Figure de proue de la médecine et premier chirurgien tunisien, Saïd Mestiri a fait honneur à la profession par son sérieux et sa haute compétence, et il s'est distingué dès son retour d'Alger, là où il a poursuivi ses études de médecine, par ses grandes qualités scientifiques et humaines, et sa prédisposition à développer les connaissances dans son pays et à prodiguer ses conseils aux futurs médecins tunisiens, dès qu'il entama sa carrière de chirurgien des hôpitaux de Tunis en 1951, puis notamment lorsqu'il occupa les fonctions de chef de service à l'hôpital de la Rabta en 1965. En 1970 il fut désigné en tant que professeur à la faculté de médecine de Tunis, et fit partie du premier bouquet des enseignants en médecine qui laissèrent leur empreinte à l'instar de feu Amor Chadli, Zouheir Essafi, Mongi Ben Hmida ou Hassouna Ben Ayed. Il a été toujours choisi pour les missions internationales suite à certains évènements politiques internationaux ou tunisiens. Il a été notamment désigné en tant que chef de mission médicale en 1961, au cours de la guerre de Bizerte. Ainsi que pendant les deux guerres israélo-arabes en 1967 à Suez, et en octobre 1973 à Damas. Son rayonnement dans le domaine de la chirurgie a dépassé les frontières tunisiennes, ayant été membre de plusieurs académies étrangères telles que l'Académie Française de chirurgie, l'Académie royale Belge de médecine, la Société internationale de chirurgie, la Société Egyptienne de Chirurgie, etc... La famille bourgeoise dont il était issu était nationaliste et engagée dans la vie politique et dans le militantisme contre le colonialisme ; elle comportait un militant qui fut parmi les fondateurs du parti du Destour à savoir son oncle : feu Moncef Mestiri. La pratique de la chirurgie, et son développement en Tunisie fut pour cette raison une forme de militantisme, pour Saïd Mestiri, qui était conscient de la situation qui sévissait durant l'époque coloniale, avec les exactions et les mauvais traitements que subissaient les autochtones. Il épousa également la fille d'un militant tunisien, qui fut notamment chef de cabinet et grand vizir (premier ministre) du martyr Moncef Bey et fut exilé avec un certain nombre de militants en 1952, à Remada, dans le sud tunisien Ce fut la raison pour laquelle Saïd Mestiri se consacra dès la retraite à écrire l'histoire de ce Bey qui a sacrifié son trône pour la défense de la patrie et n'a jamais voulu céder au dictat des autorités coloniales, consistant à rejeter en bloc les revendications des militants tunisiens, à savoir le recouvrement par la Tunisie de sa souveraineté. Saïd Mestiri a été profondément marqué par tous ces évènements, et avait consacré également un ouvrage à son oncle Moncef Mestiri précité. Cet ouvrage intitulé « Moncef Mestiri , aux sources du Destour » a été préfacé par André Nouschi, professeur d'histoire contemporaine lequel observait, entre autres : « Le professeur Saïd Mestiri m'a demandé de préfacer la biographie qu'il a rédigée sur son oncle Moncef, Saïd Mestiri confesse qu'il n'est pas un historien et qu'il veut rapporter ce qu'il sait et ce qu'il a appris tout au long de sa vie à travers ses conversations avec l'oncle. En réalité ce qu'il a écrit témoigne d'un vrai tempérament d'historien qui vérifie, compare comme n'importe lequel d'entre nous. Sauf qu'en la matière, il rapporte les propos d'un homme et d'une famille très engagés dans la vie politique de leur pays du début du protectorat à l'indépendance de la Tunisie ». Son frère Ahmed Mestiri, avocat de formation, ayant fait ses études à la faculté d'Alger également, est en effet un militant qui fut ministre dès l'aube de l'indépendance dans le gouvernement Bourguiba, en 1956, puis plusieurs fois ministre après la proclamation de la République tunisienne. Saïd Mestiri est également le beau père de Ahmed Néjib Chabbi, et Sihem Ben Sédrine épouse Amor Mestiri est sa bru. Sa double appartenance à la famille médicale et militante, a été enrichissante aussi bien pour lui que pour son entourage. Ceux qui le connaissaient de près, se rappelleront des marches quotidiennes qu'il faisait à Radés en jogging, le pas leste, canne à la main, qu'il tenait plutôt pour la forme, car il avait, jusqu'à un âge avancé, gardé toute sa forme, son dynamisme, sa jovialité et son esprit vivace. Son nom figurera parmi les grands praticiens qui ont contribué au développement de la chirurgie en Tunisie, ainsi que les intellectuels épris de nationalisme et mus par l'amour de la patrie, qu'il tenait de ses aïeux. Paix à son âme.