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Le scénario égyptien est-il transposable en Tunisie ?!
Publié dans Tunisie Numérique le 08 - 07 - 2013

Le renversement de situation opéré en Egypte par l'institution militaire suite à un long et vaste mouvement populaire de contestation partage les observateurs et les hommes politiques tunisiens. La ligne de divergence est empreinte de relents strictement idéologiques et nourrie de motifs purement politiques de repositionnement. Une nouvelle course au leadership, un nouvel épisode de bras de fer, un nouveau vacarme de cris d'orfraies, sur fond de bouleversement égyptien. Déjà les sabres argumentaires sont bien acérés et bien brandis. Deux camps se démarquent et s'opposent, le duel est dans la dualité. Encore une guerre de tranchées, encore un sujet de bipolarisation.
Est-il fortuit que la droite tunisienne, Ennahdha et ses satellites, accorde tout son appui au président déchu Morsi, tombe à couteaux tirés sur l'institution militaire égyptienne, l'accusant de coup d'Etat et d'atteinte à la légitimité électorale ? Ce n'est aucunement une position de principe mais une posture idéologique en soutien d'un allié stratégique chassé du pouvoir. Toute autre position d'Ennahdha aurait été en contradiction avec sa ligne. En revanche, le camp adverse, l'opposition tunisienne, à des nuances près, a développé une approche différente sinon antinomique et a appuyé le peuple égyptien dans ses revendications. Donc, encore une fois, le combat majorité/opposition a quitté les arcanes de l'ANC pour faire de la place publique une nouvelle arène. Une nouvelle épreuve de force à coups d'arguments et d'interprétations.
A un certain niveau d'analyse, le contexte actuel égyptien a fait défiler la classe politique tunisienne dans toute sa nudité. La destitution de Morsi a fait tomber les dernières feuilles de vignes et a montré les vrais visages. Les affinités idéologiques ont prévalu sur toute autre grille de lecture.
L'onde de choc du bouleversement égyptien atteindrait-il la Tunisie?!
Pour nombreux, il s'agit juste de vœu. Pour d'autres, le remake est impossible. Les deux affirmations alimentées par des sentiments contraires et non par des analyses approfondies. Juste des professions de foi motivées par la crainte ou par l'espoir. Rien à se mettre sous la dent. La situation tunisienne est à la fois similaire et différente pour moult raisons. Des facteurs d'accélération côtoient des forces d'inertie. Donc, le scénario égyptien est à la fois transposable et non exportable.
Points de similitude :
- Le même projet de société : A terme, aussi bien Ennahdha que les frères musulmans se nourrissent du même creuset idéologique et cultivent le projet d'islamiser ou de ré-islamiser la société. Autrement dit, en déconstruire le modèle en vigueur (bourguibien En Tunisie et nassérien en Egypte) pour en établir un autre plus conforme aux standards islamiques. Un Etat islamique sur les décombres de l'Etat national. Leur projet est articulé autour d'un agenda beaucoup plus islamiste que démocratique.
- Légitimité électorale en déconfiture : L'effritement, voire la remise en question, de cette légitimité est une donne imparable dont les deux gouvernements ont longtemps souffert. Si le front adverse égyptien a trouvé le moyen de mobiliser une bonne partie du peuple pour rendre caduque cette légitimité, l'opposition tunisienne a échoué complètement dans l'entreprise.
- Intégration de l'Islam politique : En Tunisie comme en Egypte, le peuple a offert, sur un plateau, le pouvoir à l'Islam politique. Ce dernier étant intégré en tant que partenaire et non plus en tant qu'adversaire ou ennemi. L'Islam politique a été socialisé, devenu acteur de la vie politique et de la construction démocratique. Cependant, Ennahdha et les frères musulmans ont dilapidé ce capital.
- Les maitres faucons : Au sein d'Ennahdha comme pour les frères musulmans, les faucons tiennent de main de fer le parti et imposent leurs vues, empêchant toute évolution intrinsèque et toute tentative de gommer les paradoxes internes. Le parti reste l'otage d'une vision et d'une méthode de gouvernance à contre-pied de l'histoire et de la dynamique sociale.
- Dérive vers l'Etat-parti : Ennahdha et les frères musulmans s'évertuent à enraciner la culture Etat-parti et à reproduire, à l'identique, le système déchu. La main basse sur l'appareil de l'Etat où les critères de nomination sont basés essentiellement sur la loyauté partisane et l'inféodation politique et idéologique. De part et d'autre, l'administration a été phagocytée et cannibalisée.
- Organisation interne : Ennahdha et les frères musulmans appuient leur parti sur une organisation centralisée, hiérarchisée, monolithique, pyramidale, presque stalinienne et une discipline interne de fer. S'il y a divergence de points de vue, c'est toujours en interne, jamais en dehors des murailles du parti. En externe, l'image doit être celle d'un parti uni, homogène et solide. C'est toujours la logique « intra-muros » qui cimente l'organisation. Une forme typique de ghetto intellectuel. Cette sorte de conditionnement a imprégné les réflexes des grandes figures qui semblent imperméables au débat dialectique et contradicteur dialogue et prompts à communiquer beaucoup plus entre eux qu'avec les autres. Ils s'écoutent eux-mêmes beaucoup plus qu'ils écoutent l'autre voix.
- Incompétence de l'élite : L'échec du gouvernement est le signe distinctif des deux gouvernements. L'élite de chaque parti désignée au gouvernement a prouvé sa médiocrité et son inaptitude: Crise sociale, chaos économique, prolifération de la violence, insécurité, impunité des milices, politique d'exclusion, les atteintes aux libertés, soumission de l'appareil de justice, invasion des articulations de l'Etat, volonté d'éterniser la période transitoire, d'étouffer la justice transitionnelle et de diviser et d'opposer les citoyens entre musulmans et non musulmans, se présentant comme la voix de Dieu sur terre et le représentant exclusif de l'Islam. De part et d'autre, le bilan est sombre, le constat est unanime et sans détour.
Points de différence :
- Poids de l'armée : L'emprise militaire est beaucoup plus pesante en Egypte et plus agissante dans sa sphère politique qu'en Tunisie où l'armée nationale en a été longtemps marginalisée et ostracisée, se limitant à un rôle plus républicain et absolument neutre. Les pesanteurs militaires sont différentes dans culture, l'histoire et la conscience de la population.
- Nature du gouvernement : A l'inverse de l'Egypte où un seul parti mène la barque, en Tunisie c'est une coalition gouvernementale (la Troïka) qui commande. C'est un élément très important pour casser toute focalisation sur un seul acteur.
- Rôle de la classe moyenne : En Tunisie, la classe moyenne est plus importante et plus vaste, donc capable de mieux résister à la flambée du coût de la vie.
- Impact de la classe politique : Contrairement à l'Egypte où la classe politique est pus éminente, plus présente, au discours plus mobilisateur, avec des vrais leaders d'opinions, la classe politique en Tunisie est effritée, enlisée dans la course au leadership et la bataille d'egos. Ce constat est plus tangible dans la mouvance de gauche.
- Densité syndicale : De par sa tradition, sa stature et son histoire, le mouvement syndical est plus enraciné, plus mobilisateur, plus agissant et plus décisif en Tunisie qu'en Egypte où le levier syndical est manifestement moins fort et ne s'appuie pas sur la même culture de militance et le même héritage de partenaire social incontournable.
- Poids de la sécularisation : En Tunisie, comparativement à l'Egypte, le front moderniste et séculier est plus fort, plus ancré. La mouvance laïque est plus présente. En Egypte, les forces de gauche n'existent pas autant qu'en Tunisie. Parallèlement au parti frères musulmans, les principaux courants de l'opposition sont plus ou moins d'obédience islamique. Il n'y a aucun parti politique en Egypte dont le programme ne comporte pas une clause portant application de la « Chariâa ». Il y a des hommes laïcs en Egypte mais de partis séculiers.
- Séparation des pouvoirs : Si en Tunisie, le principe de séparation des pouvoirs est bien visible, du moins dans le texte, quoique dans la pratique, il bat de l'aile, en Egypte, le président Morsi a accaparé tous les pouvoirs, sans exception ni partage, fragilisant sa position et cristallisant du coup toutes les banderilles de l'opposition. En quelque sorte, sa bourde mortelle, entre autres.
Maintenant, compte tenu des points de similitude et de différence ci-dessus mentionnés, la question se pose d'elle-même: Le scénario égyptien est-il possible en Tunisie?!
D'abord, trois constats à dresser avant de tenter un début de réponse:
1- Contrairement au peuple égyptien qui semble plus réactif aux manifestations organisées, le peuple tunisien n'est performant que dans la réaction spontanée. Quelque part, le tunisien n'aime pas trop être mobilisé mais préfère agir de son propre chef. Pour preuve, les plus grands rassemblements de tunisiens, enregistrés lors du 14 Janvier 2011 et aux funérailles de Chokri Belaid, étaient marqués par le sceau de la spontanéité. Les plus grands partis politiques, en termes de base populaire, Ennahdha et Nida Tounes n'arrivent pas à mobiliser, sur le terrain, un nombre qui soit représentatif de la taille de leurs électeurs et sympathisants. Ce constat suggère peut-être des motifs culturels.
2- A première vue, la réaction au vitriol d'Ennahdha, à forte charge idéologique, suinte la crainte d'un tel scénario. Leurs alliés objectifs sur le terrain, à savoir les milices LPR, ont brandi ouvertement la menace de combattre, par la force, toute velléité de dénoncer la légitimité. Ce qui laisse penser que, dans leur esprit du moins, le scénario égyptien n'est pas inenvisageable. On ne monte pas sur ses grands chevaux pour des broutilles! On donne l'impression que la légitimité, élevée en ligne rouge, est un acte d'allégeance indéfini, un chèque en blanc permanent alors qu'elle n'est qu'un contrat limité dans le temps et dans l'espace, un arrangement ad hoc.
3- La classe politique tunisienne s'enlise dans une bataille de concepts pour définir la nature de la déposition forcée de Morsi sans trop prendre la peine et le temps d'en tirer les bons enseignements. Putsch militaire ? Soulèvement populaire ? Second souffle de la révolution ? La réponse est nettement moins importante que la leçon.
Compte tenu de ce qui précède, toute réponse est forcément une forme d'hypothèse, une présomption beaucoup plus qu'une vérité, une interprétation par défaut, résiduelle, plutôt qu'un scénario tangible. Le résultat analytique n'est pas évident tant les causes de reproduction d'un tel scénario font face à divers tampons d'amortissement.
Le peuple égyptien a atteint un tel stade d'aversion à Morsi que le besoin d'en finir était devenu irrépressible, incompressible. Le besoin en est-il de même en Tunisie. En outre, les manifestants égyptiens faisaient bloc derrière une seule revendication, à savoir « Elections anticipée ». Dans l'hypothèse tunisien, quel mot d'ordre serait-il en mesure, le cas échéant, de mobiliser les tunisiens? Il est incontestable que les mêmes causes existent, de part et d'autre, comme signalé ci-dessus, mais est-ce que le peuple tunisien est-il arrivé au même point de dégoût et de rejet? Voilà la véritable question! Maintes forces d'inertie et de facteurs de résistance militent à l'impossibilité du scénario égyptien. Mais le postulat selon lequel « les mêmes causes donnent les mêmes effets » conserve de beau reste et laisse la porte grande ouverte au scénario en question.
Si la Tunisie bascule dans le scénario égyptien, ce serait dans un mouvement spontané, sans leader ni cadre, une expression populaire fulgurante, impromptue et sans timing. Entre signer une pétition et squatter la rue, joindre l'acte à la parole, il y a un grand pas que nombreux hésiteraient à franchir au moment opportun. Donc, le nombre de signataires et de pétitionnaires au mouvement tunisien « Tamrrod », aussi grand qu'il soit, n'est pas d'une grande signification pour anticiper sur le nombre des sit-inners. Toujours le même contre exemple, en l'occurrence les funérailles de Chokri Belaid, tout le monde était au cimetière ou à la rue car tout le monde s'était senti concerné. Rien n'était organisé à l'avance mais tout le monde était là. Donc, la spontanéité a été toujours la marque tunisienne dans la réussite d'une manifestation populaire.
Incontestablement, le terrain tunisien est suffisamment miné par des problèmes d'ordre politique, économique, social et culturel, le risque de basculement est donc bien patent. Le pays est au bord de l'explosion. Le scénario égyptien n'est pas une vue de l'esprit mais bien un schéma possible. Le problème c'est qu'aussi bien à la majorité qu'à l'opposition, rien n'indique que la leçon égyptienne soit tirée et apprise, la classe politique est plutôt otage de ses vieux démons, écartelée entre les signes d'affolement et les appels à la réaction. Rien que de professions de foi. On dégage en touche ou on tacle par derrière. D'une part, le bouleversement égyptien ne semble pas avoir impacté le déroulement de l'agenda national, rien n'a changé à l'ANC comme au gouvernement. D'autre part, les appels contre la loi d'immunisation de la révolution ou pour la dissolution de l'ANC n'ont pas trouvé une masse critique d'adhérents. Chacun reste coincé dans sa logique, dans son camp et dans son rôle.
Dix jours après l'effervescence égyptienne, la rue tunisienne reste d'un calme olympien même si dans les bas-fonds de la société la grogne ne bat pas de l'aile. Le tempo plutôt paisible annoncerait-il la tempête ? Il est admit que tout pourrait exploser d'un moment à l'autre et le cas échéant tout le monde, de la majorité à l'opposition, sera ramassé à la petite cuillère. La déferlante bruit, ce n'est qu'une question de temps. La Tunisie respire un air pitoyable où les dépositaires de la vérité, de tous bords, prisonniers de leurs certitudes, rivalisent d'acrobaties et d'écrans de fumée.


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