A l'heure où de nombreuses voix au sein de la Troïka au pouvoir comme dans les rangs de l'opposition s'élèvent pour réclamer la détermination d'un calendrier électoral et raccourcir la période transitoire, la naissance de l'instance qui devrait piloter le prochain processus électoral se fait dans la douleur. Mise sur pied en mars dernier, la commission de sélection des candidatures à la nouvelle Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) n'arrive pas encore à arrêter la liste des 36 candidats qui sera soumise au vote à l'Assemblée nationale constituante (ANC) pour le choix des neuf membres de l'Instance. Jusqu'ici 24 candidatures sur 36 seulement ont été retenues. La commission a déjà fait le tri parmi les candidats issus de la magistrature, de la communication, des représentants des Tunisiens résidents à l'étranger, des spécialistes dans la finance publique, des huissiers notaires et des informaticiens. Les douze membres qui restent encore à choisir 12 représentent les enseignants universitaires, les avocats et les huissiers-notaires. La principale pomme de discorde concerne, toutefois, le choix des représentants des universitaires. Le blocage porte, dans ce chapitre sur deux noms : Kamel Ben Messaoud, maître de conférences agrégé à la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, et Chafik Sarsar professeur de droit constitutionnel à l'Université Tunis-El Manar et expert en droit international. Les représentants d'Ennahdha au sein de la commission de sélection des candidatures refusent toujours de retenir la candidature de Chafik Sarsar qu'ils jugent proche de l'opposition de gauche. Accessoirement, les représentants du parti majoritaire au sein de l'ANC mettent en avant le fait que M. Sarsar ait été membre de l'instance indépendante pour les élections qui avait organisé les élections du 23 octobre 2011. Cette instance avait été accusée de « dilapidation des deniers publics ».
Une solution de compromis rejetée Les représentants de l'opposition rejettent, quant à eux, la candidature de Kamel Ben Messaoud qui serait, selon eux, proche d'Ennahdha. « La dernière réunion qui s'est tenue le 9 juillet n'est pas parvenue à mettre fin à ces divergences sur les deux noms qui divisaient. Chaque partie a campé sur ses positions et refusé de faire toute concession », précise un membre de la commission de tri des candidatures. Et d'ajouter : « une solution de compromis qui visait à partager la poire en deux n'a pas satisfait les représentants d'Ennahdha ». Cette proposition faite par certains élus de l'opposition consistait à retenir les deux candidats dans la liste des 36 candidats définitifs (qui seront dans ce cas 37 candidats) et de demander à la séance plénière de trancher en votant soit pour le Pr Sarsar ou pour le Pr Ben Messaoud. La réunion s'est ainsi achevée sans réussir à rapprocher les deux points de vue diamétralement opposés. Pire encore : aucune nouvelle date n'a été fixée pour la prochaine réunion de la commission de tri des candidatures. Les travaux de cette commission ne sont pas à leur premier blocage. En mai dernier, le Tribunal Administratif a décidé de geler les activités de la commission de tri des candidatures au motif que certains critères de sélection étaient « arbitraires » et « non conformes à la loi » Une nouvelle grille d'évaluation a été, par la suite, retenue par la commission de sélection des candidatures à l'Instance supérieure indépendante pour les élections. Il a été convenu de maintenir deux critères, en l'occurrence, l'ancienneté dans la spécialité et l'expérience dans le domaine électoral et de renoncer à deux autres : l'âge et les compétences académiques. Mais la situation ne s'est guère améliorée : plusieurs députés ont élevé la voix pour dénoncer certaines candidatures qui ne semblent pas correspondre aux critères d'intégrité, d'indépendance et de neutralité prévus par l'article 7 de la loi sur l'ISIE. Ainsi, les députés de l'opposition ont dénoncé les candidatures de Leila Bahria, actuelle secrétaire d'Etat au ministère des affaires étrangères, celle de Houda Touzri, conseillère au ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle et du professeur Kamel Ben Messaoud qui seraient, selon eux, proches de la Troïka au pouvoir.