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« Le Cap Bon est une mosaïque de minorités ethniques et culturelles »
Publié dans Le Temps le 05 - 03 - 2016

Le Cap Bon présente une unité ethnique et culturelle indiscutable. Cependant, il existe des minorités ethniques dont on ne parle pas. Mohamed Rached Khayati , expert en patrimoine et chercheur en tourisme culturel a essayé au cours du colloque organisé par l'Association Sites et Monuments sur les minorités de dévoiler le profit des minorités vivant au Cap Bon et en particulier à Nabeul.
Le Temps : Le Cap Bon était un véritable melting pot dès le 17e siècle. Y cohabitaient et s'y mêlaient des populations aux origines et aux langues diverses : arabes, juives, italiennes, françaises, turques, et autres peuples. Quelles sont les minorités qui fréquentaient cette presqu'île ?
Rached Khayati : Il y avait les Juifs ; les musulmans hanéfites implantés dans le quartier « hermétique » du Rbat ; les chrétiens, pratiquement, inexistants, aujourd'hui: ils étaient formés des anciens colons, de conjoints dans le cadre de mariages mixtes, des anciennes communautés de souche européenne... Le campanile de la seule église que comptait la ville a été détruit en 1964 et le reste de l‘édifice a été aliéné au domaine public et affecté, depuis, à des activités diverses. Quant au cimetière chrétien qui se trouve encore à la sortie nord de la ville, il est aujourd'hui dans un état de délaissement total. Les Français qui étaient, essentiellement, dans l'enseignement, l'administration coloniale, la céramique artisanale dont notamment , et les seuls connus par ailleurs, Tessier et De Verclos qui avaient donné ses lettres de noblesse à la « poterie artistique » de Nabeul ou des colons agriculteurs tels les Laffite, Morat... constituaient à la fin du 19ème siècle et à la première moitié du 20ème , la majeure partie de cette frange de minorités; les Italiens qui étaient de petits entrepreneurs du bâtiment, mécaniciens, marins pêcheurs dont notamment le regretté Tonino Paladino, premier pêcheur connu à Nabeul et dont la progéniture installée aujourd'hui, en Europe dispose encore du pied-à-terre parental du côté de la plage ; les Maltais installés, principalement, à la rue très passante de « Zqaq Libhar » (la ruelle de la mer) et étaient, dans leur majorité, commerçants , cochers... on en a dénombré même, dans le corps des sages-femmes ; les Espagnols « gitanes » dont la gent féminine faisait du porte-à-porte pour vendre de la mercerie et des produits de beauté. Ce sont les fameuses « tantanas » ambulantes qui se faisaient annoncer dans les quartiers par de stridents « récamo, récamo » ! Enfin, il convient de rendre hommage au regretté Eugène Graf, un Suisse pas comme les autres qui était fonctionnaire à la société d'électricité, en poste à Nabeul. Décoré des insignes du « Nichan El iftikhar » beylical, il porterait, méritoirement, le statut de citoyen « helvéto-nabeulien » que je voudrais, personnellement, lui attribuer, à titre posthume, pour les éminents services rendus à la jeunesse et au sport à Nabeul. Son unique fille Marie-Rose et son époux Jeannot Fernandez, installés en Suisse, passent, souvent, l'été à la maisonnette familiale de bord de mer, à la plage de Nabeul.
Quelles sont les minorités, originellement, étrangères qui ont fondu, totalement, dans le tissu humain local ?
Elles se constituent, essentiellement de migrants Libyens qui avaient quitté, progressivement, leur Tripolitaine natale à partir de 1911 pour fuir les exactions de l'occupant italien. Ce sont les Trabelsi pour en désigner la majeure partie puisque la terminologie « Libyen » se référant à la nationalité n'était pas courante, voire n'existait pas encore, Ouerfelli de la tribu des Ouerfella à Beni Walid, Kekli de Kekla, Laajili de Ajilet, Tarhouni de Tarhouna... Parmi leurs apports culturels, aujourd'hui, un legs culinaire, le fameux pain dit « trabelsi ». Ils disposent d'un carré au cimetière Ezzitoune àNabeul où reposent leurs aïeux et qu'ils utilisent, encore, pour enterrer leurs morts. Certains d'entre eux, entretiennent, jusqu'à ce jour, des rapports avec leurs familles restées en Libye.Pour rester dans l'appartenance arabo-musulmane, il serait, peut-être, utile de citer les familles de souches andalouses telles les Kharraz de la province de Murcie, Andoulsi, Gastli... ou turques telles les Turki, Kort, Bacha, Saya, Boudakim, Gara, Garali, Daoud, Khouja... ou encore libanaises, à titre d'exemple, les Ellijimi d'Ellijim ou égyptiennes, à l'instar des Siwa, originaires de l'oasis du même nom en Egypte ou encore, marocaines, parmi elles, on peut citer les Garbouj ou Khayati de la descendance de Sidi Abdallah Elkhayat de Meknes... Ces familles ne se sont jamais constituées en communautés à part et donc, n'ont, jamais formé de minorités. Cette remarque s'applique, également, aux Nabeuliens d'origine libyenne dont l'arrivée est, relativement, récente.
Y a-t-il des minorités purement tunisiennes qui ont imprégné la vie des capbonais ?
Je cite des Sfaxiens (les Fekih, Reguig, Ketata, Mezghenni, Kallel, Hamza dits aussi Sfaxi...) ; des Kairouanais (les Tabbane établis depuis 10 siècles environ, Najar, Khadhraoui, Bouden à Dar Chaâbane qui seraient à l'origine de l'introduction de la sculpture sur pierre, Saffar qui veut dire étameur de cuivre et dont c'est, jusqu'à ce jour, l'activité de prédilection de la famille...) ; Djerbiens (Bahroun, Tlatli de Tlet...) , des Sahéliens (les Hadrouk de Touza, Zaghbib et Djemour de Ksar Helal...) et des originaires de la péninsule du Cap Bon dont l'arrivée à Nabeul est récente (les Khouja et Abid de Korba, Tajouri, Hammami... de Menzel Temime, Rachicou de Soliman...).
La communauté juive s'est réduite à quelques âmes à l'heure actuelle. Pensez-vous que ces nombreux peuples s'y sont installés, y ont vécu, ont apporté avec eux leur culture et leur langue et leurs traditions au Cap Bon ?
Si on présente les juifs nabeuliens comme une minorité, ce sera, uniquement, pour souligner le fait qu'ils ont toujours été, sur le plan numérique, largement, inférieurs à leurs concitoyens de confession musulmane, même si certaines statistiques datant de la fin de la deuxième guerre mondiale plaçait les deux communautés à égalité. Une donnée difficile à croire. Mais ce qui est sûr est que le chiffre de 10000 israélites nabeuliens avancé à cette époque, pouvait ne pas être loin de la réalité. Cependant, leur présence, aujourd'hui, est, quasi-insignifiante et ils ne sont à Nabeul que ponctuellement : pour passer des vacances ou profiter des bienfaits du ressourcement. On ne peut donc, pas parler d'intégration pour une minorité qui est loin de constituer un corps nouveau et qui, bien au contraire, figure parmi les constituants originels du tissu humain de la ville. Les juifs résidant à Nabeul, ne se sont jamais regroupés en ghettos comme c'est le cas à Djerba ou dominé, ancestralement, un quartier de la ville comme c'est le cas pour la Hafsia à Tunis. Leur habitat est donc, diffus à Nabeul : Dans leur majorité, les citoyens juifs moyens ou relevant de la classe des moins nantis ont, toujours, résidé dans le vieux Nabeul alors que ceux plus fortunés se sont démarqués des quartiers de leur enfance pour élire domicile dans les nouveaux quartiers résidentiels de la première moitié du siècle dernier. Il n'y avait donc, pas de sectarisme d'une part comme d'autre, sauf que le faubourg du Rbat, d'obédience hanéfite, est, toujours, resté, exclusivement, réservé aux musulmans. Ce qui lui a valu la sainte appellation de « Pavillon Vert ». La demeure de juifs la plus proche du Rbat se trouvait dans le quartier limitrophe de Bab Zaouia. Il n'y avait certes pas de ghettos juifs à Nabeul, mais un quartier, à majorité juive, dont les premières constructions remontent au tout début du 20ème et qui correspond à l'actuelle rue de Marbella, longtemps connue sous l'appellation de « Houmet Lihoud ». Aujourd'hui, on peut y déceler, non sans un petit effort, parce que estompées de peinture grossière, des plaques votives ou commémoratives rédigées en hébreux et scellées aux façades de cette belle artère plantée de mélias qui commence au niveau du majestueux immeuble Bonan, premier édifice à étage supérieur érigé à Nabeul, mène jusqu'à la voie ferrée et renfermait une coquette synagogue, en usage jusqu'aux années 1960. L'immeuble Bonan ou « Balace Bounel » comme se complaisent les Nabeuliens à appeler appartenait à la famille Bonan, de richissimes juifs originaires de l'Algérie française tout comme, les non-moins autres riches Karila, une véritable dynastie dont un des membres, Gaston en l'occurrence, a financé la construction en 1919, à quelques encablures de la Grande mosquée, d'une bibliothèque israélite, aujourd'hui, fermée, alors que le plus connu d'entre eux, Albert, a été maire de la ville et fondateur de la Foire de Nabeul dans sa version d'époque coloniale. « Balace Bounel » est d'ailleurs le nom choisi par l'écrivain Marco Koskas pour décrire le Nabeul de son enfance et relater le scandale suscité par la première nabeulienne, une juive, qui a défrayé la chronique en s'attablant à la terrasse du Café Sportez pour siroter un apéritif en public. Le choc a été, essuyé par les deux communautés. Celle juive en premier lieu, qui a toujours, été soucieuse de son image et de son intimité au point de se voir attribuer au hammam public une cabine de nettoyage et de rinçage du corps, strictement, réservée à ses membres. Il en était de même pour les écoliers de cette époque qui fréquentaient « Mekteb Lihoud », une école publique, spécialement, construite pour eux.
Quels sont les personnages juifs les plus célèbres originaires de Nabeul ?
Parmi les grands personnages de la communauté, le plus célèbre de tous est, sans conteste, le grand talmudiste Rabbi Jacob Slama, décédé à Nabeul en 1774 et pour lequel, un notable de la ville du nom de Mardochée Karila, a élevé en 1935, un mausolée en plein cimetière juif dont les premières pierres tombales remontent au 18ème siècle et qui demeure, jusqu'à nos jours, l'objet d'un grand pèlerinage annuel. Autre vénérable puits de science, le grand rabbin Nathane Uzan qui en 1936, pour formuler des invocations contre la sécheresse, à la demande de la communauté musulmane, avait eu la vision que ça devait être au prix de sa vie, n'avait pas hésité à accéder aux vœux de ses concitoyens. Ses funérailles furent grandioses sous une pluie diluvienne. Les Nabeuliens des deux communautés l'accompagnèrent jusqu'à sa dernière demeure. D'autres juifs nabeuliens se sont distingués, chacun dans son domaine, et ont accédé à la notoriété, internationale pour certains d'entre eux. Nous en citons, à titre indicatif : Lallou Mamou promoteur d'une salle de projection de films qui a coïncidé avec l'avènement du cinéma parlant. Elle se trouvait à l'actuelle avenue Habib Thameur, Corinne Haddad, poétesse, Docteur Guy Haddad, président fondateur de la Clinique du Rond-Point des Champs Elysées à Paris, Alain Mamou Mani, informaticien et essayiste. Homme de médias (presse écrite et radio). Concepteur de spectacle et cinéaste, Elie Kakou, célèbre comédien et humoriste né en 1960 à Nabeul et décédé à l'âge de 39 ans à Paris. Il a été nominé en 1995, aux Victoires de la Musique dans la catégorie du meilleur humoriste et Thomas Gilou lui a dédié, à titre posthume, « La vérité si je mens » et David Charvet, comédien et chanteur établi aux Etats-Unis.


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