Depuis la parution des deux derniers projets de la Constitution, les débats, les indignations et les critiques ne cessent de se multiplier. ONG, société civile tunisienne et experts réagissent instantanément à ce qu'ils voient menaçant pour le processus démocratique et le futur de la Tunisie, à savoir : les droits humains universels dont la liberté d'expression, pierre angulaire de la démocratie. De part son statut de seule garante de toute forme de transparence administrative et politique, la liberté d'expression est celle qui lutte contre la corruption, les dépassements et l'abus de pouvoir. Elle dévoile le dysfonctionnement et les violations des droits de l'Homme. Constitutionnalisée au sein de la nouvelle Constitution, Elle permettra à tout citoyen tunisien d'exercer librement son droit à exprimer son opinion et de dénoncer les mauvaises pratiques à son encontre ou à autrui. Or, un article vient attirer l'attention des militants des droits de l'Homme et de la liberté d'expression. Il s'agit de l'article 124 qui stipule la création d'une future instance de l'information. Un contenu contre lequel la totalité des associations et des ONGs oeuvrant pour l'instauration des droits humains et la liberté d'expression, s'est soulevée. L'abolition de l'article 124 ! En effet, suite à cet article paru dans le tout dernier projet de la Constitution, une coalition civile pour défendre la liberté d'expression s'est formée. Elle a réuni syndicats, organisations et associations et qui sont : le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse (CTLP), la Ligue Tunisienne de défense des Droits de l'Homme (LTDH), le Syndicat national des Journalistes Tunisiens (SNJT), le Syndicat général de la culture et de l'information relevant de l'UGTT, le syndicat Tunisien de la Presse Indépendante et de la presse des Partis (STPIP), le Syndicat Tunisien des Radios Libres (STRL), l'Association « Yakadha » (vigilance) pour la Démocratie et l'Etat civil. Cette coalition civile sonne le tocsin et appelle vivement le président de l'Assemblée constituante à abroger immédiatement l'article 124 du dernier projet de la Constitution dont le texte parle de la création d'une instance d'information. Une lettre sous forme de communiqué de presse est adressée à Mustapha Ben Jaafer et à tous les membres de l'ANC, le mardi 4 juin. Les membres de cette coalition trouve que «cette instance, qui serait chargée de la régulation du secteur des médias, tous supports confondus, et du contrôle du droit à la liberté d'expression et de l'accès à l'information, est une hérésie sans pareil dans les pays démocratiques». Par ailleurs, les notions d'impartialité et d'indépendance ne sont point garanties puisque les membres de ladite instance ne seront pas élus par des indépendants mais bien par des «représentants des partis politiques au sein du futur parlement». Chose qui fera d'elle, d'abord, un outil de contrôle politique et fera ressurgir le spectre de la censure des médias par le politique et enlèvera à l' HAICA (Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle) toutes ses prérogatives. Elle sera, désormais, un simple outil décoratif. Quant à l'instance de l'information, elle ne rappellera que trop les agissements d'un certain ministère de l'Information pour cadenasser, de nouveau, l'information et estomper la liberté d'expression. Pour un préambule qui sacre la liberté d'expression La pléiade de défenseurs de la liberté d'expression a exhorté, par le biais dudit communiqué, les membres de l'ANC à insérer dans le préambule un texte clair qui énonce de manière nette l'engagement effectif au respect de la liberté d'expression, comme il est énoncé dans l'article 19 du PIDCP (le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques) que la Tunisie a signé depuis mars 1969. Une formulation qui évitera à la Tunisie d'être placée comme par le passé dans «la liste des Etats ennemis de la liberté de la presse, avant la Révolution». Dans le même contexte, la coalition incite à la suppression des formulations équivoques et ambiguës qui paraissent dans les articles 30 et 31 qui s'opposent aux droits d'accès à l'information et à la liberté d'opinion et d'expression. Ces deux derniers rappellent «les formulations qui n'existent que dans les Constitutions des pays totalitaires et qui sont destinés à étouffer la liberté d'expression et d'information». Au terme de ce communiqué, la coalition rappelle que la liberté d'expression est l'un des piliers de la démocratie et qu'insérer des articles tels que l'article 124 privera les Tunisiens de «leur droit de vivre sous un régime démocratique» et d'avoir une Constitution garante des libertés humaines universelles. Ce à quoi ont toujours fait référence les maintes recommandations des ONGs expertes en la matière, dont l'organisation ARTICLE 19. Le Temps a contacté le bureau ARTICLE 19 pour avoir son avis sur le contenu de l'article 124. Voici leur déclaration : «L'organisation ARTICLE 19, à travers son équipe en Tunisie et à Londres, suit avec intérêt les dernières discussions autour du projet de la nouvelle constitution publié le 1er juin 2013 en exprimant son espoir que tous les articles qui posent problèmes à la liberté d'expression et d'information soient modifiés avant le vote final par les constituants. A cet égard, ARTICLE 19 rappelle que l'article 124 du projet de la nouvelle constitution portant sur l'instance de l'information «chargée de l'organisation, la régulation et le développement du secteur de l'information » semble mettre la presse écrite sous le contrôle d'une Instance de régulation commune à la presse écrite et à la communication audiovisuelle. ARTICLE 19 note que, selon les standards internationaux, si les services de radiodiffusion sont réglementés par l'Etat et sous le contrôle d'un organe statutaire, la presse devrait être généralement autorégulée et contrôlée par un conseil de presse indépendant de l'Etat. ARRTICLE 19 recommande la révision de L'article 124 du projet de Constitution. Cet article devrait explicitement limiter le pouvoir de l'instance de l'information aux médias audiovisuels et fournir des garanties pour son indépendance.»