Si ses cheveux noirs n'avaient pas viré au blanc, on pourrait dire qu'il n'a pas changé, Ninetto Davoli. Ses yeux pétillent toujours de cette même joie qui irisait les films de Pasolini, ses longs bras s'agitent toujours avec la même incroyable souplesse, son sourire est toujours aussi éclatant... C'est pour lui qu'il est à la Mostra de Venise, pour ce cinéaste poète, penseur révolutionnaire, qui, à compter de ce jour de 1962 où il a vu Ninetto débarquer sur cette colline de la banlieue de Rome où il tournait La Ricotta, l'a follement aimé. D'apprenti charpentier, il a fait de lui, en onze films, l'icône lumineuse de son cinéma, l'innocent aux mains pleines, l'inoubliable fils de Toto dans Uccellacci et Uccellini (Les oiseaux, petits et grands), l'ange annonciateur de Théorème, le pôle magnétique du panthéisme érotique de La Trilogie de la vie... Devenu mythe un jour de 1975, quand son corps a été retrouvé mort, roué de coups, gisant sur la plage après avoir été écrasé par sa propre voiture, Pasolini est le sujet du nouveau film d'Abel Ferrara, titré sobrement Pasolini, portrait kaléidoscopique de l'homme et de l'artiste. Un film dont la beauté plastique et la force politique concourent à en faire un candidat crédible au Lion d'or. La performance intense, mélancolique, tranchante, de Willem Dafoe, troublant de ressemblance avec son modèle dans le rôle principal, pourrait aussi être saluée par un prix d'interprétation.