Dur, dur, l'apprentissage de la Démocratie. Passée l'euphorie matinale sacralisant le premier vrai parlement de l'histoire de la Tunisie (après Carthage il faut le rappeler) les voix se sont faites stridentes parce que l'on était conscient, quelque part, que le processus de l'élection du Président de l'Assemblée et de ses deux vice-présidents n'aboutirait pas. Madame Samia Abbou intervenait à plusieurs reprises pour mettre la pression sur un Ali Ben Salem de plus en plus irrité par la cacophonie des interventions divergentes. Khemaïes Ksila, habitué de l'ambiance de l'hémicycle se projetait outre-mesure et répétait les appels aux « points d'ordre ». Un député a même accusé Ali Ben Salem de partialité et de ne s'être par libéré de sa casaque de Nida Tounès. Tant bien que mal on parvint à designer les membres de la commission de tri. Mais bien des députés considéraient qu'il s'agissait là de placer la charrue devant les bœufs et qu'il fallait absolument revenir au règlement intérieur, aux textes constitutifs, négligés à leurs yeux. Le fait de ne pas trancher le jour même dans le sens de l'élection du président et des deux vice-présidents, constituerait selon eux un premier acte anticonstitutionnel. Un certain moment, nous eûmes l'impression que les choses allaient se débloquer après que Ali Ben Salem eut décrété deux pauses, pour que les blocs parlementaires se concertent séparément et reviennent avec des propositions concrètes. Mais le fait est là : il y a une majorité relative détenue par Nida Tounès, puis à quelques sièges près, pas beaucoup, celle d'Ennahdha. L'un et l'autre des deux blocs, faisaient, en coulisse des appels du pied aux « arbitres » : le Front Populaire, et l'ULP sachant qu'Afek Tounès en plus de quatre antres candidats indépendants et les trois représentants le parti de Kamel Morjane s'étaient déjà publiquement alignés du côté de Nida Tounès. On a déjà parlé de tractations secrètes entre les deux plus grands partis. Ennahdha comme on le sait, voudrait que Abdelfattah Mourou soit plébiscité président de l'Assemblée, Hamma Hammami aurait, pour sa part confié, qu'il veut placer un vice-président. Sauf que Nidaa Tounès n'était pas vraiment tenté par l'élection ce jour là – son poulain étant Mohamed Ennaceur. Et d'ailleurs durant la matinée d'hier, en dehors de l'hémicycle, Taieb Baccouche secrétaire général de Nida Tounès, déclarait ouvertement que son parti conditionne l'élection du président de l'Assemblée, à l'élection présidentielle et, dans la foulée, il place la désignation d'un chef du gouvernement dans le même package. En d'autres termes, Nida Tounès pourrait renoncer à la présidence de l'hémicycle, à condition que Béji Caïd Essebsi soit soutenu pour gagner au deuxième tour. Ce sont là les enjeux. Y aurait-il des tractations des deux grandes formations dans ce sens, surtout que Beji Caïd Essebsi avait appelé Ennahdha à « clarifier sa position ». Pour sa part, hier, le mouvement de Rached Ghannouchi s'est contenté d'observer, dans une position attentiste et se faisant le moins bruyant possible. Ce qui est sûr c'est qu'il y a déjà blocage. Les conflits d'intérêts y ont contribué et si, d'aventure, la question ne sera pas tranchée jeudi ; l'Assemblée du peuple sera mal partie. Raouf KHALSI Pourtant, ça a commencé avec des vœux pieux Dans la matinée du mardi 2 décembre 2014, les couloirs désertés depuis un moment de l'hémicycle à l'Assemblée Nationale Constituante, ont retrouvé le dynamisme et la foule des premiers temps au lendemain du 23 octobre 2011.Sauf que cette fois-ci, certaines têtes familières des lieux se sont mélangées avec de nouveaux arrivés : les élus qui ont été choisis par le peuple un 26 octobre 2014. L'hémicycle a accueilli, hier, la cérémonie qui inaugure les travaux de l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Les nouveaux 216 élus ont répondu présents à l'appel lancé par le président sortant de l'ANC, Mustapha Ben Jâafar. Une étape qui marque l'achèvement d'une phase dans le processus transitoire et annonce l'avènement d'une nouvelle institution législative pérenne. Edification de la première institution législative démocrate A cette occasion, l'Assemblée a accueilli un très grand nombre d'invités d'honneur et de marque ainsi que les chefs de partis politiques, les membres du gouvernement et les représentants de la société civile. Le grand absent de cette cérémonie inaugurale était le président de la République sortant Moncef Mazrouki. Dans son discours d'ouverture, Ben Jaafar a tenu à féliciter les nouveaux élus les sollicitant à honorer leurs promesses et leurs engagements face au peuple. Il a, également, félicité les députés qui ont été réélus de nouveau. Mustapha Ben Jaafar a, ensuite, annoncé officiellement le clôture des travaux de l'ANC assurant qu'il est fier d'avoir contribué au succès de l'écriture de la nouvelle Constitution tunisienne malgré tous les blocages qui ont failli mettre en péril parfois le couronnement d'une étape cruciale de la démocratie naissante. Il a, ensuite, rappelé que, faute de temps, l'Assemblée constituante n'a pas achevé le travail sur la loi anti-terroriste. L'ambiance générale était hautement émouvante. Quatre ans après la chute de l'ancien régime, la Tunisie édifie sa première institution législative démocrate et pérenne issue des urnes. Dans son allocution, Mustapha Ben Jaafer était très ému : «C'est un moment historique où l'on édifie la première institution constitutionnelle libre et démocratique qui représente le pouvoir législatif et un nouveau régime politique». Il rajoute : «La Tunisie est aujourd'hui un Etat, un pouvoir et des institutions. Elle est, désormais, prête à franchir le cap et à avancer sereinement.». Il reconnaît que les obstacles sont multiples et que plusieurs dossiers présentent un gros poids «d'où l'ampleur de la mission qui revient aux nouveaux élus». Ils rappellent à ces derniers que les premières priorités demeurent avant tout : «l'édification de l'Etat de Droits, des libertés et de l'équité sociale». Passation du flambeau au doyen des nouveaux élus de l'ARP Mustapha Ben Jaafer a passé le flambeau au doyen des élus, Ali Ben Salem (élu de Nidâa Tounes). La passation était fortement jalonnée par une foule d'émotions. L'honneur de présider cette première séance de l'ARP revenait, donc, de droit au plus âgé des députés et à cet ancien militant des droits de l'Homme et anticolonialiste. Ce dernier, ne pouvant retenir son émotion et ses larmes, il a prononcé un discours émouvant donnant, ainsi, le coup d'envoi des travaux de la nouvelle institution. Comme le prévoit la Constitution, le président de l'Assemblée des Représentants du Peuple doit être élu durant la séance inaugurale. La loi stipule que, comme c'était le cas en, le président et ses deux vice-présidents devraient être élus à la majorité absolue des membres du Parlement tout en respectant le principe d'alternance homme-femme. Melek LAKHDAR Marzouki ignoré «Une ferme familiale» Selon Adnène Moncer Adnéne Moncer, directeur de campagne de Marzouki a mal pris la non invitation du Président provisoire. Moncer a affirmé sur sa page Facebook que le fait de ne pas inviter le président de la République à la première plénière de l'Assemblée, et une ignorance du protocole. Le fait est que nous sommes dans une « ferme familiale qui est en train d'être ressuscitée ». Jomâa appelle à parachever l'adoption de la loi de Finances 2015 Le chef du gouvernement Mehdi Jomâa a déclaré que la séance inaugurale de l'Assemblée des Représentants du Peuple fait partie de l'enracinnement de la première institution démocratique du pays dans le cadre du processus démocratique stable. Mehdi Jomâa a ajouté que les élections législatives se sont déroulées dans de bonnes conditions donnant un nouveau Parlement. Le chef du gouvernement a affirmé que la Tunisie entre dans une période de stabilité et a demandé l'accélération du parachèvement de l'adoption des lois et à leur tête la loi de finances 2015. Mehdi Jomâa a par ailleurs appelé à l'apaisement social , affirmant que la Tunisie a besoin d'apaisement et la nécessité pour tous d'être au dessus de tout ce qui divise les Tunisiens. Il a encore indiqué que la Tunisie est à quelques semaines de la finalisation du processus transitoire dans l'espoir d'aboutir à des institution qui unissent les Tunisiens. A la question s'il serait d'accord de présider le prochain gouvernement, il a répondu : « Je leur proposerai un autre nom ». Abbassi : «Nous voulons une opposition responsable» Le secrétaire général de l'UGTT, Houcine Abbassi a déclaré que cette journée lui rappelle celle du 22 novembre 2011, durant laquelle l'Assemblée nationale constituante s'est réunie pour rédiger la Constitution. Interrogé sur ses prévisions quant aux risques de tiraillements au sein de la nouvelle Assemblée, Abbassi a dit que « nous vivons depuis des années dans les tiraillements. Ce que je souhaite est la baisse de leur intensité. La Tunisie s'apprête à vivre une période de stabilité, qui nécessite la plus grande dose de compromis ajoutant que les tiraillements et l'apposition ne disparaitront pas, mais nous voulons qu'ils soient responsables ». Usurpation d'identité Les travaux de l'ARP n'ont pas déjà commencé que les surprises commencent à pleuvoir ! En effet, un inconnu s'est fait passer pour le député Mabrouk Hrizi du bloc du CPR aujourd'hui lors de la tenue de la cérémonie inaugurale de l'Assemblée des Représentants du Peuple. La personne a usurpé de l'identité dudit élu et a même prêté serment à la place de Mabrouk Hrizi qui a eu un empêchement de santé et n'a pu se présenter à la séance d'inauguration. Arrivant avec du retard, il se rend compte qu'un individu a prêté serment à sa place. Une enquête est ouverte.