Se tient actuellement à la galerie Médina, l'exposition « Parfum du passé au Canada et les couleurs d'une inspiration nouvelle » de l'artiste peintre Fethi Ben Zakour. Une exposition qui regroupe une série de toiles qui s'étale sur des décennies d'errance entre l'ici et l'ailleurs. Un itinéraire artistique auquel invite Fethi Ben Zakour les flâneurs de la Médina et les férus des arts plastiques. Entre hier et aujourd'hui l'escapade se fait sous le regard bienveillant des anges... Il est d'abord rassurant d'entrer dans le monde de Ben Zakour à travers les natures mortes. Un thème classique certes mais qui dévoile d'ores et déjà, la technicité impeccable de l'artiste et son approche particulière de la lumière. En effet, cette dernière happe l'esprit du « regardeur » qui se trouve, très rapidement, dans une ambiance feutrée où la suggestion solaire se fait par la clarté chaleureuse de la couleur chatoyante. Une chaleur à laquelle viendra s'ajouter la volupté, voire l'aspect quiet et sensuel des sujets floraux ou fruitiers. Suivant cette lumière, le visiteur se laissera surprendre par l'évolution de la peinture de Fethi Ben Zakour à travers les ans. Si l'omniprésence de la clarté rassure, l'intrusion des personnages dans le travail de l'artiste suscite la curiosité. Ces présences humaines peuplent l'espace de la toile, en occupent le premier plan, pourtant il est difficile d'en déterminer l'origine, le sexe ou l'appartenance ethnique ou géographique. Ils sont pris dans un perpétuel mouvement grâce à une dynamique de la ligne qui s'étire et se contracte, s'allonge et se contorsionne pour dessiner les traits incertains des visages et les silhouettes imparfaites de ces personnages tout droit débarqués d'un rêve. L'histoire que nous raconte Ben Zakour est celle d'un entre-deux mondes : celui qui existe et celui qu'on imagine. Un monde fantasmagorique où les anges conversent avec le commun des mortels dans un jeu d'ombre et de lumière, d'ascension et de déchéance, enfin de danse et de méditation. Des variances tonales qu'accentue la palette chaude et vive faite de couleurs de feu ou qu'adoucit la palette sereine et calme des teintes célestes ou aquatiques. Dans cette effervescence chromatique, le visiteur se laisse guider dans l'univers nostalgique des grands espaces enneigés du Canada ou dans l'intimité des intérieurs intimes et intimistes que Fethi Ben Zakour suggère dans son travail. Un univers atemporel et surprenant qui nous embarque dans une itinérance faite d'intranquilité comme dirait Pessoa. A cet effet et toujours sollicité, l'esprit est en alerte continue face à ce carnaval insaisissable dans sa beauté car balançant entre le réel et l'irréel. Face à la série des portraits qui clôt presque l'exposition, l'œil est aux aguets devant l'androgynie de cette galerie de personnages. Au premier abord, il serait évident de classer ces personnages, mais en regardant de plus près, l'évidence cède la place au génie artistique et les visages gardent leur part de mystère. Féminins ou masculins, ces portraits gardent jalousement leurs secrets à l'instar des anges et des autres personnages qui naissent sous le pinceau de Fethi Ben Zakour. L'artiste plasticien se joue alors de l'amateur et du curieux en leur offrant la vision d'un monde qui se dérobe constamment lorsque l'on croit en avoir saisi le sens. Un monde qu'on qualifiera de « réel merveilleux » à la suite de Tzvetan Todorov. L'itinérance de Fethi Ben Zakour est une procession dans l'antre de l'artiste. Les toiles dévoilent la procession artistique d'un plasticien à la lisière des mondes où tout est une réinvention du connu et du commun. « Une vie, une œuvre » telle est l'expression qui viendrait à l'esprit quand s'achève la déambulation et l'on recommencera avec plaisir pour nous surprendre encore une fois à rêver en compagnie de Ben Zakour...