Hier, a, officiellement, commencé la campagne électorale pour le deuxième tour de la présidentielle dans un climat tendu. En fait, elle a bien démarré avant cette date, et chacun des deux candidats tire à boulets rouges sur son concurrent et ne rate pas la moindre occasion pour le dénigrer et le traiter de tous les noms. La compétition est loin d'être loyale et le ton monte de jour en jour pour devenir de plus en plus menaçant. Est-ce que les élections peuvent être vraiment honnêtes, libres et démocratiques dans ces conditions ? Mohamed Abbou, le président du parti de l'Alliance démocratique, vient de déclarer qu'il n'est pas question que l'ancienne dictature revienne et que si jamais Nida Tounes essayait de restaurer le régime déchu ou qu'il viole la constitution, ils décréteraient la désobéissance civile. Adnène Mansar, le président de la campagne de Moncef Marzouki, a exprimé, avant lui, dans l'émission « Liman yajraâ fakhat » (Uniquement pour ceux qui osent), ses vives craintes quant à l'éventuel retour aux pratiques policières répressives de l'ancien régime. Cette position était très critiquée d'autant plus qu'il n'a jamais connu la prison, et les larmes qu'il a versées étaient qualifiées d « électoralistes », à travers lesquelles il voulait transmettre un message aux anciens détenus sous l'ancien régime, les farouches opposants à tout rapprochement avec Nida Tounes et les mécontents qui n'ont perçu que des miettes, dans le cadre de l'amnistie législative générale, comparés à leurs partisans qui étaient à l'étranger. C'étaient donc une manière de flatter leur sensibilité et leur miroiter l'éventuelle menace qui les guetterait au cas où ce dernier reviendrait. Les partisans du candidat Marzouki se sont, auparavant, opposés à la campagne d'affichage lancée, à Tunis, par l'agence de publicité « Karoui & Karoui » avec des textes comme « La pauvreté provisoire », « La répression provisoire », «L'immondice provisoire », « La chevrotine provisoire ». Manifestement, le qualificatif de provisoire n'était pas du goût du président provisoire, ce qui a poussé l'ISIE à retirer ces affiches. Cette instance électorale aurait agi sur ordre de Marzouki lui-même, d'après certaines sources, alors que, conformément aux dispositions de l'article 57 de la loi électorale, les contrevenants en matière de publicité politique sont sanctionnés d'une amende, variant entre 5000 et 10 000 dinars. Cela dans le cas où cette publicité serait prouvée, car ce n'est pas l'avis des responsables de l'agence publicitaire qui soutiennent que leur action n'a rien à voir avec la campagne électorale et qu'elle s'inscrit dans le cadre de l'incitation des électeurs à aller massivement aux urnes pour participer à améliorer leur situation. On remarque très bien que les critiques envers Nida Tounes et son candidat à la présidence de la république prennent l'allure d'un acharnement qui s'est, surtout, intensifié avec le rapprochement entre celui-ci et Ennahdha, qui pourrait évoluer et prendre la forme d'une coalition et qui laissait préfigurer, donc, l'abandon par cette dernière de son allié Marzouki qui ne serait pas parvenu à ce stade de la compétition s'il n'avait pas bénéficié du soutien du parti islamique, d'après tous les observateurs. Et quand on perd tout espoir, on devient tout à fait imprévisible. Ce qui est à craindre c'est le fait qu'il perde les élections avec une petite différence de voix. Là, il pourrait mettre en doute les résultats et il serait très difficile de le déloger de Carthage...