aymen Ben Ammar ? Ben Ammar passerait sans doute pour un simple « troll » de l'internet, s'il n'avait pas été vu à plusieurs reprises en compagnie des plus hauts dignitaires d'Ennahdha et des Ligues de Protection de la révolution. Il est aussi l'administrateur de plusieurs pages islamistes de la mouvance jeunes Ennahdha. Le jeune homme aime aussi poser avec des armes, notamment en Syrie où il dit avoir combattu aux côtés des djihadistes à Alep en août dernier. Commentant le 28 janvier 2013 une image de son ami connu sous le nom de Reccoba, il écrit : « Ceci est l'épée qui coupera la tête du mécréant Chokri Belaïd », se gausse-t-il une semaine avant l'assassinat du leader de la gauche radicale. Ben Ammar est aussi connu par nombre de journalistes et d'intellectuels modernistes pour avoir envoyé d'explicites menaces de mort, promettant « un enfer » à tous ceux qui ne se plient pas à ses exigences écrites (censure, récolte d'infos personnelles sur les blogueurs anti islamistes, etc.), tantôt sous pseudonyme, tantôt sous sa vraie identité. L'armada électronique à laquelle appartient Ben Ammar est sur tous les fronts. Il en est un exemple extrême : idéologiquement puriste, il pèche par abus de confiance. Naïvement utopiste s'il n'était aussi particulièrement dangereux. L'escalade dans la violence du propos de cette ultra droite réactionnaire, jusqu'ici jamais inquiétée par la Justice, soulève le problème des passe-droits de plus en plus décomplexés.