On n'en revient pas encore ! Dire qu'on en est revenus, équivaudrait à reconnaître, que l'on s'est résolu à accepter l'inacceptable. A avoir intégré l'idée, quelque part, consciemment ou pas d'ailleurs, que dans notre pays aussi, à l'instar de beaucoup d'autres pays de par le monde hélas, un homme peut se transformer en monstre en basculant dans le terrorisme, sous couvert de la religion, pour s'en venir assassiner de sang-froid, des innocents qui auraient eu le malheur de se trouver sur sa trajectoire, au moment où il devait passer à l'acte. Parce qu'on n'en revient pas. Et parce que l'idée même que cela ait pu arriver nous horripile. Et nous donne froid dans le dos. Parce qu'aussi, il est difficile d'oublier, même si l'on aimerait de tout coeur effacer ce triste souvenir de notre mémoire, que l'affreux carnage, perpétré, un certain 18 mars 2015, au musée du Bardo, ayant coûté la vie à tant d'innocents, qui n'avaient pour seul tort, que celui d'avoir été là, au mauvais moment, pour que la vie, si précieuse, s'arrête pour eux, brutalement, dans l'effroi et l'horreur d'une mort si violente. Pourtant, ils venaient tout simplement, en amis, en visite chez nous, à la découverte d'un pays, dont ils avaient entendu dire qu'il était la douceur de vivre même, aura sonné comme l'avènement, d'une nouvelle ère, qui nous aura marqués au fer rouge, parce qu'annonciatrice d'autres horreurs qui allaient être commises au nom d'une religion, avec laquelle des fondamentalistes fous et haineux, n'auront fait que cultiver, de jour en jour, un immense malentendu. Grand comme le monde. Abyssal... Un gouffre. Un fossé, autant profond qu'infranchissable, qui nous séparera toujours. Au moment où nous nous apprêtons à rendre hommage, aux victimes de l'attentat du Bardo, un certain 18 mars 2015, et en pensant à la douleur de leurs proches et amis, qui leur ont survécu, et qui n'ont peut-être toujours pas réussi à faire leur deuil, nous pensons également, aux martyrs de la patrie, tombés sous les balles arbitraires des terroristes, tandis qu'ils accomplissaient leur devoir, afin que plus jamais, justement, sous nos latitudes, pareille horreur n'advienne, et que des innocents aient à expier pour une faute, qu'ils n'auraient pas commise, en étant sacrifiés sur l'autel de la plus crasse des ignorances: celle qui sème, à tout va, la mort dans son sillage, sans aucun respect pour la vie humaine, et sans jamais avoir compris, en réalité, le message du divin... Samia HARRAR Un an, jour pour jour, après l'attentat perpétré contre le musée du Bardo. Un an au cours duquel la Tunisie essayait de panser ses blessures sans y parvenir car d'autres blessures étaient régulièrement, ouvertes dans une guerre déclarée contre le terrorisme. Le 18 mars 2015, vers le coup de midi, deux terroristes armés ont pénétré dans l'enceinte du musée et ont ouvert le feu. Bilan : vingt-quatre personnes tuées et quarante-cinq autres blessées. Un état de choc général s'est installé dans le pays. Le gouvernement d'Habib Essid, qui venait tout juste de s'installer au pouvoir, avait été soumis à une épreuve de taille : l'équipe devait examiner, en urgence, le dossier de la sécurité nationale tout en tentant de limiter les répercussions de ce drame sur l'économie nationale en général et, surtout, sur le tourisme tunisien. D'ailleurs, et vu la délicatesse de la situation, Essid et ses ministres avaient bénéficié d'un soutien international de taille. Nous ne pouvons oublier la grande marche internationale contre le terrorisme – organisée à Tunis – à laquelle ont pris part de nombreux dirigeants du monde entier dont des chefs d'Etat et de gouvernement et l'impressionnante campagne internationale lancée sur le web connue sous le nom de ‘Je serai à Tunis cet été'. Malheureusement, le gouvernement n'avait pas su exploiter cette vague de soutien et de sympathie qui a fini par s'éteindre comme tout autre phénomène de l'internet et des réseaux sociaux... En ce qui concerne l'enquête, et au lendemain de l'attaque, l'identité des deux terroristes avait été dévoilée au grand public ; il s'agissait de Yassine Laâbidi et de Jabeur Khachnaoui. Quelques jours plus tard, le secrétaire d'Etat chargé des Affaires sécuritaires, Rafik Chelli, avait déclaré que la cellule terroriste ayant commis l'attentat se compose de seize individus dont deux revenaient de Syrie. Le 23 mars, Habib Essid limoge le chef de la police de Tunis et le responsable de la sécurité du musée du Bardo, après avoir admis que des défaillances graves dans la sécurité avaient été constatées. Pensant, à l'époque, avoir vécu le pire, nous nous sommes heurtés, trois mois plus tard, à une autre frappe terroriste perpétrée dans la ville de Sousse. Plus sanglante que la première, l'attaque contre l'hôtel l'Impérial Sousse avait causé la mort de trente-neuf personnes et la blessure d'une quarantaine d'autres. Le soir même, le 26 juin 2015, le chef de l'Etat avait tenu un discours où il avait assuré que l'Etat tunisien s'effondrerait en cas d'une autre frappe du même genre. Et pourtant, notre Etat est toujours debout après avoir subi, le 24 novembre 2015, un troisième attentat au cœur de l'Avenue Mohammed V en plein centre de Tunis. Cette fois, un bus de la Garde présidentielle a été pris pour cible par les terroristes qui ont causé la mort de douze agents. Etat d'urgence et couvre-feu, telles ont été les décisions des commis de l'Etat suite à cette tragédie... L'année 2016 a été plus calme que celle qui l'a précédée : le réveillon s'est bien déroulé et aucun incident sécuritaire de taille n'a été déploré. Il nous aura fallu attendre le mois de mars, la veille de la journée internationale de la femme, pour vivre une attaque unique en son genre. La ville de Ben Guerdane a été prise pour cible par les terroristes de Daech qui ont voulu la prendre, instaurer un émirat islamique et y planter leur drapeau noir. Cette attaque a permis à notre Etat de démontrer à tout le monde qu'il est prêt à parer à toute éventualité, et à nos institutions militaire et sécuritaire de prouver leur vigilance et leur efficacité. Mieux encore, l'opération Ben Guerdane a démontré à tous ceux qui en doutaient que notre peuple demeure uni et solidaire devant n'importe qui tenterait de toucher à la souveraineté et à l'intégrité de notre Patrie. Bien que nous ne soyons pas les seuls à subir des attentats – la Turquie, la France, l'Egypte et même la Côte d'Ivoire subissent le même sort – ce flashback nous amène à nous poser sérieusement des questions quant à cette légendaire volonté politique. Existe-t-elle réellement chez nous ? Pourquoi faut-il que l'on subisse des attentats du genre pour voir nos décideurs prendre la peine de réagir ? Et justement, pourquoi demeure-t-on, éternellement, dans la réaction ?