La soirée tuniso-japonaise a été une rencontre exceptionnelle entre la musique méditerranéenne et la musique de l'archipel venue d'Asie. Et cette rencontre avec l'insularité s'est renouvelée le jeudi 16 octobre dernier avec le Quatuor à Cordes de l'Orchestre Philharmonique de Malte. Avec le concours de l'Ambassade de la République de Malte à Tunis, l'Acropolium de Carthage a accueilli Marcelline Agius, Klara Nazaj, Nadia Debono et Akos Kertesz pour un concert où violons, alto et violoncelle ont été les traits d'union entre deux mondes celui qu'on vit et celui qu'on invente au gré du rythme et au gré du fin filet musical tel qu'on le perçoit et le sent... Un programme varié a été interprété par le quatuor en l'espace d'une heure. Soixante minutes d'une musique aux intonations variables, oscillant entre le classique et le moderne et même le contemporain. Trois générations de compositeurs ont été mises à l'honneur. Remontant dans le temps, les artistes ont choisi le quatuor à cordes de Ludwig van Beethoven pour clore le concert. Une partition agrémentée d'ornementations et de variances tonales étoffées. De l'allegro au menuetto en passant le scherzo, le quatuor a su rendre avec justesse et précision la dimension grandiloquente de l'œuvre de Beethoven. Mais le retour au XVIIIème a été précédé par une revisite d'un répertoire plus moderne : celui de Joseph Vella et de Anton Webern. A travers les morceaux choisis, l'acuité de la note gagnait en intensité avec le jeu à la fois précis et singulier des interprètes. Enfin la contemporanéité a été l'occasion de découvrir le génie des compositeurs maltais. Une partition de Ruben Zahra dont les particularités culminent dans cet ancrage dans la tradition de la musique maltaise à laquelle sont introduites de nouvelles approches tonales. Outre Ruben Zahra, « Clepsydra » de son contemporain Christopher Muscat a été l'occasion de se laisser guider à travers les méandres d'une création musicale aux rythmes fluides et doté d'une beauté insaisissable. Ce morceau avait un goût particulier car, il a été interprété en présence du compositeur lequel a été fortement applaudi lorsqu'il a été invité par la formation à rejoindre la scène. Cette alliance d'époques différentes a mis l'assistance en présence d'un programme riche où l'évolution de la musique a été au cœur d'une histoire racontée par et grâce aux notes. Une histoire que les deux violons, l'alto et le violoncelle ont raconté avec une précision d'exécution et un talent manifeste des artistes. Ces derniers ont exploré les partitions pour en délivrer l'esthétique. Qu'elles soient dotées d'ornementations ou complexes dans leur simplicité apparente, ces partitions ont été reprises avec maîtrise et justesse satisfaisant les mélomanes présents lors de la soirée du jeudi 16 octobre. Mais l'apothéose qui a ravi le public était la Polka de Chostakovitch jouée en rappel. Cette dernière était magistralement interprétée confirmant le talent des membres du quatuor. Marcelline Agius, Klara Nazaj, Nadia Debono et Akos Kertesz ont habité l'espace de la salle des concerts pour un moment de partage sous le haut signe de la musique. A travers leur technique impeccable, les archets se sont animés et les cordes ont vibré sous les doigts experts. Sans artifice ni surcharge, le quatuor de l'Orchestre Philarmonique de Malte a été une formation harmonieuse et complice qui a su saisir la singularité de la partition pour la délivrer à des curieux venus se laisser surprendre par la grande musique...