En promulguant le " pacte fondamental " le 10 septembre 1857, la Tunisie s'est placée en tête des pays arabes qui ont connu au 19éme siècle une "Déclaration des droits ". L'octroi de cette "charte " ou "Ahd El Amen " a été, il est vrai, entouré de circonstances qui en ont réduit considérablement la portée et ont entièrement annihilé le bénéfice que les Tunisiens pouvaient, à l'époque, en tirer .Une crise grave l'à précédé, qui le fit apparaître comme le résultat de pressions étrangères, notamment celles des consuls de France et de grande -Bretagne. Des calculs intéressés en ont accompagné la mise au point : les ministres du Bey cherchaient à garantir leurs prébendes, les consuls des puissances étrangères pensaient surtout à obtenir de nouveaux avantages à leurs ressortissants. Des abus ont suivi la mise en place des institutions qui découlent de la charte. La méfiance de la population envers ces "innovations "inspirées de l'étranger fut donc grande. Et quand d'importantes augmentations d'impôts déclenchèrent le soulèvement de 1864, la constitution de 1861et les tribunaux nouvellement créés furent sacrifiés sans hésitation. L'importance de la "charte " de la 1857 ne réside point dans l'application qu'on en fit, ou dans les institutions éphémères qu'on créa à l'époque. Elle est plutôt dans le mouvement d'idées qu'il inspira à plusieurs générations de Tunisiens. D'abord, à celle qui en vécut les débuts, et à laquelle il en donne de grandes espérances au poète Mahmoud Kabadou qui salua par un long poème la promulgation de la constitution de 1861,à l'histoire Ibn Abi Dhiaf qui intitula son œuvre historique monumentale :"Chronique des rois de Tunis et du pacte fondamental "à Kheireddine qui ,dans son "Aqwam" al -Masalik "plaide avec vigueur pour des réformes constitutionnelles, et à ses amis qui lui reprocheront de ne pas avoir cherché, une fois devenu premier ministre, à réaliser de telles réformes. Puis, sous le protectorat, le "pacte fondamental "fut souvent évoqué dans les revendications des pionniers du mouvement national pour la promulgation d'une constitution. Le pacte fondamental est constitué de 16 chapitres répartis comme suit : -chapitre premier: des princes de la famille husseinite. L'article premier de ce chapitre stipule que "la succession au pouvoir est héréditaire entre les princes de la famille husseinite par ordre d'âge, suivant les règles en usages dans le royaume. Dans le cas seulement où l'héritier présomptif se trouverait empêché, le prince qui viendrait immédiatement après lui, lui succéderait dans tous ses droits ". - Chap 2: Des droits et des devoirs du chef de l'Etat - Chap 3: De l'organisation des ministères, du conseil suprême et des tribunaux. - Chap 4: Des revenus du gouvernement. - Chap 5: De l'organisation du service des ministères. - Chap6: De la composition du conseil suprême L'article 44 stipule que "le nombre des membres du conseil suprême ne pourra excéder soixante. Le tiers de ce nombre sera pris parmi les ministres et les fonctionnaires du gouvernement, de l'ordre civil et militaire. Les deux autres tiers seront pris parmi les notables du pays. Les membres du conseil d'Etat. - Chap7: des attributions du conseil suprême. L'article 60 stipule que "le conseil suprême est le gardien du pacte fondamental et des lois et le défenseur des droits des habitants. Il s'oppose à la promulgation des lois qui seraient contraires ou qui porteraient atteinte aux principes de la loi, à l'égalité des habitants devant la loi et au principes de l'inamovibilité de la magistrature, excepté dans le cas de destitution pour un crime commis et établi devant le tribunal. Il connaîtra des recours contre les arrêts rendus par le tribunal de révision en matière criminelle, et examinra si la loi a été bien appliquée. Lorsqu'il aura prononcé, il n'y aura plus lieu à aucun recours. L'article 62 stipule que "Le conseil suprême peut faire de projets de loi de grand intérêt pour le pays ou pour le gouvernement. Si la proposition est adoptée par le chef de l'état dans son conseil des ministres, elle sera promulguée et fera partie des lois du royaume. - chap 8: De la garantie des fonctionnaires L'article 70 stipule que "Les plaintes contre les ministres pour des faits relatifs à leurs fonctions ou pour une infraction aux lois, seront deposées devant le conseil suprême, avec les preuves à l'appui pour y être examinées. Si les faits commis comportent la destitution, la suspension ou le paiement d'une amende fixée par le code, la peine sera prononcée par ce conseil. Si au contraire, le coupable mérite une peine plus grave, l'affaire sera renvoyée devant le tribunal criminel. -chap.9 Du budget -chap10 Du classement des fonctions -chap.11 Des droits et devoirs des fonctionnaires -chap.12 Des droits et devoirs des sujets du royaume tunisien L'article 86 stipule que "Tous les sujets du royaume tunisien, à quelque religion qu'ils appartiennent, ont droit à une sécurité complète quant à leurs personnes, leurs biens et leur honneur". L'article 88 ajoute que "Tous les sujets du royaume, à quelque religion qu'ils appartiennent, sont égaux devant la loi, dont les dispositions sont applicables à tous, indistinctement, sans égard ni à leur rang, ni à leur position ". L'article 89 précise que "Tous les sujets du royaume auront la libre disposition de leurs biens et de leurs personnes .Aucun d'eux ne pourra être forcé de faire quelque chose contre son gré, si ce n'est le service militaire, dont les prestations sont réglées par la loi: nul ne pourra être exproprié que pour cause d'utilité publique, moyennant une indemnité. Chap.13 Des droits et des devoirs des sujets étrangers établis dans le royaume de Tunis. L'article 105 affirme qu'une "Liberté complète est assurée à tous les étrangers établis en Tunisie quant à l'exercice de leurs cultes " L'article 106 stipule qu'"aucun d'eux ne sera molesté au sujet de ses croyances, et ils sont libres d'y persévérer ou de les changer à leur gré. Leur changement de religion ne pourra changer ni leur nationalité, ni la juridiction dont ils relèvent. Ils jouiront de la même sécurité personnelle garantie aux sujets tunisiens "L'article 92 stipule que "Les sujets étrangers établis en Tunisie pourront se livrer au commerce d'importation ou d'exportation à l'égal des sujets tunisiens et ils devront se soumettre aux mêmes charges et restrictions que celles auxquelles sont soumis les dits sujets tunisiens ".