Le Temps-Agences - Un émissaire turc a insisté hier à Bagdad sur la diplomatie pour résoudre le problème des rebelles kurdes, sur lesquels le Premier ministre turc a toutefois maintenu la pression en notant que son pays était susceptible d'intervenir "à n'importe quel moment" contre eux. Le chef de la diplomatie turque Ali Babacan, dépêché dans la capitale irakienne, a d'ailleurs rejeté l'offre de cessez-le-feu conditionnel faite lundi par les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en lutte contre le pouvoir central d'Ankara depuis 1984. Son homologue irakien Hoshyar Zebari l'a assuré que son pays combattrait "la menace" que représentent les bases du PKK dans le nord, après un appel des Etats-Unis aux autorités irakiennes pour prendre "des mesures immédiates" afin de donner un coup d'arrêt aux opérations des rebelles dans cette région. La visite de M. Babacan intervient alors que la Turquie a menacé de conduire des incursions militaires, autorisées le 17 octobre par le Parlement turc, dans le Kurdistan irakien frontalier, pour y éliminer des bases du PKK. Cette tension inquiète les Etats-Unis qui craignent qu'une intervention turque ne déséquilibre une des rares régions d'Irak relativement épargnée par la violence. "La politique, le dialogue, la diplomatie, la culture et l'économie sont les moyens de régler cette crise", a dit M. Babacan lors d'un point de presse. "Nous ne voulons pas sacrifier nos relations culturelles et économiques avec notre voisin pour une organisation terroriste". Mais il a rejeté l'offre du PKK qui s'est dit prêt sous conditions à observer un cessez-le-feu. "La question du cessez-le-feu concerne deux pays, deux armées, et pas une organisation terroriste", a rétorqué le ministre turc, qui devait également s'entretenir avec le Premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki, et le président Jalal Talabani, un Kurde. A Londres, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a lui fait en sorte de maintenir la pression sur le PKK. Une éventuelle intervention militaire turque en Irak ne viserait que les positions des séparatistes kurdes, mais elle peut intervenir "à n'importe quel moment", a-t-il relevé. Présent à ses côtés, le Premier ministre britannique Gordon Brown a condamné la "violence terroriste" du PKK. Ce mouvement est considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union Européenne, mais ses militants sont tolérés par les autorités locales irakiennes kurdes au Kurdistan. Ankara a demandé à Bagdad d'agir pour empêcher que le PKK ne lance des opérations à partir du Kurdistan irakien, mais l'armée irakienne n'est pas déployée dans cette région sous contrôle des autorités régionales kurdes. Les tentatives de compromis suivent une embuscade du PKK dimanche près de la frontière irako-turque dans laquelle 12 soldats turcs ont été tués, et huit faits prisonniers, augmentant la crainte d'une riposte turque. Lundi, le président George W. Bush a appelé son homologue Abdullah Gül afin de l'assurer de l'engagement américain à coopérer avec Ankara pour combattre le PKK. Il a convenu avec M. Maliki "d'empêcher le PKK de se servir d'une partie quelconque du territoire irakien pour projeter ou mener des attaques terroristes". L'éventualité d'une opération militaire conjointe de la Turquie et des Etats-Unis contre les repaires du PKK a même été évoquée par Ankara. Selon le quotidien Chicago Tribune citant de hauts responsables américains, les Etats-Unis pourraient envisager des frappes aériennes contre le PKK pour éviter toute intervention turque.