« Il n'y a pas de volonté politique réelle favorable à la participation de la femme », déplore Saïda Rached, présidente de l'ATFD « Notre prochain champ de bataille à partir du 27 octobre est la réhabilitation de la femme », prévient l'universitaire Neïla Sellini « L'attachement à l'égalité ne va pas plus loin que les slogans », constate Nejla Bouriel La femme tunisienne a joué un grand rôle dans la suppression pure et simple de la notion de « complémentarité » de la Constitution. Dans le déferlement des mouvements de masses successifs à l'assassinat de Mohamed Brahmi, la femme a tenu un rôle de premier plan. Son statut d'égale de l'homme a été reconnu et officialisé par la nouvelle Constitution grâce à sa hardiesse. D'ailleurs, la Constitution appelle, entre autres, à ce que l'Etat encourage la parité dans les instances élues. Pourtant, le paradoxe c'est que peu de femmes sont têtes de listes dans les législatives. A l'exception de M'Barka Brahmi, tête de liste du Front populaire à Sidi Bouzid et des candidates de l'Union pour la Tunisie (UPT), surtout à l'étranger et certaines anciennes députés, peu de voix féminines se font entendre. Cette situation n'est pas l'apanage des partis conservateurs, on la retrouve chez ceux qui s'affichent modernistes. Saïda Rached, présidente de l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) déplore le peu de présence de femmes têtes de listes dans les élections législatives. Elle déclare au Temps : « la femme est présente à raison de 47% dans les listes de candidats présentées au suffrage universel. C'est une exigence légale, puisque la loi électorale impose l'alternance verticale. Toutefois, seules 12% des têtes de listes sont revenues aux femmes. C'est inquiétant. Ça prouve qu'il n'y a pas de volonté politique réelle favorable à la participation de la femme. Le fait de ne pas inclure la parité horizontale, en plus de la verticale, dans le Code électoral est anticonstitutionnel. La Constitution parle de la parité dans les instances élues. La prochaine Assemblée du peuple en fait partie. Il fallait insérer dans la loi électorale, la parité horizontale et verticale. Il n'y a pas de volonté politique réelle à faire participer les femmes dans la vie politique ». Pour l'universitaire Neïla Sellini, il s'agit d'un grand problème. Elle déclare au Temps : « Cette situation traduit une vision masculine dans les rapports avec la femme. La femme est utilisée dans les manifs et appelée à être présente dans les meetings et non désirable dans les postes de décision. Il faudra organiser des actions et une grande campagne de réhabilitation de la femme. Les actions militantes de la femme ont été décisives à stopper net le courant voulant en faire le complément de l'homme. Maintenant pour en récolter les fruits, la femme est ignorée. Cette situation d'infériorité se retrouve aussi bien au sein des partis modernistes qu'ailleurs. La femme est bonne à remplir des places. C'est tout. Dans les moments où elle a rencontré des problèmes touchant son statut, peu d'hommes se sont solidarisés avec elle. Conscientes du problème, notre prochain champ de bataille à partir du 27 octobre est la réhabilitation de la femme. Finie l'époque de la femme bouc émissaire. Le drame est que parmi les femmes, nombreuses celles qui sont inconscientes de leur situation. Si la femme intellectuelle n'est pas sur ses gardes, tout ce qui a été fait dans la Constitution va tomber dans l'eau ». Nejla Bouriel, engagée dans l'action politique, puisqu'elle est tête de liste de l'Alliance démocratique à Nabeul 1, considère que la place de la présence de la femme en politique demeure faible. Elle déclare au Temps : « la situation est catastrophique. Il n'y a pas de volonté des dirigeants des partis pour davantage de participation. La force de la loi est la seule voie pour l'existence de la femme dans les listes électorales. Nous avons essayé de faire passer la parité horizontale à côté de la parité verticale dans la loi électorale, les grands partis qui ont beaucoup de femmes dans leurs rangs, n'en ont pas voulu. Ça prouve qu'ils ne sont pas impliqués dans tout ce qui est en rapport avec l'égalité des femmes. L'attachement à l'égalité ne va pas plus loin que les slogans. Pour mon parti aussi, la situation est déplorable. Il y a des femmes qui n'ont pas voulu être tête de liste. J'espère que dans les travaux de la prochaine Assemblée et à l'occasion de la future loi électorale, les jeunes, les femmes et les handicapés moteurs, auront leur part. D'ailleurs, 13% des Tunisiens souffrent de handicap et ils ne sont représentés nulle part ».