L'Instance Vérité et Dignité (IVD) continue de se désintégrer. Cette cheville ouvrière du processus de la justice transitionnelle a annoncé, dans un communiqué publié hier après-midi, la révocation de son vice-président Zouheir Makhlouf. Selon ce communiqué, l'ancien secrétaire général de la section tunisienne d'Amnesty International a été mis à l'écart par le conseil de l'Instance pour avoir transgressé les dispositions articles 32, 33 et 37 de la loi organique régissant la justice transitionnelle. L'article 32 du texte de loi stipule que tous les membres de l'Instance sont tenus, avant prise de leurs fonctions, d'établir auprès du président de la cour des comptes une déclaration sur l'honneur attestant leurs biens et ceux de leurs conjoints et enfants, et ce, conformément aux dispositions de la loi n° 87-17 du 10 avril 1987, relative à la déclaration sur l'honneur des biens des membres du gouvernement et de certaines catégories d'agents publics. L'article 33 impose aux membres et aux agents de l'Instance de s'abstenir de tout acte ou comportement portant préjudice à la réputation de l'Instance. L'article 37 stipule, quant à lui, que tout membre peut présenter sa démission, par écrit, au président de l'Instance et peut-être révoqué par décision de l'Instance prise à la majorité des deux-tiers, et ce, en cas d'absence injustifiée aux réunions de l'Instance à trois reprises consécutives ou à six reprises non consécutives par année, ou en cas d'incapacité, d'acte commis portant préjudice à la réputation de l'Instance ou de manquement grave aux obligations professionnelles dont il est tenu en vertu de la présente loi. En cas de démission, de révocation ou de décès de l'un des membres de l'Instance, l'assemblée chargée de la législation le remplace par un autre membre appartenant à la même discipline. Il est à rappeler que Zouheïr Makhlouf avait adressé au président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) une lettre dans laquelle il dénonce certaines pratiques au sein de l'IVD. Selon cette lettre publiée le 25 août par l'hebdomadaire Akher Khabar, la présidente de l'IVD, Sihem Ben Sedrine, «mènerait une croisade contre le projet de loi de réconciliation économique proposé par le président de la République. M. Makhlouf a également révélé dans sa lettre que les propos controversés du blogueur Aziz Amami menaçant de brûler l'Assemblée si la loi de réconciliation était votée n'ont suscité aucune condamnation de l'IVD. Il a également fait savoir qu'une vidéo de cette intervention faite lors d'une rencontre organisée par l'IVD a été publiée sur le site web officiel de l'Instance, et n'a été supprimée par l'IVD que suite à ses menaces de porter plainte auprès de l'ARP. L'ex vice-président de l'Instance a indiqué, par ailleurs, que la présidente de l'IVD a cherché du soutien auprès de l'ambassadeur de France en Tunisie, François Gouyette, dans sa campagne contre le projet de loi de réconciliation économique. Ben Sedrine a dû renoncer à inviter le diplomate aux réunions de l'Instance devant le refus catégorique de certains membres. A noter par ailleurs que l'IVD a été ébranlée le 25 août par la démission départ du juge administratif Mohamed Ayadi. Ce dernier n'a pas souhaité donner de plus amples explications se contentant d'évoquer un «climat qui n'est pas propice à l'intérieur de l'IVD comme à l'extérieur». La démission de M. Ayadi de l'instance fait suite à celles de Noura Borsali, Azouz Chaouali et Khemaïes Chammari. En vertu de la loi régissant le processus de la justice transitionnelle, l'Instance vérité et dignité dispose de toutes les compétences qui lui permettent d'établir la vérité, de préserver la mémoire, de dédommager les victimes et mettre en place des mécanismes de reddition des comptes et de jugement. Elle dispose, en effet, des prérogatives suivantes: l'accès aux archives publiques et privées, l'enquête sur tous les abus en utilisant tous les moyens et mécanismes qu'elle estime indispensables pour l'accomplissement de sa mission, l'écoute des victimes des violations et l'acceptation de leurs plaintes, l'enquête sur les cas de disparition forcée, la délimitation des responsabilités de l'appareil de l'Etat et de toute autre partie pour ce qui est des abus, la collecte des données, l'élaboration d'un travail de mémoire, l'indemnisation les victimes, l'indemnisation des victimes...etc Le travail de cette Instance s'annonce, cependant, compliqué. D'autant plus que les dernières élections ont favorisé le retour au devant de la scène de plusieurs figures de l'ancien régime qui ne voient naturellement pas d'un bon œil le processus de la justice transitionnelle.