Ce qui peut arriver de plus triste dans un pays quelconque, c'est la « banalisation » de la médiocrité. Quand on parle pour ne rien dire, quand on regarde pour ne pas voir et quand on entend sans écouter, c'est le signe que l'intelligence et l'intelligence souffrent les martyres. Comment en sommes nous arrivés là ! La Révolution a été annoncée pour déstructurer « l'ancien » supposé être « mauvais » et construire le meilleur ! Or, aujourd'hui, en dehors du pouvoir de commandement arraché à la dictature, pour tout le reste ou presque, les citoyens auraient été bien plus heureux de garder « l'ancien » avec des réformes et des correctifs efficaces étudiés, planifiés et suffisamment générateurs pour améliorer la qualité de la vie des citoyens. Toutes celles et ceux qui croyaient que la « Révolution » allait pleuvoir des « miracles » pour changer leurs conditions de vie et d'existence commencent à déchanter. Nous savons qu'en disant cela aussi crûment nous pouvons récolter tous les superlatifs éphémères et fallacieux du genre « contre révolution » etc... etc.... C'est le délire des incapables ! Pourtant, les philosophes, politistes et surtout ceux qui avaient en plus de l'étoffe académique, une expérience politique de l'exercice du pouvoir, nous ont prévenu depuis la nuit des temps et de la Grèce antique, que les « révolutions » et autres « insurrections » qui n'arrivent pas à maturité pour reconstruire sur l'ancien, et qui se contentent de détruire au nom de l'idéologie et autre sacralité d'idées et de croyances, vont à leur perte parce qu'elles sont porteuses de l'anarchie, du néant, et parce qu'elles remplacent « l'effort » créateur par l'immobilisme et la banalisation du laisser-aller et de la médiocrité. Il reste évident que dans la foulée de la « dépression » révolutionnaire des premiers jours et des premiers mois, on ne peut empêcher les dérives et les laves de l'irrationnel et les foudres de la tempête qui gagnent la rue, les cités et même les campagnes pour culpabiliser l'ordre ancien et balancer des rêves. D'Aristote, à Machiavel, à Alexis de Tocqueville, tous ces auteurs politistes de grand calibre ont redouté la « rue » parce qu'elle est passionnée et passionnelle. La manipulation idéologique et religieuse, qui vise à instaurer le nouvel ordre de la « liberté et de la justice » finit, s'il n'est pas suffisamment contrôlé et orienté vers la construction, par emporter la « raison » et avec elle, la justice et la liberté elles mêmes. C'est pour cela que dans l'ordre des priorités humaines, tous ces auteurs et leurs adeptes, mettent en premier lieu, la sûreté, la sécurité et la discipline sociale sur la liberté et la justice. La Tunisie, qui a toujours été assez « raisonnable » parce que justement, elle n'a pas beaucoup de ressources naturelles, a saisi, à travers sa longue histoire et à travers une intelligence presque instinctive du « populaire », le message, à tel enseigne que quelques années après l'indépendance, nos élites gouvernantes ont compris qu'il fallait remodeler l'emblème de la nouvelle République pour valoriser la « discipline » (Ennidham) sur la justice « reléguée » en troisième position dans la hiérarchie des valeurs. Aujourd'hui, dans l'euphorie post-révolutionnaire nos idylles ont ajouté la « dignité » à l'emblème, pour affirmer de nouvelles exigences légitimes, des catégories sociales marginalisées et démunies. Mais, il fallait donner encore plus de présence à la discipline collective et au respect des « devoirs » parce que justement, on ne peut pas réaliser la « dignité » sans effort et sans travail assidu. Croire que la croissance va nous tomber du ciel et qu'il suffit de l'institutionnaliser dans les chants « révolutionnaires » et la constitution, c'est exprimer une naïveté désespérante. L'expérience des peuples qui ont conduit pourtant de grandes révolutions comme la Russie et la Chine, au 20ème siècle, est là pour démontrer que la seule valeur ajoutée qui compte c'est le travail productif et la créativité. Nous disons cela parce qu'après le 23 octobre 2011 et toutes les « promesses » hallucinantes des partis, qui ont précédé l'événement, nous avons vécu et nous vivons encore et chaque jour plus dramatiquement, le délabrement systématique de toutes les infrastructures sans exception. Les villes, les cités « spécialement le grand Tunis) et maintenant les campagnes et les plages sont défigurées jour après jour dans l'indifférence et l'impuissance de tous. La médiocrité a fini par avoir raison de nous. On ne s'étonne plus et on accepte la chose comme une fatalité « révolutionnaire » ! Même les « Haj Khlouf » si défenseurs et regardants de la chose publique ont perdu la voix (Allah yarhmek ya Si Hammouda Maâli !)... nous sommes tout simplement devenus un peuple ... « banalisé » ! Pire encore, la culture de l'entretien, de l'amour de la finition et du perfectionnisme, a été mutilée par les appels au laisser-aller et au recours à l'Etat providence et ses « miracles » extra-terrestres ! L'accumulation du délabrement est telle qu'il va falloir des décennies pour la remise à niveau. Quant aux nouveaux projets dans une capitale traumatisée et sous perfusion clinique qui va héberger bientôt plus de cinq millions d'âmes... C'est tout simplement chercher la lune ! La campagne électorale qui s'annonce déjà, va certainement nous bercer par de nouvelles promesses de « paradis » terrestres en attendant les éternels. Pour ma part, un conseil : aux électeurs et électrices : Lisez bien les programmes électoraux des partis et soulignez au marqueur les promesses... Vous risquez de perdre le Nord ! Vos vrais amis, ce sont les bâtisseurs et non les idéologues ! K.G