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« Le ralliement du Mouvement du Peuple au Front populaire fait peur à Ennahdha, car elle ne pourrait plus accuser celui-ci d'infidélité, ni d'athéisme »
L'interview prémonitoire, la dernière de Mohamed Brahmi (coordinateur général du Courant populaire e
Publié dans Le Temps le 26 - 07 - 2013


La revoici reproduite dans son intégralité
Dimanche dernier nous publiions une interview exclusive du martyr Mohamed Brahmi. Lisez le titre lancinant de cette interview ; interview dans laquelle il a aussi demandé à ce que le pouvoir dévoile l'identité des assassins de Chokri Belaïd, un crime dont il disait qu'il s'était internationalisé.
Chez les Nationalistes nassériens, les remous n'en finissent pas d'agiter leur bâtisse nouvellement et fragilement construite. Rappelons-nous qu'ils se sont présentés aux élections du 23 octobre divisés sous deux bannières : le Mouvement du Peuple et le Mouvement du Peuple Unioniste Progressiste. La fusion qui s'est opérée par la suie s'est avérée fragile, très fragile, puisque le parti unifié s'est encore scindé en deux. Son secrétaire général, notre invité, a préféré présenter sa démission, et constituer un nouveau parti qui porte le nom de Courant populaire dont le congrès constitutif se tiendra très prochainement et dont il est, actuellement, le coordinateur général, alors que l'autre député nationaliste démissionnaire, Mourad Amdouni, en est le porte-parole. En fait, les dissensions entre les Nassériens ne datent pas d'aujourd'hui, elles se sont manifestées il y a un bon moment, on en cite, notamment, celle provoquée par l'intégration du gouvernement de la Troïka par quelques figures nationalistes telles que Zouhaier Idoudi et Salem Labiadh, l'actuel ministre de l'éducation nationale, coriacement, défendu par des membres du bureau politique du Mouvement du Peuple, devenus ses nouveaux patrons, pendant que son ex secrétaire général était, carrément, contre son entrée au gouvernement. Pour lui, Labiadh a, historiquement, appartenu au courant nationaliste, mais ne l'est plus actuellement, la preuve c'est qu'il est dans l'autre camp auquel il s'oppose foncièrement. Il est clair que les dirigeants du mouvement du Peuple ne se partagent plus les mêmes conceptions, ni les mêmes jugements, ce climat très tendu rend la cohabitation impossible et précipite le divorce entre eux.
-Le Temps : est-il vrai que vous vous êtes comporté d'une manière unilatérale en annonçant le ralliement du Mouvement du Peuple au Front Populaire?
-M Brahmi : c'est absolument faux ! J'ai, tout simplement, annoncé une décision majoritaire en faveur de la réintégration du Front Populaire, ce qui était un retour au bercail. Pour que vous saisissiez mieux la question, je voudrais revenir un peu en arrière pour rafraîchir certaines mémoires, visiblement, défaillantes. Il faut se rappeler que nous avons participé, en tant que Nationalistes, à la création du Front du 14 Janvier lorsque la situation était hyper difficile ; la première réunion de ce processus s'est tenue le 16 du même mois, c'est-à-dire deux jours seulement après la fuite du président déchu. Cette réunion et celles qui ont suivi étaient organisées, clandestinement, par les militants constituant, aujourd'hui, le Front Populaire. A l'époque, même le Mouvement du Peuple n'était pas encore fondé, on participait en notre qualité de Nassériens sous l'appellation secrète « Mouvement des Unionistes Nassériens ». L'instance de Iyadh Ben Achour nous a divisés et a ébranlé notre édifice, puisque certains l'ont rejointe contrairement à nous et à d'autres militants qui y voyaient un moyen d'étouffement de la Révolution et on était, donc, parmi ceux qui ont refusé son intégration. Nous avons, alors, assumé notre rôle ou plutôt devoir pour remédier à la situation et participé à un dialogue approfondi avec les composantes du Front Populaire pour en élaborer la plateforme politique. Ce qui veut dire que nous sommes une partie authentique dans la constitution de ce Front.
-Quand est apparue, dans votre parti, la polémique relative à l'intégration du Front Populaire?
-C'était lorsque s'est posée la question organisationnelle, c'était là que des réticences ont commencé à se manifester chez quelques membres du Mouvement Populaire. Au départ, nous étions compréhensifs vis-à-vis de cette attitude et avons considéré que c'était tout à fait normal qu'il y ait divergences autour de certaines approches et de positionnement politique, vu que la scène politique était mouvante et qu'elle ne s'est pas encore achevée, et nous nous sommes engagés à respecter la décision émanant de l'instance législative du parti en date du 22 septembre 2012, et ce malgré les circonstances inadmissibles qui ont entouré cette position. Mais, nous avons poursuivi le dialogue interne à tous les niveaux organisationnels se rapportant au bureau politique, à l'instance législative, aux régions, aux sections, aux sympathisants du Mouvement en constituant la ceinture. Ce dialogue s'est approfondi encore plus après l'assassinat du martyr Chokri Belaïd qui était un grand tournant dans l'histoire du pays, ce qui a entraîné la nécessité de trancher la question de notre ralliement au Front Populaire. Ce dialogue s'est étalé sur quatre semaines successives et la mobilisation de l'instance législative qui était en session permanente, et le 10 mars 2013, c'est-à-dire un mois après cet assassinat, la décision de rejoindre le Front Populaire était prise. Le bureau politique était chargé de donner forme à cette décision, et nous avons poursuivi, officiellement, nos rapports qui, en fait, n'étaient pas interrompus, étant donné que nous n'avons, à aucun moment, abandonné notre rôle militant et nous étions présents à toutes les échéances l'opportunité d'y participer nous était offerte.
-A votre réintégration au Front Populaire, sur quoi a porté le dialogue entre les deux parties?
-Cette reprise du dialogue a porté sur la question organisationnelle. Les délégations se sont, alors, multipliées et succédées de notre côté, et le dialogue, auquel je n'ai pas pris part, était sincère, responsable et sérieux. Il était, enfin, convenu avec la direction du Front, à deux jours de la commémoration du quarantième jour de l'assassinat de Chokri Belaïd, d'organiser une conférence de presse commune pour annoncer sa réintégration par le Mouvement et la reprise de son rôle en son sein. Mais malheureusement, juste après la cérémonie de cette commémoration, le discours a changé et ont commencé les tentatives de faire revenir notre parti sur la décision du 10 mars.
-Comment vous avez réagi vis-à-vis de cette rétraction?
-Nous avons considéré que cette position était, extrêmement, dangereuse, car si le Mouvement n'était pas capable d'honorer son engagement, il ne pourrait plus jamais exécuter ses propres décisions à l'avenir, et tout parti politique qui est incapable de donner forme à ses résolutions se condamne par lui-même à son extinction. Et à partir du 15/20 mars, nous avons connu une lutte interne et un accouchement difficile au bout desquels a émergé, au sein du Mouvement, une ligne qui exerçait une pression dans le sens de la renonciation à la décision de ralliement menaçant de se retirer du parti dans le cas où leur volonté ne serait pas respectée. Et en tant que secrétaire général et responsable de l'unité du Mouvement, de sa position politique et de la mise en œuvre de sa décision organisationnelle, j'ai annoncé, au cours de la marche organisée, le 9 avril, par le Front Populaire, que notre parti a repris ses relations politiques avec ce dernier. Donc, je n'ai pas pris de position comme on l'a prétendu, mais je n'ai fait, comme je l'ai précisé plus haut, que communiquer une décision tout en précisant que ce ralliement était seulement politique et pas encore organisationnel, car pour se faire, il fallait rédiger un communiqué commun, tenir une conférence de presse, poursuivre notre rôle au sein du conseil des secrétaires généraux et des coordinations, etc. Depuis, une forte différence de points de vue s'est manifestée: activer ou bien annuler la décision de ralliement au Front. En réalité, cette question était la goutte qui a fait déborder le vase, étant donné que la polémique était, purement, politique, un conflit autour d'approches politiques, de la position vis-à-vis du pouvoir, de la manière de traiter avec l'islam politique, du rôle des Nassériens pendant cette phase. Parmi ces points de divergence, il y en a ceux qui datent d'il y a vingt ans, à l'intérieur du courant nationaliste, et ceux qui viennent d'émerger.
-Doit-on comprendre que les trois raisons avancées par l'actuelle direction du Mouvement Populaire pour justifier la suspension de son ralliement au Front Populaire, lors de la conférence de presse tenue dernièrement, ne sont que de faux prétextes ?
-Ces raisons relatives à la différenciation entre l'islam politique et la religion musulmane, la position vis-à-vis de Nida Tounes et la question de souveraineté nationale n'étaient pas des conditions mais des orientations dans le dialogue avec les composantes du Front. Et soyons clairs, les alliances se font sur la base d'une plateforme politique qui est déjà élaboré et à laquelle nous avons apporté notre contribution. Si ce que l'on demande c'est d'y préparer un appendice, je crois que, dans ce cas, il faudrait procéder à une vérification du travail politique et de l'appréhension de celle-ci. D'autre part, dans le travail de front, les gens cherchent ce qui est commun en vue de l'améliorer et non pas ce qui est différent pour obliger l'autre partie à l'accepter. Pour ce qui est de la première question, elle ne peut être tranchée au moyen d'une décision, ni en la mentionnant dans un communiqué, mais à travers l'accumulation de l'action militante et politique qui pourrait prendre des années, en ce sens que lorsque vous êtes attaché à votre religion et que vos pratiques sont progressistes, vous allez obliger les autres à respecter vos prises positions et à faire la différence entre l'islam politique et la religion musulmane. Donc, c'est niais que de croire que cette question pourrait être réglée par une simple déclaration ou un simple communiqué. Quant à la souveraineté nationale, elle a trait à la menace d'internationalise l'affaire du martyr Chokri Belaïd pour exercer une pression sur le pouvoir et l'amener à dévoiler les assassinats et leurs commanditaires. Je crois que c'est un faux prétexte, car si quelqu'un perdait un oiseau et que le tueur soit inconnu, il ne serait apaisé que lorsque celui-ci était identifié. Que dire alors d'un parti, d'une famille et d'un front ayant perdu l'un de ses principaux leaders dont l'assassin est encore inidentifié, et malgré tout cela, on ose leur demander de se taire et d'accepter le fait accompli. Un tel appel est un service rendu aux assassins et aux criminels, et je pense qu'aucun militant n'accepte de jour ce rôle. D'ailleurs, l'affaire n'est pas encore internationalisée et le sera pas en raison des complications légales. Enfin, concernant la troisième pseudo-condition touchant à la position à l'égard de Nida Tounes, ce parti qui était fondé pour recycler les Rcédistes, il faut savoir que Ennahdha a participé à la confection de ce parti. Comme elle a créée ses partenaires avant et après le 23 octobre et mis en place une Troïka, elle, actuellement, est en train d'inventer de toutes pièces ses adversaires afin de pouvoir les vaincre en toute aisance sous les titres de résidus, de forces contrerévolutionnaires, de symboles du régime déchu et de l'Etat profond et s'affichant comme étant la partie qui porte l'étendard de la révolution et du changement. Il est facile pour le mouvement Ennahdha de l'emporter sur ceux qui se sont, historiquement, liés à l'ancien régime et les acculer dans un coin, c'est pourquoi elle exagère l'importance de Nida Tounes dans le but de paraître comme étant la force de frappe, radicale, etc. Alors qu'elle ne peut pas procéder de même avec le Front en en amplifiant l'image, parce qu'elle est incapable de surenchérir sur ses composantes sur le plan militant, politique et radical, une telle manœuvre de sa part ferait d'elle le premier perdant dans l'opération politique. Donc, ni nous, ni le Front Populaire n'avons jamais traité avec les Rcédistes et ne le ferons jamais. Celui-ci est là pour limiter les effets néfastes de la bipolarisation vers laquelle tous les événements poussent entre Ennahdha et ses alliés, d'un côté, et l'Etat profond dirigé par les Rcédistes qui connaissent un nouveau titre, un nouveau rassembleur en la personne de Hamed Karoui qui serait un partenaire fidèle de Ennahdha dans les jours qui viennent.
-Donc, vous ne croyez pas en une réelle contradiction entre Ennahdha et Nida Tounes.
-Absolument pas ! D'ailleurs, je me demande pourquoi ferme-t-on les yeux sur M Hamed Karoui qui préside à la réunification des Destouriens et des Rcédistes pendant qu'on amplifie la situation de M Essebsi. J'aimerais bien savoir si le problème a un rapport avec la personne de ce dernier ou bien se rapporte à son parti, car dans le premier cas, il ne faut pas oublier qu'il était le candidat de Ennahdha à la présidence et que c'était Moncef Marzouki qui a perturbé ces épousailles. En effet, si ce n'était son intervention, s'il n'avait pas gâché le jeu, Essebsi serait, aujourd'hui, président. J'ai vu de mes propres yeux à quel point les rapports étaient intimes entre ce dernier et M Rached Ghannouchi, ce qui m'a poussé à leur demander pourquoi fomentent-ils toute cette tempête médiatique, alors qu'ils sont si familiers.
-Pourquoi, selon vous, les dirigeants de Ennahdha craignent le rapprochement entre le Front Populaire et le Mouvement Populaire ?
-Ennahdha est, furieusement, contrariée par le Front Populaire. Ces contrariétés se sont accentuées quand il était établi que le Mouvement du Peuple s'y est inscrit aussi bien politiquement qu'au niveau du militantisme. Parce qu'il lui était facile d'accuser les composantes du Front d'infidélité et d'athéisme, alors qu'elle est incapable de le faire avec notre parti, parce que ses partisans savent pertinemment bien que nous pratiquons nos rites religieux plus qu'eux. A titre d'exemple, j'ai, personnellement, fait le pèlerinage à quatre reprises, alors que certains de leurs dirigeants n'ont même pas fait ne serait-ce qu'une seule fois une « omra » (petit pèlerinage). De plus, le discours nationaliste nassérien est proche des sentiments du peuple, c'est pourquoi ils éprouvent de l'appréhension vis-à-vis de cette coalition entre la gauche marxiste et la gauche nationaliste dans le cadre d'un seul front sous le titre d'une gauche sociale affranchie, dans une large mesure, de la haute charge idéologique, qui est bien ancrée dans les soucis et les problèmes du citoyen et bien collée à ses préoccupations quotidiennes et qui exprime, sincèrement, ses attentes. Ces militants sont connus pour avoir lutté côte à côte au temps de la répression à l'époque de Bourguiba et à celle de Ben Ali que ce soit au sein du mouvement estudiantin, dans les syndicats, dans le cadre des associations des droits de l'homme... Donc, ce rapprochement entre les deux parties dérange, énormément, Ennahdha dont certains ministres ont, expressément, menacé de supprimer le Mouvement du Peuple s'il ne quitte pas le Front Populaire. Elle essaye, toujours, d'asséner un coup à ce dernier en jouant sur les quelques problèmes et contradictions se trouvant en son sein. Ennahdha est persuadée que son avenir serait assuré si jamais elle parvenait à démanteler ce rival coriace très gênant.
-Peut-on dire que la décision de se retirer du Front Populaire par la nouvelle équipe dirigeante du Mouvement du Peuple est dictée par les ténors de Ennahdha que vous avez, récemment, dénoncés et que ce dernier est, donc, infiltré par le parti au pouvoir ?
-En vérité, je ne dispose pas de détails, mais je sais qu'il existe, actuellement, un point de vue prédominant chez les dirigeants du Mouvement du Peuple refusant la confrontation avec le pouvoir quel qu'il soit à l'image de quelques nationalistes qui refusaient d'emprunter cette voie hostile à l'égard de Ben Ali et qui appartenaient à ce qu'on appelait l'Union Démocratique Unioniste. Donc, ce qui se passe, aujourd'hui, n'est que le prolongement de ce courant qui nous a rendu la vie amère par le passé. Ses adeptes estiment que l'époque des confrontations est, historiquement, révolue, ils préfèrent occuper une position qu'ils appellent « l'opposition de la marge » plutôt que d'entrer dans un conflit avec les autorités. De plus, ils ne voient pas d'inconvénient de conclure des coalitions avec ces dernières d'autant plus qu'il y a des recoupements entre eux du moins en ce qui concerne l'identité et ils considèrent que Ennahdha a un projet sociétal où ils pourraient converger sur plusieurs points et établir, éventuellement, une coopération avec elle.
-Qu'est-ce que vous reprochez à cette approche au juste?
-C'est une approche erronée que nous refusons, catégoriquement, car nous considérons que Ennahdha est un mouvement qui n'est pas indépendant mais représente le projet de l'organisation internationale des frères musulmans, un projet qui ne répond, aucunement, aux besoins des patries. Leur seul souci c'est de dominer l'Etat et se soumettre la société en vue de les instrumentaliser et servir leurs ambitions. Je reste persuadé que le projet du mouvement Ennahdha et de l'organisation internationale des frères musulmans n'est pas sociétal mais vise plutôt la conquête du pouvoir. En témoignent les deux années de pouvoir pendant lesquelles le gouvernement de Ennahdha n'a rien changé au niveau des choix économiques et sociaux et poursuit, toujours, les mêmes politiques qu'il applique d'une manière pire que l'ancienne avec une administration incompétente. Ces frères musulmans veulent mettre la main sur les richesses des pays qu'ils gouvernent et ce à travers les sociétés internationales qu'ils possèdent, et c'est ce qu'ils sont en train de faire en Tunisie où ils essayent d'acheter les terres agricoles par le biais du code des investissements et ce qu'ils appellent les « titres islamiques ». Ils comptent détruire l'ancien système bancaire et les banques nationales et les supplanter par ce système, prétendument, islamique et des établissements bancaires dont on ignore le financement, les programmes, les projets et les propriétaires. C'est pour toutes ces raisons que nous considérons que notre projet national se contredit, fondamentalement, de celui des frères musulmans, ce sont les raisons qui nous laissent nous éloigner de l'ancienne approche chère aux nationalistes du l'UDU et quitter le parti.
-Etes-vous d'accord avec ceux qui soutiennent que ce qui s'est produit en Egypte est un coup d'Etat militaire?
-Pas du tout ! Le peuple égyptien a, le 25 juin 2011, fait une révolution qui était inspirée de celle du 17 décembre 2010 de Tunisie. Il s'attendait à élire un président de la République avec lequel il passait de la dictature à la démocratie, de l'économie basée sur l'exploitation à une économie où les richesses nationales seraient réparties d'une manière équitable en faveur des pauvres. Mais malheureusement, il s'est trouvé devant une pieuvre aux ramifications internationales s'appelant l'organisation mondiale des frères musulmans dont le fer de lance en Egypte est le parti de la liberté et de la justice qui voulait s'approprier l'Etat et en faire une confrérie musulmane comme c'est le cas chez nous et ce à travers les nominations basées sur la loyauté, la destruction de l'économie nationale et l'encouragement de l'économie parallèle, le renoncement à la souveraineté nationale. Et les faits qui l'attestent sont nombreuses : le président déchu, Morsi, s'est adressé, dans une lettre, au président de l'entité sioniste, Simon Perez, en lui disant « mon cher », chose que même Anouar Sadat n'a pas faite, il a cédé les richesses de l'Egypte en préservant les avantages dont jouissait cette entité en matière de gaz naturel en le lui vendant à un prix préférentiel qui est six fois moins le prix mondial, il a planifié ce qu'on appelle le projet de Sinaï pour expatrier les Palestiniens et les y loger pour résoudre la difficulté de l'équilibre démographique en Palestine occupée. Le peuple égyptien s'est trouvé face à un pouvoir pire que celui de Moubarak, alors « Tamarrod » était né, un mouvement conçu pour rectifier le processus révolutionnaire. Il a réussi à faire descendre dans la rue plus que 30 millions, un précédent historique jamais connu auparavant, puisque aucun peuple ne s'est mobilisé aussi massivement autour de revendications politiques ou sociales. Si M Morsi et les frères musulmans étaient patriotiques, ils se seraient soumis à la volonté populaire et auraient annoncé une feuille de route exactement comme celle établie par l'armée en vue de mettre fin au pouvoir de Morsi et procéder à des élections anticipées et auxquelles ne se présentera pas ce dernier. C'était la voie indiquée pour éviter l'effusion de sang, faire aboutir la transition démocratique et renforcer le processus révolutionnaire, mais, vu leurs objectifs antinationaux et leur soif de pouvoir, ils s'y sont agrippés sans prêter la moindre attention au prix que cela pourrait coûter. Dans ces circonstances, l'armée était dans l'obligation d'intervenir, c'était son devoir de le faire pour protéger la vie des Egyptiens, et elle n'est intervenue qu'après l'ultimatum donné aux forces politiques et, en particulier, à Morsi et ses frères qui, aveuglées par le pouvoir, ont refusé de céder quoi que ce soit. Et actuellement, ils essayent de détruire l'armée en provoquant sa division comme on a fait avec celle de la Syrie avec la création de ce qu'on appelle l'armée syrienne libre. Dernièrement, on a saisi, en Egypte, un container contenant de grandes quantités de tenues militaires de l'armée égyptienne qu'on comptait, très vraisemblablement, distribuer aux partisans des frères musulmans pour donner l'impression que c'est l'armée qui les porte, ce qui donnerait lieu à une guerre civile.
-Votre nom figurera-t-il dans la liste des futurs démissionnaires annoncée par Mongi Rahoui au cas où les questions litigieuses de la constitution ne seraient pas résolues ?
-La validité de l'ANC est périmée, et j'ai annoncé cela à maintes reprises et depuis son enceinte. Cette constituante est, actuellement, prise en otage par Ennahdha et consorts, ce qui veut dire qu'on est devant deux choix : soit qu'on la libère de l'emprise de ces derniers, soit qu'on y mette fin, parce qu'elle est devenue une charge aussi bien pour l'ensemble de l'opération politique que pour le processus de la Révolution et la société. Sa dissolution est une question de temps et rien de plus. Concernant les démissions, sachez que j'en ai déjà rédigé la mienne avec M Ahmed Khaskhoussi et d'autres collègues, depuis le 16 octobre dernier, mais ces derniers ont refusé de les présenter à l'assemblée dans l'espoir de la réformer de l'intérieur. Je crois que certains députés vont rejoindre M Khaskhoussi, qui a bien fait de démissionner, dans les quelques jours qui viennent dans le cas où il n'y aurait pas de révisions radicales dans le travail de la constituante et la mentalité des députés de la majorité.
-Etes-vous optimiste quant aux résultats de la commission des consensus ?
-Je ne le pense pas, car on avait l'opportunité de parvenir à des consensus très importants dans le cadre du dialogue national organisé par l'UGTT, la LTDH, l'Instance Nationale des Avocats et l'UTICA. Mais malheureusement, après quarante heures de débats, on n'est arrivé à aucun consensus concernant les points litigieux ; et je suis persuadé que la substitution du dialogue national par la commission des consensus est un complot dévoilé pour gagner du temps, imposer le fait accompli et extorquer les députés. Cette commission est mise en place pour simuler une volonté de rechercher des consensus faute de quoi les questions seront tranchées devant l'assemblée générale. Et c'est là où réside le danger, car y accéder avec une constitution aussi minée et comportant plusieurs imperfections c'est semer la discorde à tous les niveaux au sein de la société. Le vrai consensus doit ce conclure de l'ANC, parce qu'on voit mal comment un otage peut trouver de solutions.
Interview réalisée par Faouzi KSIBI


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