Politique, économie, chômage, violence, environnement, corruption, constitution, ainsi que d'autres sujets sont traités par le talentueux caricaturiste Taoufik Kouki actuellement à la Galerie des Arts de Ben Arous. Cette exposition intitulée « Négatif » donne l'impression que nous sommes devant des clichés de photos prêtes au développement. C'est que l'artiste use pour la première fois de l'encre de Chine blanche sur papier noir, à la différence de ses travaux anciens faits de noir sur blanc. De même, l'artiste tient à souligner que le titre « Négatif » pourrait mettre en scène des phénomènes anormaux choquants et intolérables que nous vivons depuis la Révolution de 14 janvier, mais il vise à un sens plus profond dans la mesure où ces choses négatives dont nous souffrons actuellement pourraient un jour devenir positives, quand on aura résolu tous les problèmes. De là, l'artiste nous invite à l'optimisme : en dénonçant les maux de la société tunisienne, il croit en un avenir meilleur pour peu que tout le monde se mette au travail et défende les idéaux de la Révolution. « Les pays développés étaient sous-développés, a-t-il ajouté, tout comme on développe un négatif en lui faisant subir certaines transformations pour en obtenir une photo bien réussie ! » L'artiste fait bien sûr allusion à ses caricatures auxquelles il donne le titre « Négatif » et qui relatent des scènes ou des phénomènes négatifs dans la société, en jetant un regard déplacé, parfois iconoclaste, voire provocateur, sur les événements sociaux et politiques de l'actualité, mais toujours avec humour. Il se sent alors investi d'une mission artistique noble qui consiste à dénoncer les maux de la société tout en désacralisant les tabous. Non qu'il s'érige en tant que redresseur de torts, loin s'en faut, mais il met le doigt sur la plaie, et c'est à la société civile d'en chercher les moyens de la cicatriser. L'artiste, en exécutant ses travaux, a dû passer par plusieurs étapes : d'abord, effectuer l'esquisse, ensuite faire le dessin, puis reproduire le dessin sur un calque, enfin passer la couleur blanche. C'est ainsi qu'on obtient un « négatif » où le blanc sur fond noir est bien mis en valeur. Les thèmes abordés sont nombreux : la crise économique, les élections tant attendues et qui n'arrivent jamais, la constitution dont l'écriture n'a que trop duré, les partis politiques qui se querellent et se déchirent en vue de solliciter la sympathie du citoyen et d'atteindre le pouvoir, le phénomène des écoutes exercé sur les appels téléphoniques et les conversations administratives, le sort du livre et de la lecture et la situation culturelle en Tunisie, l'environnement menacé de pollution et d'ordures , la liberté d'expression encore soumise à certaines contraintes, la cherté de la vie dont le citoyen se plaint depuis la Révolution, les fêtes religieuses (Aïd El Kébir et Aïd Ességhir) et la rentrée scolaire qui occasionnent des dépenses excessives aux ménages tunisiens, l'immigration clandestine qui s'est exaspérée depuis la Révolution et a fait beaucoup de victimes parmi les jeunes, et d'autres problèmes non moins importants qui caractérisent la société tunisienne en cette période transitionnelle qui a l'air de s'éterniser. Taoufik Kouki nous a confié qu'il n'était pas pessimiste quant à l'avenir de la Tunisie et que « malgré ce noir qui prédomine mes dessins, cette couleur répond à des soucis artistiques et esthétiques pour faire valoir l'importance des thèmes abordés à l'aide de l'encre blanche qui incarne l'optimisme, l'objectivité et le réalisme auxquels j'aspire en tant qu'artiste en vue d'attirer l'attention de mes concitoyens sur certains aspects négatifs de la société où je vis. »