Le sit-in hebdomadaire d'hier relatif au dossier de Chokri Belaïd, auquel vient s'ajouter celui de Mohamed Brahmi, n'était pas comme à l'ordinaire, ni par le nombre, ni par les slogans. En effet, les manifestants venus très nombreux ne se sont pas rassemblés pour réclamer la découverte de la vérité, vu que cette vérité est, dorénavant établie grâce à la fuite de différents documents dont, notamment, celui émanant de l'une des plus grandes agences d'espionnage au monde, qu'est la CIA. C'est pourquoi la réclamation majeure de ce rassemblement consistait à traduire devant le juge d'instruction de Ali Laârayedh ; il s'agissait, en fait, de la concrétisation de la décision prise par la commission politique du Front de Salut National réunie la veille. Lors de cette réunion, un seul point était à l'ordre du jour : l'incrimination du gouvernement dans l'assassinat des deux militants Belaïd et Brahmi. Cette journée de manifestation exceptionnelle était sous la bannière : « pas de légitimité pour un gouvernement impliqué dans les assassinats ». Manipulation des salafistes Les différents dirigeants des composantes du Front ont invité la foule à tenir bon et à redoubler de volonté tenace pour que ce projet commun se concrétise et l'exhortée à soutenir tous les autres mouvements de protestation pacifique en soulignant que si les Tunisiens ne prenaient pas conscience de la gravité de la situation et de la nécessité de s'inscrire dans cette voie de militantisme, le projet obscurantiste risquerait fort de conforter sa position. Mais, ils se voulaient rassurants en affirmant que les forces progressistes et démocratiques finiront par l'emporter. Zouhaier Hamdi, le successeur de Mohamed Brahmi à la direction du Courant Populaire, a affirmé que dès le premier jour de l'assassinat du martyr, ils étaient convaincus, au sein de leur parti, que la vérité ne correspondait pas aux thèses que les responsables politiques ont avancées et impliquant des organisations salafistes à l'image de « Ansar charia ». Et même s'il existait quelques indices rendant plausibles cette incrimination, ces derniers n'étaient maîtres ni de leurs actes, ni de leurs décisions, prétendait-il, car ils sont infiltrés par des organes internes et externes, ce qui veut dire que les choses sont très compliquées et très complexes. Il a ajouté que le ministère de l'Intérieur avait en sa possession de vérités sur les deux assassinats et qu'il s'obstinait à ne pas divulguer donnant par là la preuve qu'il disposait des dossiers comme bon lui semblait qu'il refusait d'employer pour approfondir les investigations et dont il usait en fonction de son agenda politique et les intérêts d' Ennahdha. « C'est pour toutes ces raisons que nous étions persuadés, depuis le départ, qu'il n'y aurait pas de prémisses de vérité dans les instructions en vue de dévoiler les assassins du 6 février et du 25 juillet et leurs commanditaires », a commenté Hamdi. Le procès de la conscience Ce sit-in a coïncidé avec d'autres observés devant le palais de justice de Tunis et devant d'autres tribunaux de première instance dans les régions pour protester contre la comparution devant le juge d'instruction des trois membres-dirigeants de l'Union Nationale Syndicale des Forces de Sécurité Intérieure, à savoir le secrétaire général, Montassar Matri, le porte-parole, Imed Haj Khlifa, et Sahbi Jouini, le responsable juridique. Cette comparution intervient suite à la divulgation de leur part de vérités accablantes aussi bien pour des officiers du ministère de l'intérieur relativement aux deux assassinats que pour un certain nombre de juges impliqués dans des actes terroristes et pris en flagrant délit par les agents de l'ordre. En plus de ce procès fomenté de toutes pièces contre eux par le ministère public qui applique à la lettre les instructions du pouvoir exécutif, ces braves et honnêtes syndicalistes font encore une fois l'objet de critiques de la part de magistrats. Après le Syndicat des Magistrats Tunisiens (voir notre article du 14 septembre dernier), c'est au tour de l'Association des Magistrats Tunisiens de dénoncer les déclarations faites par le syndicat des forces de l'ordre, puisque sa présidente, Kalthoum Kennou, a expressément dit qu'il ne leur revenait pas de rendre publiques des vérités incriminant des juges et que cela relevait des tâches du corps de la magistrature.