L'égérie de L'Oréal Paris et Louis Vuitton n'a jamais oublié d'où elle vient. Elle donne un second souffle aux textiles traditionnels éthiopiens. Dans le petit jardin qui entoure les ateliers de création textile Muya, dans le quartier de Sidist Kilo, au nord-est d'Addis-Abeba, les femmes ont préparé le thé et l'habesha dabo, le pain traditionnel. Le vent fait tournoyer dans l'air l'encens qui brûle sur un petit brasero. Il règne ici un calme et une douceur insolites qui tranchent avec la circulation alentour. Cela fait plusieurs mois que Liya Kebede n'est pas venue. Si elle a vécu jusque l'âge de dix-huit ans à Addis-Abeba (où elle a été repérée), elle habite aujourd'hui à New York. Deux fois par an, elle effectue le voyage du retour pour voir ses parents. Un séjour express où elle combine moments en famille et activités professionnelles, comme sa Fondation pour les mères et les enfants et sa marque de vêtements, LemLem ("fleurir" en amharique). Quand elle l'a lancée, c'est avec cet atelier de tisserands, créé en 2005 par Sara Abera, qu'elle s'est associée. Ici, près de 500 personnes travaillent, des hommes, des femmes, des artisans, des couturiers et des tisserands. Toutes les lignes de vêtements fabriquées ici sont destinées à l'exportation. Point commun ? Le netela, le textile traditionnel éthiopien. Netela, plus qu'une question de tradition Autant qu'elle s'en souvienne, Liya Kebede n'a pas porté de netela. Ni de fota, un autre textile de coton, plus coloré. Sauf pour les cérémonies, les mariages par exemple, les Ethiopiens qui vivent en ville ont peu à peu délaissé cette belle étoffe au profit de produits manufacturés. "Il fallait créer un marché pour préserver un savoir-faire", observe Liya Kebede pour expliquer la genèse de sa marque de vêtements. Première étape : moderniser ce joli textile, fait d'une cotonnade si légère qu'elle semble presque transparente et souvent bordée d'un galon de couleur foncée et irisée. Avec l'aide d'un bureau de style new-yorkais, Liya crée une ligne cool et raffinée à la fois : les bandes de couleur se métamorphosent en rayures bayadères vitaminées, les robes laissent le corps respirer, les tops et les pantalons ont un petit côté "homewear" qu'aiment porter en ville les gens très chics. LemLem, une ligne fabriquée à la main Aujourd'hui, LemLem, c'est deux collections par an, pour femmes, hommes et enfants, une ligne pour la maison, entièrement fabriquées à la main. Elle s'amuse de son retour et de la manière dont les tisserands la perçoit peut-être – elle le reconnaît, elle est exigeante sur les détails, ne lâche rien sur la qualité. Il faut dire que, de l'autre côté de l'Atlantique, la belle fait face à un marché qui ne pardonne rien. Mais son audace a payé. Les plus grands magazines de mode référencent aujourd'hui ses modèles et ses copines top models comme les actrices Drew Barrymore ou Julia Roberts – parmi d'autres –– portent ses vêtements, tous "100 % Africa". C'est l'une de ses fiertés. Car c'était aussi là son ambition : "Je voulais essayer de faire quelque chose de 100 % africain afin que ça devienne un modèle, que ça change l'image de l'Afrique et que ça incite les gens à venir produire ici."