Un nouveau classement des 100 meilleures universités africaines vient de confirmer la dégradation du système de l'enseignement supérieur tunisien. Selon ce classement établi par University Web Ranking, une fondation du groupe Thomson Reuters, seulement trois universités tunisiennes figurent parmi les 100 meilleures en Afrique. Pire encore, ces établissements universitaires tunisiens ne commencent à apparaître dans ce classement qu'à partir de la 88ème position, grâce à l'Université de Sousse (88ème). L'Université Tunis-El Manar arrive à la 89ème place et, enfin, l'Université de la Manouba se situe au 92ème rang. Dans ce classement établi sur la base de plusieurs critères, dont notamment la qualité et la quantité des publications (thèses de doctorat, mémoires et revues scientifiques) et la présence des établissements sur les moteurs de recherche, la palme revient aux universités égyptiennes et sud-africaines. Les établissements de ces deux pays se partagent exclusivement les 10 premières places. L'Université du Caire occupe ainsi la première marche du podium, devant celles de Cape Town et de Pretoria en Afrique du Sud. L'Université de Mohamed-V de Rabat (16ème) arrive à la première place à l'échelle des pays du Maghreb. Elle est suivie de loin de l'Université de Constantine (27ème, Algérie) et de l'Université Abou Bekr Belkaid Tlemcen (35ème, Algérie). Une université libyenne, en l'occurrence la Libyan International Medical University, est, par ailleurs, mieux classée que l'ensemble des universités tunisiennes. Faits très remarquables: des universités de pays classés extrêmement pauvres selon les critères d'évaluation du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale comme le Botswana ou encore le Bénin son mieux classées que les établissements tunisiens. Outil de propagande S'il est vrai qu'il est souvent reproché au classement publié chaque année par l'University Web Ranking de favoriser systématiquement les établissements anglophones, il n'en demeure pas moins que l'Université est devenue depuis plus de deux décennies l'homme malade de la Tunisie. Sous le règne de Bourguiba, l'éducation a été érigée en priorité nationale. L'objectif de l'Etat était alors d'éradiquer l'analphabétisme. L'essentiel était d'apprendre à lire et à écrire mais le plus important avait été négligé. On n'apprenait pas aux élèves de comprendre, réfléchir, questionner, critiquer, analyser et synthétiser... Cela n'avait pas pourtant empêché l'Université tunisienne de produire des milliers de têtes bien faites. D'autant plus que l'accès à ce cycle de l'enseignement était limité et sélectif en raison notamment du manque de moyens de l'Etat. Avec l'arrivée de Ben Ali au pouvoir, les objectifs quantitatifs qui visaient à produire de belles statistiques nécessaires à l'opération de marketing du vrai faux «miracle tunisien» l'ont emporté sur les aspects qualitatifs. La politique de démocratisation de l'éducation qui a été étendue à tous les niveaux de l'enseignement (primaire, secondaire et supérieur) a été utilisée comme un instrument de propagande politique. La plupart des doyens des universités et des instituts étaient d'ailleurs nommés seulement sur la base de leur appartenance au Rassemblement Constitutionnel démocratique (RCD). Conséquence : durant les vingt trois années de règne de Ben Ali le nombre des diplômés du supérieur a explosé, mais le niveau des apprenants s'est gravement détérioré, ce qui a abouti à une forte inadéquation entre les compétences des diplômés et les besoins réels du marché de l'emploi. Selon les estimations des experts, moins de 30% seulement des jeunes diplômés tunisiens à la recherche d'un emploi disposent des compétences requises.