Engoncés dans leur apathie ramadanesque et estivale, les Tunisiens, pour la plupart, ne mesurent pas l'ampleur de la mutation structurelle qu'enfante le terrorisme pour détruire la Nation. Ils croient par ailleurs que les ripostes au coup par coup, hormis les pertes et les martyrs parmi nos forces militaires et de sécurité intérieure, sont de simples incidents épars et pour tout dire, les Tunisiens n'ont pas encore le sentiment d'être entraînés dans une guerre dans les règles. Une guerre que nous déclare un terrorisme à plusieurs têtes, régional, s'étendant du Machrek jusqu'en Afrique du Nord dans l'objectif désormais avoué d'installer un « Emirat » rédempteur, takfiriste et sanguinaire. Même les faucons les plus irréductibles d'Ennahdha ne s'y reconnaitraient pas. Même les salafistes classiques (ceux en lesquels Rached Ghannouchi avait reconnu sa première jeunesse) passent pour des enfants de chœur comparés à ces « Jihadistes » encore plus fanatisés que les guerriers de Ben Laden ! Mais ce qui est tout de même frustrant dans tout cela c'est que nos politiques, les leaders des partis et ces messieurs de l'ANC, habiles à mettre les bâtons dans les roues au budget complémentaire proposé par le gouvernement (nécessité économique vitale pour recouvrer les fondamentaux budgétaires et éviter au pays une grave récession), eh bien tout ce beau monde ne sait faire que dans l'injonction, partagés entre maximalistes et négativistes. Au soir même de la dernière tragédie du Chaâmbi, Mehdi Jomaâ a solennellement engagé la responsabilité de son gouvernement. Certains commentaires un peu trop enflammés y ont vu un manque de stratégie sécuritaire, tandis que les plateaux s'ouvraient aux « théoriciens » du terrorisme, débitant des logorrhées abstraites et techniquement non vérifiables. Un syndicaliste des forces de sécurité y apportait, pour sa part, une contribution « dévastatrice » et lourde d'implications. Du côté de Carthage, on multipliait les loufoqueries dans un style lyrique romancé et mièvrement pathétique ! Et, pourtant, jamais comme par le présent, avec un noyau aussi performant qu'est la cellule de crise présidée en personne par Mehdi Jomaâ, la coordination entre armées et forces de sécurité intérieures n'a été aussi harmonieuse. Un réseautage dense se déploie sans relâche ce qui a permis de faire échec à pas moins de neuf opérations terroristes d'envergure durant le mois de Ramadan et l'Aïd. Sans doute le secret-Défense, immuable dans tous les pays du monde ne saurait être divulgué. Là, c'est la raison d'Etat qui prime. Il reste que Daëch, l'Aqmi et Ansar Al Chariaâ, avec leurs chefs de guerre d'origine algérienne, leurs armes sophistiquées libyennes et des fonds venant du Golfe, cherchent à installer un « Emirat » dont l'épicentre ne peut-être, à leurs yeux, que la Tunisie, pays du Printemps arabe. La symbolique y joue aussi...