L'affaire, révélée dimanche matin, a fait grand bruit et a suscité une vive émotion chez les journalistes qui se sont réveillés sur l'annonce de l'arrestation d'un de leurs collègues dans une présumée affaire de terrorisme. Il s'agit de Arbi Mahjoubi, caméraman pour le compte de l'agence de presse turque Anadolu. L'homme est très apprécié de ses pairs et connu pour son professionnalisme et son amour du métier. Ce qui explique la grande vague de solidarité provoquée par l'annonce de son arrestation dimanche par une brigade de lutte anti-terroriste. Une descente spectaculaire a eu lieu à son domicile à la Marsa vers 2h du matin. Venus en très grand nombre, certains perchés sur les toits et d'autres bloquant carrément l'accès aux rues et ruelles, les agents ont d'abord investi la maison de la grand-mère du journaliste puis celle de ses beaux-parents avant de parvenir à la sienne. Les policiers procéderont à une fouille minutieuse de son domicile puis lui demanderont d'emporter son ordinateur personnel et sa caméra et de les accompagner au poste, ce qui fût fait. Il laissera derrière lui sa famille terrorisée et inquiète sur son sort car ne sachant rien sur ce que les policiers lui reprochent exactement. Quant à Arbi Mahjoubi, il saura, après avoir posé la question à maintes reprises, que cette descente est en rapport avec la dernière opération sécuritaire d'El Mnihla. C'est ce qu'il apprendra, en effet, durant la fouille de sa maison. Le journaliste précise toutefois que l'attitude des agents était respectueuse envers lui et les membres de sa famille tout au long de cette épreuve qu'il endurera avec courage et sérénité malgré la peur. De chez lui, Arbi sera emmené au district de sûreté nationale de Carthage puis transféré au centre de détention d'El Gorjani avant d'être emmené de nouveau à Carthage avant d'être interrogé, à El Aouina, par l'unité nationale de lutte contre le terrorisme. Un parcours éprouvant pour l'homme qui ne sera libéré que vers 15h. A l'origine de cette arrestation, des empreintes du journaliste, retrouvées dans la maison ayant abrité les présumés terroristes de l'opération d'El Mnihla qui s'est déroulée mercredi. Aussitôt l'information dévoilée, Arbi Mahjoubi s'était rendu sur les lieux et avait filmé des séquences pour le compte de son média. Il n'était pas seul ce jour là puisque de très nombreux journalistes se sont également rendus jusqu'à cette maison et ont accédé à l'intérieur pour filmer les pièces dans lesquelles des présumés terroristes avaient trouvé refuge avant d'être, pour certains, arrêtés et, pour d'autres, abattus. Comment expliquer alors que seul Arbi Mahjoubi soit suspecté de complicité dans cette affaire terroriste alors que pas moins d'une quinzaine d'autres journalistes étaient également dans les parages ? A cette question, l'homme répondra qu'en pénétrant le premier à l'intérieur de la maison, après le passage des forces spéciales, il butera sur une colonne de lavabo qu'il déplacera pour libérer le passage. C'est le seul objet qu'il touchera et que ses collègues ne toucheront pas et c'est probablement là que les agents retrouveront ses empreintes. Si Arbi Mahjoubi a été « rapidement » libéré et s'il a été traité avec beaucoup de respect, s'il a eu droit à des excuses à peine voilées de la part des responsables sécuritaires, cette affaire n'en reste pas moins énigmatique. En effet, on apprendra qu'elle est, à l'origine, du ressort de la direction de la Sûreté Nationale qui avait prévu de convoquer Arbi Mahjoubi lundi. Comment la police a-t-elle pris en main l'affaire et pourquoi tout cet empressement, allant jusqu'à effectuer une descente à son domicile comme s'il était un criminel en cavale ? Néji Bghouri, président du Syndicat national des journalistes tunisiens, a quant à lui fait part de sa préoccupation face à cette première consistant à arrêter un journaliste à son domicile en pleine nuit et a indiqué que les journalistes devront être solidaires et vigilants quant à toute tentative d'intimidation. De même, le SNJT n'exclut pas le probable recours à une action en justice.