Le film de fiction tourné en 2012 met en lumière les difficultés auxquelles la société tunisienne fait face pour sortir de l'étouffement politique de la dictature. Le jeune réalisateur Homeïda Behi s'est rendu à Cordoue pour présenter son premier long-métrage « Nesma » (2012) avec la participation de l'actrice Aure Atika ; un thriller qui recrée l'ambiance étouffante et sombre qui règne aujourd'hui dans la Tunisie postrévolutionnaire. Le film a été tourné pendant l'été après les émeutes dans le pays ; pourtant le réalisateur ne traite pas directement les évènements, mais il s'en sert dans le film comme toile de fond. “Υ travers une histoire de fiction, j'ai voulu montrer l'atmosphère de peur et de paranoïa qui est toujours présente dans le pays après 50 ans de dictature”, expliquait Behi dans le débat organisé après la projection du film. Le film suit un couple d'agents immobiliers, Youssef et Claire, qui habitent dans la banlieue nord de Tunis après la révolution et qui cherchent notamment à louer une grande villa appelée Nesma. Leur vie facile et confortable est interrompue le jour où un homme usurpe l'identité de Youssef afin de puiser dans ses comptes bancaires. Υ partir de ce moment, la grande villa sera le théâtre d'évènements sombres qui commencent à menacer leur stabilité. Cependant, la villa sera aussi témoin d'une lueur d'espoir incarné par la présence de deux enfants, la fille et le fils de la travailleuse domestique de Youssef et Claire. Ces deux personnages, les enfants, qui semblent complètement étrangers aux évènements qui ont lieu autour d'eux, représentent à travers leur naïveté et innocence, la nouvelle génération des jeunes tunisiens qui ont, entre leurs mains, l'opportunité de changer la société et de ne pas commettre les mêmes erreurs que leurs parents. Pour les personnages principaux, au contraire c'est peut-être déjà trop tard pour la rédemption, comme disait Behi en parlant du film : “personne ne sort indemne après 50 ans de dictature, on a tous des cadavres dans le jardin”. La chaleur, les écrans de fumée et l'apparente densité de l'air dans les rues de Tunis recréent à la perfection, la situation angoissante dans laquelle une société vit sous une dictature, où tout le monde a peur et se méfie de tout ce qui se passe autour de lui : d'une voiture garée en face de chez toi ou d'une personne qui suit tes pas. “Malgré la révolution, la sensation d'asphyxie est toujours présente en Tunisie, c'est comme si nous avions vécu dans un film noir pendant des années, et ce n'est pas facile de s'en sortir”, expliquait Behi à l'occasion des « Apéros de cinéma », des rencontres conviviales entre cinéastes, journalistes et public, également organisés par le Festival du cinéma africain de Cordoue (FCAT). Dans le débat, le réalisateur a mis l'accent sur la difficulté provoquée par le processus de régénération politique et sociale qui vient juste de commencer : “on voit une lumière pointer à l'horizon, mais le chemin à parcourir est encore long”.