Au cours de ces dernières semaines, un manque au niveau de l'approvisionnement du lait a été enregistré dans plusieurs points de vente à l'intérieur du pays comme au centre ville. Ce manque s'est transformé, ces derniers jours, en une véritable pénurie dans quelques commerces. Aucune marque de lait en bouteille ou en paquet n'est disponible. Une source à l'ODC (Organisation de la Défense du Consommateur) nous a même affirmé que des réclamations ont été enregistrées dans ce sens. Et pourtant en Tunisie, les chiffres indiquent une autosuffisance au niveau de la production.
Allons-nous vers une pénurie de lait ? Un opérateur du secteur laitier, nous a confirmé ce manque et a expliqué que cela est dû essentiellement à l'augmentation du prix de l'aliment pour bétail et à une mauvaise répartition de la production. « Actuellement nous sommes en période de basse lactation qui se poursuivra jusqu'au mois de février prochain. Cette période est caractérisée par une augmentation de la demande (rentrée scolaire, ..) et une baisse de la production. Cette année, cela s'est aggravé avec la hausse vertigineuse du prix de l'aliment pour bétail. Sachant que 80% de nos agriculteurs sont des petits agriculteurs, ceux-ci n'arrivent plus à suivre cette évolution des prix. Il suffit que l'aliment soit indisponible pendant une dizaine de jours pour que la production chute de 20%. A chaque fois que le prix de l'aliment augmente, l'éleveur réduit la quantité nécessaire pour ses vaches. Cette réduction de la quantité de concentré s'accompagne bien sûr par une baisse de la production de lait. Pour un kilo de moins de concentré, nous avons deux litres de lait de moins. Si notre cheptel compte 200 mille vaches, nous pouvons perdre des milliers de litres par jour à chaque augmentation du prix de l'aliment. Par ailleurs, il faut savoir qu'en période de haute lactation, nous enregistrons des excès de production qui s'accompagnent par une baisse de la demande. Malheureusement, durant cette période des quantités très importantes de lait sont jetées faute de mauvaise gestion au niveau du stockage. Pour cela, il convient de procéder à une bonne répartition de la production et à adopter une politique adéquate pour l'aliment pour bétail en développant nos propres ressources afin que le prix soit raisonnable. Aujourd'hui, nous avons réalisé des avancées considérables dans le secteur laitier et il est temps qu'on s'intéresse beaucoup plus à l'aliment pour bétail qui constitue une énorme problématique à l'heure actuelle », explique notre interlocuteur.
Il faut une autre augmentation Pour sa part, Dr Karim Daoued, vétérinaire et membre du bureau exécutif de l'UTAP (Union Tunisienne de l'Agriculture et de la pêche) souligne : « Ce manque à l'heure actuelle est dû à plusieurs facteurs dont essentiellement la forte augmentation du prix de l'aliment pour bétail. Les deux augmentations successives du prix du lait chez le producteur en une seule année (la première de 10 milimes et la seconde de 20 milimes) n'ont pas couvert l'augmentation des prix des matières premières qui rentrent dans le prix de production. D'autre part, le marché des colporteurs (ou marché parallèle) a augmenté parce qu'il donne un prix plus attrayant aux petits agriculteurs. A cet effet, et pour que cela redémarre, il faut qu'il y'ait une autre augmentation du prix de référence (Actuellement, 410milimes, nous souhaitons qu'il soit aux alentours de 450milimes). Il s'agit aussi de s'orienter vers les aliments moins chers pour relancer la production et d'inciter les éleveurs à s'orienter vers les circuits de collecte. Il convient également de développer les cultures fourragères afin d'avoir nos propres ressources, développer l'importation des sous-produits et inciter à leur utilisation. L'essentiel, c'est que l'agriculteur puisse travailler et dégager un bénéfice. »
Des indices positifs De son côté, Mohamed Mhedhbi, directeur technique à la SLD (Société Lait et dérivés) explique « Etant donné que nous sommes en période de basse lactation, il est normal de constater une baisse au niveau de la production. Cependant, il faut souligner que depuis 2003, nous avons enregistré une augmentation au niveau de la production, tandis que cette année nous enregistrons une baisse. La période de basse lactation, qui commence d'habitude au mois d'août, a démarré cette année au mois de juin. Une chute au niveau des quantités collectées a été constatée à partir du sixième mois de l'année en cours. Plusieurs agriculteurs se sont orientés vers les colporteurs qui leur proposent le litre à 600 milimes, alors que nous l'achetons à 450 milimes. Ceci étant, je pense que la situation s'améliorera dans les deux, voire les trois semaines à venir puisque à partir de cette semaine nous avons enregistré une augmentation de 20% des quantités réceptionnées. »
GIVLAIT : Aucune réponse ?! Pendant deux jours, nous avons contacté à maintes reprises Dr. Abdelhamid Sakli, directeur général de Givlait (Groupement interprofessionnel des viandes et du lait) pour nous expliquer les raisons de ce manque, nous n'avons reçu aucune réponse de sa part. 13 millions de litre de lait en poudre On pourrait se poser cette question: où sont passés les excédents. La production de lait en poudre (ayant atteint le chiffre ci-haut) se serait faite (selon les professionnels) au détriment de la disponibilité du lait frais. Une bonne quantité de ce lait en poudre aurait été exportée vers l'Algérie et la Libye.
Les intermédiaires y trouvent leur compte En cette période, ce sont les intermédiaires qui se sucrent sur le dos du marché ou du moins ce sont eux qui "sucrent leur lait". Ils inversent les circuits et en cette période de base lactose, c'est à eux que profite la flambée du litre non "frelaté" avec de l'eau.