Le deuxième trimestre n'est pas encore achevé que certaines écoles primaires privées ont déjà clôturé leurs listes d'inscriptions pour l'année scolaire 2015-2016 et ce, pour tous les niveaux. Les listes d'attente, elles, sont interminables. Depuis près de deux décennies, l'engouement des parents tunisiens pour les établissements scolaires privés n'est plus à démontrer. Pour cette année, sur un total d'un million 75 mille élèves du primaire, près de 90 mille d'entre eux sont inscrits dans des écoles privées. Autrefois pointés du doigt et réservés pour les élèves en échec scolaire, les collèges et lycées privés sont de plus en plus tendance et accueillent chaque année de plus en plus de jeunes. Mais à quel prix ? Selon de récentes statistiques du ministère de L'Education, les familles tunisiennes consentiraient pas moins de 10% de leur budget annuel pour les études des enfants, entre frais d'inscription et de scolarisation, fournitures, manuels scolaires et séances de consolidation, usuellement appelées « étude ». Qui a prétendu que l'enseignement était gratuit en Tunisie ? Cruel dilemme: Une tête bien pleine ou bien faite ? Même si l'Etat offre la possibilité aux parents de scolariser leurs enfants dans des établissements scolaires publics, nombreux sont ceux qui optent pour le privé, en dépit des coûts parfois faramineux des études dans certaines écoles privées et malgré également la procédure d'admission de plus en plus compliquée et des critères de sélection de plus en plus rigoureux. Ainsi, dans la majorité des écoles privées, avant d'être inscrit, chaque enfant sera soumis à un test évaluant son intelligence, ses acquis et ses compétences. Il devra aussi rencontrer le pédopsychologue de l'établissement qui donnera son aval et certifiera que l'enfant n'a pas de troubles mentaux. Côté finances, l'inscription dans une école privée située dans les environs d'El Menzah et ayant ouvert ses portes il y a deux ans, coûte 200 DT et les frais annuels de scolarité reviennent à 1800 DT. Les manuels scolaires de français et d'anglais, importés et conformes aux systèmes éducatifs européens, coûtent également très cher, parfois jusqu'à plus de 150 DT par élève. A midi, si l'élève mange à la cantine, les parents devront débourser la somme supplémentaire de 900 DT. S'ils optent pour le système de panier, ils paieront annuellement 450 DT. D'autres écoles dans les environs proposent des prix encore plus élevés et d'autres moins. En réalité, tout dépend de la réputation de l'établissement scolaire mais aussi de l'année de sa création mais aussi et surtout des résultats de ses élèves au concours, bien que facultatif, de sixième. En effet, pour de nombreux parents, inscrire leurs enfants dans des écoles privées est un investissement à long terme dont la première consécration est leur admission aux collèges pilote, auxquels n'accèdent que les plus brillants. L'excellence, rien que l'excellence tel est le dada de quelques parents et peu importe si, dans certains cas, leurs enfants sont soumis à un bourrage de crâne quasi-quotidien et suivent un enseignement qui n'est guère en adéquation avec leurs capacités. Montaigne, célèbre philosophe et moraliste de la Renaissance, avait dit un jour: « Mieux vaut une tête bien faite qu'une tête bien pleine. » Son temps est apparemment bien révolu ! Etablissements scolaires élitistes Le patchwork des établissements scolaires primaires en Tunisie est complété par des écoles « internationales », encore plus élitistes et évidemment plus coûteuses. Elles sont en majorité réservées aux enfants de coopérants, aux expatriés et aux détenteurs d'une autre nationalité autre que tunisienne. Très en vogue, les établissements scolaires français, communément appelés « mission », accueillent chaque année près de 5000 élèves répartis entre écoles primaires, collèges et lycées. Les frais annuels de scolarité pour les élèves du premier cycle dans l'un de ces établissements, relevant tous directement de l'Ambassade de France en Tunisie, s'élèvent à 4 506 DT pour les Français et les Franco-Tunisiens et à 5 655 DT pour les Tunisiens. A l'école internationale de Carthage (ISC), qui propose entre autres un enseignement interactif, la scolarité absorbe à peu près 7000 DT par an. Ailleurs, les frais de scolarité annuels s'élèvent à un peu plus de 5 100 DT à l'école canadienne qui en est à sa première année de lancement et à plus de 10 000 DT à la British School de Tunis. Mais les frais de scolarité sont incontestablement ceux de l'école américaine, située en face de l'ambassade des Etats-Unis, qui s'élèvent à près de 37.500 DT pour la section élémentaire et à près de 35.500 dinars pour la moyenne section. Ces prix n'incluent pas les frais d'inscription ainsi que ceux de la cantine et les fournitures. Vers une école plus ludique et un enseignement plus pédagogique En parallèle des établissements scolaires privés et outre les écoles internationales, de nouveaux concepts ont fait leur apparition depuis quelques années, à l'instar de l'école Montessori ou encore l'école sans cartable qui se veulent être un substitut de choix au système classique. D'après leurs brochures, ces écoles offrent un programme d'enseignement ludique et innovant qui combine le programme officiel du ministère d'éducation nationale et un programme inspiré de différents systèmes ayant fait leurs preuves surtout en Amérique du nord, les pays nordiques et anglo-saxon. Ces établissements produiront-elles le succès escompté ? Jusqu'ici, peu de parents semblent convaincus mais d'ici quelques années et vu l'amplification des problèmes rencontrés par les enfants en milieu scolaire dit « classique », la donne pourrait changer.