En 2011, quelque 500 000 Libyens ont fui les combats qui faisaient alors rage dans leur pays entre les forces loyales à Kadhafi et les milices rebelles pour s'installer en Tunisie. Après la chute de Kadhafi, l'ex Jamahiriya s'est transformée en un véritable bourbier en raison des affrontements sanglants entre les milices rivales, et le nombre des réfugiés libyens a continué à croître rapidement depuis que nos voisins de l'Est n'ont pas besoin de visa pour se rendre en Tunisie. Ils bénéficient même d'une convention signée en 1973 leur permettant de travailler, de fonder une entreprise et de jouir d'une liberté de mouvement dans le pays. Selon le ministère des Affaires étrangères, 1,5 million de Libyens sont actuellement présent sur le territoire tunisien, soit environ15% de la population tunisienne et 25% de la population libyenne. Après avoir mis le cap sur la ville de Djerba, les réfugiés libyens se sont déplacés peu à peu vers le nord du pays. A HammametNabeul ou encore Sousse, ils constituent désormais le plus contingent de touristes. A la cité Ennasr à Tunis, ils sont tellement nombreux que ce quartier huppé de Tunis a été surnommé le «petit Tripoli». Les réfugies Libyens installés en Tunisie qui sont pour la plupart relativement nantis dépensent sans compter et renflouent les caisses des hôtels, des restaurants, des cliniques privées, des propriétaires des logements destinés à la location, des écoles privées et des commerces etc... Selon les estimations du ministère des Finances, les Libyens injecteraient chaque année deux milliards de dinars dans l'économie tunisienne. Flambée des prix et des loyers «Depuis trois ans, j'ai déménagé à Ben Arous pour louer mon appartement situé à la Cité Ennasr à une famille libyenne moyennent 400 dinars par jour. Les Libyens semblent rouler sur l'or et ils ne marchandent même pas. C'est une aubaine pour la Tunisie», se félicite un retraité que peinait à financer les études des deux fils installés en France avant l'arrivée de la famille libyenne nantie. Mais la médaille a un revers: les loyers flambent et les prix des denrées alimentaires augmentent sans cesse...Des membres du gouvernement ont même protesté contre la consommation par les Libyens de produits subventionnés comme le pain ou le pétrole. En décembre dernier, l'ancien ministre des Affaires étrangères Mongi Hamdi a demandé aux autorités libyennes d'abaisser le prix du pétrole vendu à la Tunisie, indiquant qu' «il n'était pas raisonnable que la Tunisie l'achète au prix du marché pour voir ensuite les Libyens consommer l'essence subventionnée par le gouvernement tunisien». En 2013, la défenestration de deux filles tunisiennes à Ennasr par des Libyens, lors d'une soirée arrosée, avait contribué à véhiculer une image de «fauteurs de troubles» de ces réfugiés. Suite à cet incident, le ministère de l'Intérieur a exigé des propriétaires de locaux loués à des étrangers d'en faire la déclaration à la police. Risque d'entrée d'éléments terroristes Les Tunisiens critiquent aussi certains comportements des réfugiés libyens, lesquels conduisent, selon eux, «comme des fous, ne respectent pas les panneaux de signalisation et sont grossiers avec les femmes». «Nous avons mauvaise presse en Tunisie. Mais les Libyens ne sont pas tous des riches ou des fauteurs de troubles. Il y a aussi des familles qui cherchent juste à fuir un pays livré au chaos sécuritaire. Certains de nos proches rentrés en Libye ont été assassinés dans le cadre de règlements de compte ou incarcérés à l'issue de procès sommaires et inéquitables», se défend Aïcha, une mère de famille libyenne dont le mari et les trois fils ont combattu aux côtés de rebelles lors de la révolution libyenne. L'afflux massif des Libyens suscite aussi des inquiétudes sur le plan sécuritaire surtout que la nébuleuse terroriste l'Etat islamique (EI) compterait quelque 1500 combattants installés en Libye. Des dizaines de ressortissants libyens en possession d'armes ou liés à des groupes terroristes ont été d'ailleurs arrêtés sur le sol tunisien ces dernières années. Selon un sondage publié fin mars dernier par le cabinet Sigma Conseil, 37,7% des Tunisiens demandent au gouvernement de ne plus accepter l'installation des Libyens en Tunisie, 14,3% lui demandent de rompre les relations avec la Libye, alors que 90% pensent que la crise en Libye a des répercussions négatives sur l'économie et la sécurité en Tunisie. La majorité des personnes interrogées dans le cadre de ce sondage ont déclaré que le risque le plus important sur le plan économique est la cherté de la vie et la baisse du pouvoir d'achat. Sur le plan sécuritaire, les risques les plus cités sont la propagation du terrorisme (42,9%), et la contrebande d'armes (40,2%). Edifiant...