- «Le Syndicat a fait le choix de freiner la création de l'Instance provisoire de la Magistrature», affirme Raoudha Karafi - «Tout en tenant à cette instance, nous ne saurions accepter n'importe quoi», prévient Raoudha Laâbidi A l'instant où l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) s'emploie au cours des séances plénières à élaborer le projet de loi qui permettra l'édification d'une Instance provisoire de la magistrature, incohérences et divergences surgissent au grand jour entre les deux associations qui représentent le corps des magistrats, l'Association des magistrats et le Syndicat des magistrats. Dans un communiqué publié hier et signé par Raoudha Karafi, vice-présidente, l'Association des Magistrats Tunisiens (AMT), renouvelle son appel à l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) à accélérer l'adoption de la loi instituant la création de l'Instance provisoire de la magistrature. « Elle doit être neutre et se démarquer de toute politisation, tout en tenant compte des remarques émises par l'association et ses proposition pour garantir l'indépendance de cette instance », affirme Raoudha Karafi. Elle ajoute que l'AMT n'a pas choisi spontanément de publier des statistiques sur le taux de suivi de la grève décrétée par le Syndicat des Magistrats. Elle a été obligée de le faire parce que le Syndicat a parlé d'un taux de réussite de 100%. L'AMT confirme, encore une fois, ses statistiques sur le taux de suivi de la grève du 17 et 18 avril qui n'a pas dépassé les 34%. L'AMT considère que l'échec de la grève s'explique par la conscience des magistrats des objectifs du Syndicat qui vise à faire échouer la mise en place de l'instance provisoire de la magistrature. L'AMT rappelle l'absence du Syndicat lors de la grève des magistrats les 12, 13 et 14 juin 2012. Le 16 juin 2012, le Syndicat avait accepté le projet gouvernemental avant la soumission de son premier article aux débats au sein de l'ANC. Le syndicat avait justifié le fait que le ministre de la Justice procède au mouvement des magistrats par des notes internes. L'AMT pense que le Syndicat a choisi de freiner la création de l'Instance provisoire de la Magistrature en attendant l'adoption de la Constitution, ce qui créera un vide institutionnel et permettrait l'hégémonie totale du pouvoir exécutif sur la magistrature durant de longues années. Seule une minorité de magistrats en tirera profit au détriment de la majorité. L'instance provisoire de la magistrature est la seule habilitée à garantir l'indépendance dans la gestion de la carrière des magistrats et la protection des élections et la réussite de la transition démocratique. L'AMT prévient qu'il ne faut pas se leurrer quant à la surenchère engagée dernièrement par le Syndicat qui avait « donné un chèque en blanc au Gouvernement le 16 juin 2012 pour présenter un projet de loi d'Instance provisoire de la Magistrature en faisant une commission administrative relevant du ministre de la Justice ». Du côté de l'AMT on pense que l'activisme du Syndicat est la conséquence du succès des magistrats et de leur association dans la remise sur le tapis à l'ANC de la loi sur l'Instance provisoire de la Magistrature. De son côté Raoudha Laâbidi, secrétaire générale du Syndicat des Magistrats Tunisiens (SMT), affirme dans une déclaration au Temps qu'il ne faut pas détourner l'attention des magistrats de leur principal problème : ce qui se passe au sein de l'ANC. La secrétaire générale rappelle l'éthique qui doit prévaloir dans les rapports entre le Syndicat et l'Association. « Nous devons respecter nos décisions réciproques. Jamais une association n'appelle à une grève alors qu'une autre établit des statistiques à propos de cette grève, surtout si ses données sont fausses. Tout le monde sait que la grève a réussit. Quel message veut transmettre l'AMT ? Que le Syndicat ne peut déranger ? », s'interroge Raoudha Laâbidi. Elle rappelle que lorsque l'AMT avait appelé à un sit-in, le Syndicat l'avait soutenue. « Nous avons appelé tous les magistrats à participer à toutes les formes de contestations », dit-elle. Il faut que tout le monde soit uni. A propos des statistiques sur la grève, Raoudha Laâbidi rappelle que de coutume il revient au ministère de les publier. Il le fait pour minimiser la portée de la grève. « Pourquoi est-ce que l'AMT le fait-elle ? Notre interlocutrice ajoute que du côté du syndicat, cette polémique est dépassée. Les magistrats sont conscients et n'apprécient pas l'approfondissement des divergences. Il ne sert à rien de se lancer des communiqués. « Pour nous, le Syndicat s'est adressé à l'ANC. Aucune solution ne peut être trouvée en dehors de l'Instance provisoire de la Magistrature », dit-elle. Elle ajoute que « tout en tenant à cette instance, nous ne pouvons accepter n'importe quoi ».