Le ministère des Affaires sociales a lancé les préparatifs en vue de mettre en place un «identifiant social unique » destiné à orienter le soutien de l'Etat vers les catégories sociales les plus vulnérables. Selon des sources bien informées au sein du ministère, le recours à cet identifiant social unique se situe dans le cadre du vaste chantier de la suppression des subventions aux produits alimentaires et énergétiques et de la réallocation du budget réservé à cet effet aux transferts sociaux directs. D'autant plus qu'il permet un meilleur ciblage des couches sociales nécessiteuses en matière d'octroi d'aides. Dans cette optique, les diverses couches sociales seront classées en plusieurs catégories en fonction du niveau de leurs revenus : classe extrêmement pauvre, classe pauvre, classe moyenne basse, classe moyenne, classe moyenne haute, classe riche... etc La mise en place de l'identifiant social unique répond aux requêtes formulées à plusieurs reprises par les bailleurs de fonds auxquels Tunis fait aujourd'hui appel pour boucler le budget du pays, dont la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et la Banque africaine de développement (BAD). La Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont notamment insisté sur la nécessité d'une réduction du déficit public et sur la rationalisation des dépenses engagées par l'Etat. En mars dernier, lors de l'annonce du déblocage d'une aide financière de 225 millions de dollars en faveur du pays, Min Zhu, le directeur général adjoint du FMI avait préconisé «l'adoption de nouvelles mesures budgétaires, la maîtrise de la masse salariale et la réduction des subventions énergétiques». La Banque africaine de développement a, quant à elle, recommandé dans une étude intitulée «Subventions alimentaires et aides sociales directes, vers un meilleur ciblage de la pauvreté monétaire et des privations en Tunisie» au gouvernement tunisien de trouver des solutions qui optimisent les transferts directs et les procédures de transferts sociaux. Les subventions vont actuellement aux riches Selon cette étude, 15,5 % de la population tunisienne se trouvaient, en 2011, en dessous du seuil de la pauvreté mais ne perçoivent que 12 % de l'enveloppe totale des subventions accordées par l'Etat. En effet, le Tunisien défini comme pauvre ne perçoit individuellement que 64,8 dinars par an, alors que le Tunisien riche perçoit, quant à lui, perçoit 86,9 dinars par an. Cette analyse de l'impact des subventions alimentaires et des transferts sociaux directs vers la population pauvre et vulnérable souligne ainsi que le caractère universel des subventions alimentaires nuit gravement à l'efficience de ce mécanisme de lutte contre les inégalités et la pauvreté. La BAD estime dans son étude qu'il est possible d'épargner à l'Etat tunisien des millions de dinars de dépenses qui grèvent son budget, tout en réduisant fortement la pauvreté dans le pays. L'institution panafricainenote également qu'une politique de ciblage des catégories sociales les plus vulnérables permettra d'accroître l'efficience du Programme national d'aides aux familles nécessiteuses (PNAFN) pour un moindre coût. Recourir à cette approche pour les transferts directs permet de plafonner le taux de pauvreté extrême à 1,5 % (contre 4,6 % actuellement), avec un budget pour le PNAFN réduit de moitié. Dans le cas où le budget du PNAFN demeure inchangé, la pauvreté extrême est éradiquée et le taux de pauvreté abaissé à 8 % (contre 15,5 % en 2011). Les ménages souffrant d'extrême pauvreté percevraient alors 2 526 dinars par an, tous transferts confondus, soit 2 277 dinars de plus qu'aujourd'hui. Le fait de transférer au PNAF l'intégralité du budget réservé jusqu'ici aux subventions et en l'utilisation des nouvelles méthodes de ciblage, entraînerait des résultats spectaculaires : la pauvreté extrême en Tunisie serait éradiquée (avec un taux de 0 %) et le taux de pauvreté réduit à 4,1%. En supprimant les subventions sans recourir à un système de ciblage, la Tunisie s'expose à une reprise des mouvements de contestations qui l'avait contrainte, en janvier dernier, à repousser des hausses des prix dans le secteur de l'énergie et de la taxation des véhicules pourtant prévues dans le budget 2014.