Le Temps-Agences- La Russie se veut une force "d'équilibre" et de "coopération" mais ne transigera pas sur la défense antimissile américaine ou le Kosovo, autant de "lignes rouges" à ses yeux, a exposé hier son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. "Au-delà de la politique de non confrontation de la Russie, il y a ce qu'on appelle des lignes rouges - celles qui représentent une réelle menace pour notre sécurité nationale ou pour l'ordre international", a-t-il dit devant les étudiants du prestigieux Institut des Relations internationales de Moscou (MGUIMO). "Parmi ces questions figurent les projets d'installation de bases antimissile en Europe centrale et la question du Kosovo", a souligné le chef de la diplomatie, fustigeant "la précipitation" que manifeste selon lui l'Occident sur ces deux questions mais aussi sur l'élargissement de l'OTAN. Sur ces points, "la Russie ne marchande pas et nos partenaires internationaux doivent le comprendre", a poursuivi M. Lavrov lui-même diplômé du MGUIMO en 1972. Moscou, alliée de Belgrade, reste opposée à l'idée d'une indépendance du Kosovo, province de Serbie à majorité albanaise, sur laquelle travaillent les Etats-Unis et l'Union européenne. La Russie estime également que le projet américain d'installation d'un radar en République tchèque et de missiles intercepteurs de missiles en Pologne menace sa sécurité. En juin, le président russe Vladimir Poutine a proposé aux Etats-Unis d'y renoncer et d'utiliser à la place entre autres le radar russe de Gabala en Azerbaïdjan, sans convaincre Washington qui reste attaché à son projet en Europe. M. Lavrov a dit "observer" de la part de l'Occident "une orientation politico-psychologique destinée à contenir la Russie, une ligne qui exige des réflexes de blocs, des réactions négatives à tout ce que nous faisons, à tout ce que nous proposons". De telles pratiques "sapent la confiance" et "réduisent l'espace de coopération dans les affaires internationales", a-t-il mis en garde en leur opposant la "non confrontation" et le "respect du droit international". "La Russie continuera de jouer son rôle d'équilibre dans les affaires mondiales", a-t-il poursuivi en rappelant "le lien unissant les Etats-Unis et la Russie qui ont hérité du passé une responsabilité envers la sécurité stratégique du monde". Le ministre a appelé de ses vœux une plus grande coopération entre la Russie et l'Otan. "Pour cette partie du monde qu'il est d'usage d'appeler la région euro-atlantique une compréhension mutuelle à trois entre les Etats-Unis, l'Union européenne et le Russie ne ferait pas de mal", a-t-il dit. Une coopération au sein de ce "triangle" est "en train de naître sur des questions ponctuelles mais de façon extrêmement timide", a-t-il déploré. Dans le même temps et dans la direction opposée, sur le continent eurasiatique, Moscou prête une attention particulière à l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) "qui assure une harmonisation des intérêts des Etats de la région eurasiatique au sens large". L'OCS - qui réunit la Chine, la Russie et quatre ex-républiques soviétiques d'Asie centrale (Tadjikistan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Kazakhstan) - est présentée comme un contrepoids face à l'influence américaine en Asie centrale. Moscou compte aussi développer ses relations avec les autres grandes économies émergeantes du groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) ainsi qu'avec l'Union africaine, la Ligue arabe, la Conférence islamique, l'ASEAN et d'autres organisations rassemblant des pays en développement, a souligné le ministre.