Al-Qaïda vient d'apporter son grain de sel au conflit opposant le gouvernement tunisien à l'organisation djihadiste Ansar al-Chariaâ. Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a adressé un message de soutien à Ansar al-Chariaâ et mis en garde les dirigeants du mouvement islamiste Ennahdha, qui dirige le gouvernement, contre la répression des salafistes djihadistes. Dans un enregistrement audio poste sur Internet, le cheïkh Ahmed Abou Abdallah Aljijeli Aljazairi, l'un des dirigeants de la branche maghrébine de la nébuleuse créée par Oussama Ben Laden, a affirmé que son organisation a été surprise par l'ampleur de la répression qui s'est abattue récemment sur Ansar al-Chariaâ. « AQMI qui considère la Tunisie comme une terre de prédication et non de djihad a été surprise par les agressions perpétrées ces derniers jours contre les membres de Ansar al-Chariaâ ainsi que par les restrictions sur la prédication et les actions de bienfaisance. Cette répression nous a fait croire que Ben Ali est revenu », précise-t-il. Et d'ajouter : « nous mettons en grade Ennahdha et son chef Rached Ghannouchi contre l'effusion du sang des jeunes djihadistes ». Le cheïkh Aljazairi rappelle que « son organisation est encore engagée à ne pas cibler les gouvernements de l'après-révolutions arabes conformément aux ordres du cheïkh Aymen Al-Dhawahiri », le Chef d'Al-Qaïda. Ce dernier a recommandé, selon lui, aux membres d'Al-Qaïda d'aider les gouvernements islamistes à instaurer la Chariaâ et de libérer la Palestine. AQMI a, d'autre part, appelé le gouvernement tunisien à renoncer à son alliance avec les Etats-Unis et la France et à « demander conseil auprès Oulémas de confiance au lieu de conclure des accords sécuritaires avec le gouvernement algérien qui était l'allié de Ben Ali ». Les disciples maghrébins d'Ousssama Ben Laden ont, par ailleurs, appelé Ennahdha à « débattre de n'importe quelle question sans intermédiaire et loin de toute pression de la part des appareils sécuritaires locaux, régionaux et internationaux». Ennahdha refuse tout dialogue avec les groupes armés En réponse à ce message d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, le directeur de cabinet du chef d'Ennahdha, Zoubeïr Chehoudi, a précisé que son parti est «engagé à respecter la loi », indiquant qu' «AQMI est une organisation terroriste qui n'a aucun droit de s'immiscer dans les affaires tunisiennes». S'agissant de l'appel au dialogue lancé par Al-Qaïda, M. Chehoudi a fait s'avoir qu'Ennahdha refuse tout dialogue avec les groupes qui portent des armes ». Le gouvernement tunisien s'est engagé récemment dans une politique répressive contre les salafistes djihadistes. Depuis fin avril, l'armée traque, sans grand succès, une trentaine de personnes présentées comme djihadistes cachées dans les montagnes de Chaâmbi, à la frontière algérienne. Début mai, le ministère de l'Intérieur est allé jusqu'à interdire l'installation des tentes de prédication sans autorisation préalable. Le 18 mai, le ministère de l'Intérieur a décidé d'interdire le congrès d'Ansar al-Chariaâ qui était prévu le dimanche 19 mai à Kairouan. Une décision qui a donné lieu à des affrontements les salafistes et les forces de l'ordre dans le quartier populaire d'Ettadhamen. Près de 300 personnes ont été interpellées au cours du week-end, parmi lesquelles le porte-parole d'Ansar al-Charia, Seif Eddine Raies. Des arrestations qui ont eu lieu dans le cadre de la loi antiterroriste, promulguée sous la présidence de Ben Ali. Le jour même de l'interdiction du congrès d'Ansar al-Chariaâ, le chef du gouvernement tunisien, Ali Laârayedh, a, pour la première fois, établi un lien direct entre le groupe Ansar al-Chariaâ et le terrorisme. «Le mouvement Ansar al-Chariaâ a des liens avec les organisations terroristes », a-t-il déclaré dans une interview accordée à la chaîne Al-Jazeera. Autant de décisions et de déclarations qui prouvent, selon les observateurs, que la rupture entre Ennahdha et la mouvance djihadiste est consommée.