Votre visite d'Etat en Tunisie est annoncée pour les 4 et 5 juillet de cette année.Vous étiez venu dans notre pays en 2011 quelques mois après le 14 janvier. Les Tunisiens en plein bouillonnement d'une liberté retrouvée ont hautement apprécié l'expression de votre solidarité à la Tunisie et votre confiance en son avenir. Vous l'avez fait en dirigeant socialiste et en militant. Aujourd'hui vous êtes le Président ! Vous êtes attendu afin de confirmer votre engagement et celui de la France. Mon propos ne concerne pas, malgré son importance, l'agenda des relations multiples entre nos deux pays. C'est l'objet de vos entretiens avec les autorités tunisiennes. Je souhaite pour ma part vous saisir de l'affaire Farhat Hached. Depuis votre élection en mai 2012, vous avez été tenu informé sur ce dossier par la demande que j'ai introduite auprès de S.E.M. l'Ambassadeur de France à Tunis dès son arrivée et auprès de vos conseillers à l'Elysée. La requête officielle introduite par Monsieur Hassine Abbassi, Secrétaire général de l'UGTT auprès de S.E.M. Laurent Fabius, Ministre des Affaires étrangères a magnifiquement confirmé l'appropriation de ce dossier par le peuple tunisiens et ses travailleurs. N'oublions pas de rappeler de même les démarches de M. le Député Puria auprès de vous. L'inauguration le 30 avril 2013 de la Place Farhat Hached, dans le 13ème arrondissement au cœur de Paris fut un moment important. C'est l'expression de l'hommage par la France à Farhat Hached et à son combat pour l'indépendance. Au cours de la cérémonie M.Bertrand Delanoë, M.Hassine Abbassi et moi-même avions exigé dans nos interventions que « l'Etat français reconnaisse solennellement la responsabilité de l'Etat colonial français dans l'assassinat de Farhat Hached et de son implication dans toutes les exactions commises durant la période coloniale à l'encontre du peuple tunisien de 1881 à 1956 ». Les Tunisiens de toutes tendances et de toutes catégories ne comprendront pas que vous arriviez les mains vides. En apportant les réponses tant attendues, vous serez le Président de la France, le premier qui prendra rendez-vous avec l'Histoire. Vous avez déjà franchi un pas louable avec votre discours à Alger. Je pense sincèrement que le moment est propice, ici et maintenant à Tunis, de confirmer la volonté et la décision de la France de regarder son passé colonial avec courage et lucidité. La Belgique l'a fait pour l'assassinat de Patrice Lumumba et pour ses crimes au Congo. L'Italie l'a fait pour la Lybie. L'Allemagne s'est excusée auprès des Hereros de Namibie. Le Royaume uni vient de reconnaitre ses exactions contre les Mau Mau du Kenya et de décider de légitimes indemnisations. Si le dossier Farhat Hached est devenu un symbole, il est certainement emblématique d'une époque, celle de la présence de la France coloniale en Tunisie et des luttes de libérations nationales et sociales. Dans toutes mes démarches personnelles depuis près de 48 ans, j'avais toujours dit et écrit en saisissant les autorités françaises : «Au-delà de l'affaire Farhat Hached, affaire du peuple tunisien, et des hommes et des femmes épris de liberté en France, les générations anciennes et actuelles des deux rives doivent savoir et comprendre pour construire un présent et un avenir apaisés. Ce devoir de mémoire devra être abordé avec lucidité, fermeté et responsabilité. Les Tunisiens, victimes de cette période doivent être reconnus comme tels et recevoir leurs droits moraux et matériels s'ils le décident. «L'épouse, les enfants et petits-enfants de Farhat Hached exigent tout simplement et seulement de connaitre la vérité et la réalité du déroulement des événements» Nous attendons les réponses et les dossiers depuis 61 ans. Bienvenu à Tunis Monsieur le Président. *Président de la Fondation Farhat Hached