L'esplanade du musée de Carthage était prise d'assaut par un public en majorité jeune pour le concert de Gultrah Sound System (Tunisie) et le Hoba Hoba Spirit (Maroc), programmé dans le cadre des 2èmes Rencontres internationales de musique alternative de Carthage (18 – 23 juin), qui se veut une manifestation réservée uniquement autre que la variété. Les présents n'ont pas été déçus puisqu'ils ont visiblement vibré aux rythmes de ces groupes. Grâce à une belle affiche proposée menée par le groupe tunisien Gultrah Sound System et celui marocain Hoba Hoba Spirit, le concert s'est caractérisé par des chansons en étroit rapport avec l'actualité : la politique et le citoyen, la jeunesse (nord-africaine), la crise identitaire, la lutte contre l'oppression, la défense des droits de l'Homme, de la liberté d'expression et de création. Des revendications légitimes après les révolutions arabes exprimées sur un ton parfois musclé mais surtout plein d'énergie. Présenté en première partie du concert, Hoba Hoba Spirit est un groupe précurseur marocain de fusion rock, afro, gnaoua et reggae, créé en 1998. Il se définit comme un groupe de Hayha Music. Dans ses chansons, il expose les problèmes concernant son pays le Maroc. Etendard d'une jeunesse marocaine voulant se détacher de la rigueur ancestrale des coutumes, le groupe compose des chansons mêlant rock, reggae, un peu de rap. Les paroles chantées en arabe dialectal, en français et en anglais rendent des textes piquants à l'égard de la société marocaine. Le groupe a enchaîné les refrains aux sonorités mêlant gnaouis, rock et hip-hop dont une version rock très originale du poème « Iradat al hayat » de Aboul Kacem Chebbi, ainsi que quelques reprises de chansons du patrimoine musical maghrébin, telles que «Nouar » de l'Algérienne Chikha Rimiti ou « Beb Hadid » de Cheb Noomen. Leur musique, portée par l'élan de la jeunesse marocaine est souvent mal vue par la frange la plus conservatrice du pays. Ainsi, en 2003 l'un des membres du groupe a été accusé de satanisme lors du procès des musiciens présumés satanistes. Le leader du groupe, Réda, qualifie le groupe d'apolitique et ne véhiculant aucune propagande politique dans sa musique. La deuxième partie du concert a été assurée par Gultrah Sound System qui est construit autour d'une bande de copains potes ayant grandi ensemble. Ils commencent par des jams interminables dans un garage à Ben Arous, se séparent ensuite, avant de se rassembler autour du projet Soul Bowl Vibrations. Puis, ils enregistrent et publient sur Youtube quatre morceaux sous le nom de Gultrah Sound System. Le groupe a interprété des compositions originales dans un style oscillant entre la chanson à textes, le rap et le reggae. Gultrah Sound System adopte une «musique chaude », d'influences africaines. Entre le violon – trop rare dans les groupes de reggae, les percussions, et la voix de fumeur de Halim, leur musique est un joyeux melting-pot aux textes imagés et revendicatifs. Pour le peuple, mais pas d'engagement politique partisan, à la manière du Mezzoued, style musical contestataire traditionnel tunisien d'origine populaire. Au fur et à mesure que le concert se déroulait, la foule se mettait à communier avec le groupe jusqu'à l'explosion de joie dans laquelle tout le monde se mit à chanter et à danser sans sembler pouvoir s'arrêter et au-delà des présents, c'était toute la jeunesse du pays qui nous paraissait tenter d'oublier les problèmes quotidiens et les tensions politiques.